Le supplément de l'Institut du Nouveau monde de ce samedi sur la culture québécoise m'incite à fouiller dans mes classeurs pour y extraire le supplément du Nouveau Journal du 7 avril 1962. Il est parfois utile de se rappeler d'où l'on vient.
En manchette «La pensée québécoise a six visages», avec en illustration les photos de Paul Claudel, Blaise Pascal, Georges Bernanos, Fiodor Dostoïevski, Jacques Maritain et Teilhard de Chardin.
Le journal a pris l'initiative d'interroger 125 intellectuels, sommés de donner la liste des cinq écrivains qui les ont le plus influencés. Les réponses de 90 d'entre eux ont pu être compilées et ont donné ce résultat: Claudel et Pascal nommés 13 fois, Bernanos et Dostoïevski nommés 12 fois, Maritain et Teilhard de Chardin nommés 11 fois, le reste à l'avenant. Seul auteur québécois dans la liste des nommés souvent: Lionel Groulx nommé neuf fois (avec Camus et Balzac). La Bible est citée huit fois.
Qui a-t-on interrogé? 14 clercs, 16 journalistes et critiques, 12 poètes, 15 romanciers essayistes et dramaturges, 18 professeurs d'université (toutes disciplines confondues) et une quinzaine de métiers divers: radio, cinéma, télévision, peinture, etc., comme l'écrit le romancier André Langevin qui commente les résultats (et qui figure dans la liste des interrogés).
Quatre femmes dans le lot: Germaine Guèvremont, Anne Hébert, Françoise Loranger et Claire Martin (qui a mis dans la liste les auteurs jeunesse de son enfance). Aucun membre de la communauté anglophone et, faut-il le préciser, des nations autochtones ou des communautés culturelles encore invisibles à cette époque pas si lointaine. On a publié in extenso les réponses de quelques personnes: Claude Jasmin, le Frère Untel et Jean-Charles Bonenfant.
Tant d'absents
André Langevin fait ressortir la domination catholique, l'absence presque complète d'auteurs américains, des classiques grecs, des écrivains des Lumières, des grands romantiques; il discerne les différences de générations, le combat des fils contre les pères, le caractère bourgeois de ces lectures et l'absence de curiosité scientifique. Il trouve aussi «admirable» que des intellectuels aient osé nommer des auteurs canadiens (sic). Il note enfin que les plus jeunes connaissent une liberté intellectuelle beaucoup plus grande que celle de leurs aînés.
Deux seules écrivaines (sur des centaines) reçoivent des mentions: Colette, nommée par Harry Bernard, et Germaine Guèvremont et Gabrielle Roy nommées par Marcel Dubé. Quelques curiosités: Robert Rumilly indique: Charles Maurras, point à la ligne. Dans sa liste, Jacques Godbout (le benjamin de cet aréopage) insère: Hollywood. Tiens tiens! Pierre-Elliott Trudeau nomme: Descartes, Adam Smith, Nerwman, Freud et Laski.
Il faudrait tout citer. Chose certaine, aucune des interrogations qui figurent dans le supplément de l'Institut du nouveau monde, en ce début de 2007, ne transparaît dans ces listes et ces commentaires. En un demi-siècle, la culture et la pensée québécoises ont été complètement réinventées.
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