C’est aujourd’hui à Terrebonne qu’a lieu la première conférence des présidentes et présidents depuis l’arrivée de Pauline Marois à la tête du Parti Québécois. Voici son discours prononcé ce matin dans lequel elle met en lumière le projet de loi sur l’identité québécoise déposé cette semaine à l’Assemblée nationale.
«Chers amis,
Bonjour,
C’est la première fois depuis mon élection à la tête du Parti Québécois que nous avons le plaisir de nous rencontrer.
Merci aux gens de Lanaudière de nous accueillir. Un bonjour tout particulier à Jocelyne Caron et Luc Thériault. Merci d’être avec nous ce matin.
Je veux souligner la contribution remarquable de 2 collègues qui nous ont quittés ces jours derniers : André Boisclair qui a servi avec intelligence et générosité notre cause - Merci André - et Diane Lemieux qui l’a fait avec la même intelligence, cœur et détermination. Je sais que nous pourrons continuer à compter sur eux dans notre avenir politique. Merci et bonne chance pour la suite des choses.
Merci aussi aux gens de Charlevoix et à Rosaire Bertrand. Je m’inscris dans la continuité de son travail auprès des gens de Charlevoix et c’est avec fierté que je défendrai leurs intérêts et leurs projets.
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J’espère que vous êtes en forme parce que nous avons du pain sur la planche. Nous en avons des choses à faire au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
D’abord, on doit préparer notre prochaine plate-forme. C’est pour cela que nous vous demandons de réfléchir. Puis il y aura des assemblées dans vos comtés, dans vos régions. Et toujours, toujours, une action politique constante, ouverte, claire pour reprendre le terrain que nous avons perdu. Parce que cette fois, nous ne nous laisserons pas doubler. Cette fois-ci, nous allons reprendre l’initiative.
Cette action politique, elle doit se faire avec vous. Vous êtes les premiers artisans du succès de notre parti. Je sais que tout comme moi, vous vous êtes mis à l’écoute de la population. Il faut que cela paraisse dans les réflexions et les propositions à venir. Il faut que l’on sente bien au Québec le vent de changement qui nous anime, qui anime notre parti.
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Mais aujourd’hui, je voudrais particulièrement vous parler du projet de loi que nous avons déposé jeudi dernier à l’Assemblée nationale. La Loi sur l’identité québécoise. Il s’agit d’un geste majeur. Vous avez sans doute vu le titre que certains médias lui ont même donné : loi 101 de l’identité. Et ils ont raison. C’est exactement ce que veut être et ce qu’est ce projet de loi.
Grâce à cette loi, nous disons haut et fort que l’identité québécoise doit être défendue, qu’elle s’appuie sur des valeurs et un patrimoine historique et qu’elle doit être transmise, en particulier par la valorisation du français et par un enseignement de l’histoire nationale qui ne soit pas aveugle.
Mais nous avons été plus loin encore. En proposant d’instituer une citoyenneté québécoise que définirait une constitution québécoise, nous disons que les mesures concrètes que nous proposons ne sont pas que ponctuelles : elles sont inscrites dans une loi qui assure la pérennité de ce que nous tenons pour essentiel.
Pourquoi? Pourquoi avoir maintenant déposé ces lois? Parce que nous portons, comme le disent nos adversaires, un projet ethnique? Parce que nous voulons nous fermer aux autres? Parce que nous voulons créer deux classes de citoyens? Bien sûr que non! Vous le savez bien. Nos adversaires aussi d’ailleurs.
Cesser d’avoir peur
Lorsque j’ai été officiellement nommée à la tête du Parti Québécois, le 27 juin dernier, je vous ai dit qu’il fallait cesser d’avoir peur. Peur d’avoir l’air intolérant! Peur de faire les choses autrement! Peur de parler de mémoire, d’histoire, de peuple, d’identité, de culture.
Au Québec, on a eu si longtemps peur, tellement peur de parler de nous-mêmes, que cela nous a conduits à une Commission mise en place par M. Charest. Depuis plus d’un an, les controverses entourant les accommodements raisonnables ont intéressé tous les Québécois, de toutes origines, avec une vigueur et une intensité qui révèlent une inquiétude réelle, légitime, concernant les valeurs communes, l’intégration des immigrants, les règles du vivre-ensemble.
Dans plusieurs régions, des citoyens et des nouveaux arrivants ont répété que le Québec n’avait pas indiqué assez clairement quels principes clés gouvernent ou devraient gouverner les rapports entre Québécois, quelque puissent être leurs origines. Vous les avez entendus : Il faut être plus clairs sur ce qui nous tient à cœur disent les uns. Si personne ne nous informe des valeurs ou de l’histoire du Québec, répondent les autres, comment est-on censé le savoir.
Dire « nous » au Québec
Cette inquiétude demandait de la part des leaders politiques québécois non des approches populistes ou démagogiques, non le déni du problème, non des mesures partielles ou limitées dans le temps mais une solution réfléchie, cohérente, structurante et durable.
C’est pourquoi le Parti Québécois a décidé de proposer une Loi sur l’identité québécoise. Dire « nous » au Québec ne suppose nullement qu’il y ait un « eux » qui regrouperait des citoyens de seconde zone et dont les droits fondamentaux ne seraient pas respectés, des personnes écartées de la nation parce qu’elles ne seraient pas de souche canadienne-française.
Dites-moi en vertu de quelle rhétorique le nous « canadien » serait inclusif et le nous « québécois » exclusif? Ne sommes-nous pas une nation? Reconnue même par les partis fédéraux? Alors, en quoi l’affirmation de nous-mêmes serait-elle un projet ethnique? Et en vertu de quoi notre « nous» serait-il différent de tous les « nous » des peuples du reste du monde?
Dire « nous », c’est en réalité affirmer deux choses : qu’il existe au Québec une majorité que l’histoire a fabriquée dans sa singularité et son originalité et que cette majorité aspire, légitimement, à l’affirmation d’elle-même au nom d’une identité, d’une langue et de valeurs qu’elle conçoit comme étant les siennes.
Dire « nous », c’est aussi inviter toutes celles et ceux qui ne se réclament pas de quatre siècles d’histoire à rejoindre la majorité dans ses espérances et dans l’édification d’une société démocratique et ouverte en Amérique.
Depuis quelque temps, les Québécois se posent plus que jamais la question de leur identité. Un peu partout, on se demande quelle est la place des uns et des autres au sein de la société québécoise. Quelle est la place de la majorité francophone? Où se trouvent ses droits et ses devoirs quant à l’accueil de ceux qui ont choisi de venir la rejoindre? Quels sont les droits et les devoirs de ceux qui montent à bord du train en marche de l’histoire du Québec?
Franchement, entre nous, quand on est à se demander ce que peut légitimement revendiquer une majorité, c’est que cette majorité elle-même n’est pas toujours certaine de pouvoir dire « nous » en toute légitimité.
De la même manière, si nous nous interrogeons ces temps-ci sur les droits et devoirs des individus appartenant à des groupes minoritaires au Québec, c’est que nous ne savons plus très bien ce que nous sommes en droit d’attendre ou d’espérer de ceux qui proviennent de tous les horizons et qui viennent se joindre à la grande aventure québécoise.
Être acteurs de sa propre histoire
Ces personnes, nous sommes heureux de les accueillir. Nous sommes conscients de leur apport au développement du Québec. Nous ne souhaitons pas en restreindre le nombre. Nous sommes convaincus que leur présence est nécessaire et souhaitable. Mais devons-nous, pour mieux les recevoir, nous effacer de notre propre histoire?
Devons-nous faire comme si les valeurs qui nous sont chères pouvaient être remises en question? Et qui a-t-il d’intolérant, d’exclusif ou de déni de l’autre que d’affirmer notre existence. Si ces questions nous interpellent aujourd'hui avec une telle intensité, c’est justement parce qu’elles nous ramènent à nos incertitudes et à une définition mal assurée de nous-mêmes.
Bien sûr, les Québécois d’aujourd’hui s’affirment dans bien des domaines. Partout on se tourne vers nos artistes et nos créateurs. Notre expertise dans de nombreux domaines est célébrée dans plusieurs pays du monde.
Mais l’affirmation de soi pour un peuple, ce n’est pas seulement de démontrer ses talents et se démarquer grâce à ses réussites. L’affirmation de soi implique de se dresser comme les acteurs de sa propre histoire, comme un acteur collectif capable, en se retournant vers le passé et en se projetant dans l’avenir, de dire « nous ».
Ce pouvoir, il ne sera véritablement le nôtre que grâce à la souveraineté. Mais, c’est aussi par la souveraineté que nous ferons taire les démons de nos incertitudes identitaires. Qui sommes-nous? Quelles sont nos valeurs? Ces questions expriment le besoin d’une refondation de notre collectivité. Pour dire ce que nous sommes, ce que sont les valeurs qui se sont formées dans notre histoire et que nous ne voulons pas négocier. Cet acte par lequel nous inscrirons notre nom dans l’histoire des peuples.
Mais, vous le savez, la conjoncture ne nous permettra pas de réaliser immédiatement la souveraineté. En rompant avec l’obsession référendaire, je me suis engagée à pratiquer une pédagogie des cœurs auprès des Québécois de sorte à raviver l’ardeur qui était la nôtre autour de ce grand projet. Il nous faut retrouver les raisons profondes pour lesquelles nous voulons faire du Québec un pays.
Cela signifie-t-il que d’ici à ce que les Québécois soient disposés à se donner un État souverain, il n’y aurait rien à faire? Rien à proposer? Les Québécois attendent beaucoup plus de nous et ils ont raison. Ils veulent nous voir nous porter à la défense de l’identité québécoise.
Ils veulent nous entendre affirmer, sans complexe, l’existence d’une majorité qui aspire légitimement à former le cœur de la nation. Ils veulent nous voir ouvrir les portes de la nation québécoise aux minorités et à tous les nouveaux arrivants qui veulent l’enrichir, dans le respect de nos valeurs communes.
Ils veulent que nous exprimions et défendions les grandes valeurs démocratiques auxquelles ils tiennent tant.
Ils veulent, enfin, nous entendre évoquer l’histoire qui les a portés jusqu’ici. Car au-delà des accommodements raisonnables et de l’interprétation qu’en font les tribunaux, toutes les Québécoises et tous les Québécoises s’attendent à ce que leurs représentants politiques donnent des orientations claires et assument leurs responsabilités dans le présent débat. Ils ne veulent ni d’un gouvernement qui manque de courage politique, ni d’une opposition officielle qui exacerbe les peurs, tout en étant incapable de dire clairement quelles actions elle envisage pour corriger les situations problématiques. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces lois. Loin de marquer l’abandon de notre désir de souveraineté, elles posent une pierre importante pour le mieux-être collectif du peuple québécois et nous inscrivent dans la durée.
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Affirmer l’identité québécoise dans ce qu’elle a de plus fondamental, c’est intervenir de manière déterminée sur trois enjeux : l’affirmation et la défense des valeurs sur lesquelles se fonde notre société; la promotion de la langue française et de l’enseignement de l’histoire nationale; les politiques liées à l’intégration des nouveaux québécois.
D’ailleurs à ce chapitre, mettons les choses au clair une bonne fois pour toutes. Nous souhaitons inscrire dans la Charte des droits et libertés le droit à l’apprentissage du français. C’est important un droit. Et pourtant, il n’y a rien de tel actuellement.
J’ai, en plus, entendu des gens décrier le fait que l’on demande aux immigrants d’apprendre le français dans un délai raisonnable à défaut de quoi ils ne pourraient avoir de citoyenneté québécoise.
Rappelons la réalité. Lorsqu’une personne immigre au Canada, pour devenir citoyen canadien, elle a l’obligation d’apprendre soit le français, soit l’anglais. Normal puisque ce sont les deux langues officielles du Canada. Alors, expliquez-moi en quoi le fait de demander à une personne qui immigre au Québec d’apprendre le français est-il différent? En quoi la citoyenneté canadienne est-elle plus inclusive que la citoyenneté québécoise? Est-ce encore une règle de deux poids, deux mesures?
Je ne peux pas croire que 30 ans après la loi 101, on se questionne encore sur le bien fondé de protéger la langue française.
Est-ce que c’est cela que le ministre Couillard envoie comme message à la population?
Étrange message pour un prétendant au trône… Et il prétend que cette loi crée deux classes de citoyens. Faux ! Archi-faux ! C’est vous, monsieur le ministre qui créez deux classes de citoyens. Votre gouvernement a coupé dans la francisation des immigrants créant ainsi deux classes de citoyens ceux qui parlent français et ceux qui ne le parlent pas.
Dans le projet de loi que nous avons déposé, nous obligeons le gouvernement à fournir l’aide et l’accompagnement nécessaires à l’apprentissage du français et à l’intégration au milieu du travail. C’est beaucoup plus que ce qui se fait maintenant.
Nous sommes conscients que la très large part des nouveaux arrivants ne demande qu’à s’intégrer. Nous sommes conscients que les taux de chômage sont systématiquement plus élevés chez les populations immigrantes, et ce, même si les immigrants sont en moyenne plus scolarisés que l’ensemble des Québécois, et même s’ils parlent français. D’où l’obligation que nous voulons créer dans la loi, et je dis bien obligation, pour l’État de fournir aide et accompagnement pour l’intégration au milieu du travail. Il me semble que nous proposons davantage que ce qui existe déjà.
Nous croyons que ceux et celles qui choisissent de venir vivre ici doivent s’intégrer mais nous croyons aussi que l’État a des obligations vis-à-vis ces personnes. Et nous croyons que la loi déposée atteint un juste équilibre.
Je vous le dis, pas plus qu’avec la loi 101, nous ne sommes coupables de vouloir protéger notre langue, nos valeurs et notre culture. Nous le faisons correctement. Dans le respect des autres et dans le respect de nous-mêmes. Et si nous devons mener une bataille, nous la mènerons.
La Loi sur l’identité québécoise se veut un lieu de rassemblement.
« Ce projet de loi tel que conçu nuira au développement économique de notre milieu et donnera libre cours à l’intolérance », déclarent 300 chefs de file québécois (La Presse, 4 juin 1977)
« Si leur liberté est menacée, la nôtre pourrait l’être un jour », ajoute une association. (Association provinciale des enseignants protestants du Québec, Le Devoir, 11 juillet 1977)
Ces deux phrases n’ont pas été prononcées hier. Et elles ne concernent pas le projet de loi sur l’identité québécoise. Elles ont été écrites il y a 30 ans, lors du dépôt de la loi 101. Et pourtant, qui maintenant au Québec remet en question l’absolu nécessité de cette loi?
Tout comme l’adoption de la Charte de la langue française en 1977, le Parti Québécois démontre encore une fois sa volonté ferme d’être défenseur des intérêts du Québec et de sa population.
Je veux dire à tous ceux qui arrivent : Prenez le train en marche de l’histoire. Faites partie du voyage. Joignez-vous à ce rassemblement que vous propose la majorité francophone dans cette grande aventure qui est celle d’une société unique en Amérique. Associez-vous au destin de cette nation en marche dont la majorité francophone forme le cœur.
Les Québécoises et les Québécois sont ouverts et tolérants. Ils veulent ouvrir des portes et des fenêtres sur l’extérieur. Mais ils veulent aussi que les fondations de la maison soient solides. C’est ce que nous proposons : une fondation solide, une Loi sur l’identité québécoise, une Constitution, une citoyenneté, des valeurs fondamentales fortes et clairement affirmées.
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Comme vous le savez, je me suis engagée il y a quelque temps à ne pas avancer d’échéancier et surtout à ne pas nous engager dans des promesses que nous ne pourrions peut-être pas tenir. Cela ne signifie pas que nous renonçons du même coup à la souveraineté. Seulement, il nous faut retourner vers les Québécoises et les Québécois et leur faire partager notre passion pour ce projet et leur redire la nécessité de le mener à terme.
Surtout, je veux les faire rêver. Les faire rêver d’un pays tout neuf dans lequel s’ouvriraient de nouvelles possibilités. Les Québécois ont cessé de rêver depuis quelque temps. Même ce grand projet qu’est la souveraineté leur a été présenté de manière un peu comptable, un peu technique. Je défendrai la souveraineté et j’en montrerai la nécessité. Mais je ne tournerai pas le dos à la part de rêve qui accompagne notre projet.
La souveraineté nous permettra de récupérer tous les pouvoirs qui sont ceux d’une nation indépendante. Mais pour l’heure, il nous faut aller de l’avant de manière réaliste et décidée. Nous n’attendrons pas le grand soir. Nous ne nous enfermerons pas dans un immobilisme stérile. Nous décentrer temporairement de la question du référendum et de la stratégie, ce n’est donc pas renoncer à la souveraineté.
L’histoire du Québec, nous n’en connaissons pas la fin. Les Québécoises et les Québécois de toutes origines vont l’écrire. Mais nous, aujourd’hui, nous avons le droit de dire simplement et sans complexe que nous voulons voir durer une certaine façon d’habiter le monde, une certaine manière d’habiter l’Amérique, une manière qui reflète ce que notre culture, notre langue et notre parcours historique ont dessiné.
Aujourd’hui, nous avons le droit de rêver d’écrire pour toujours dans l’histoire des peuples ce petit mot de six lettres : Québec. »
- Source
(Photo: Jacques Nadeau, Le Devoir)
Conférence nationale des présidentes et présidents : discours de Pauline Marois
La Loi sur l’identité québécoise
Aujourd’hui, nous avons le droit de rêver d’écrire pour toujours dans l’histoire des peuples ce petit mot de six lettres : Québec. »
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