Laïcité et identité

La laïcité victime d’un détournement identitaire

Le cours ECR est une lamentable erreur; le volet de « culture religieuse » doit en être retiré.

ECR - Éthique et culture religieuse

Il faut de toute urgence retirer le volet de « culture religieuse » du cours d’Éthique et culture religieuse (ECR) afin d’éviter un autre dérapage identitaire autour d’un principe démocratique universel qui, tout comme la liberté, l’égalité ou la dignité, n’appartient pas à un seul peuple mais appartient à tous les êtres humains. Le principe de laïcité est un principe à portée universelle.
Le cours ECR doit être retiré car il fait sciemment la promotion d’un type particulier de laïcité qu’on appelle la « laïcité ouverte [aux religions]». Ce type de laïcité a été défini et promu par des gens de toutes obédiences religieuses souhaitant avant tout faciliter les accommodements religieux dans la gestion des affaires publiques.
Au Québec, les promoteurs de la « laïcité ouverte [aux religions]» ont profité d’une structure institutionnelle, en l’occurrence le Secrétariat aux affaires religieuses et le Comité sur les affaires religieuses du Ministère de l’éducation, pour donner à ce nouveau programme une dimension idéologique propre à rendre familier et souhaitable le maintien du religieux dans les institutions publiques.
Ce soit-disant « modèle québécois de laïcité ouverte [aux religions]» ne fait pas l’unanimité. Aucun débat permettant d’établir clairement le modèle de laïcité réellement souhaité par les québécois, qu’elles que soient leurs origines, n’a encore officiellement eu lieu au Québec.
Une société véritablement laïque pourrait-elle maintenir un enseignement de nature religieuse dans ses écoles primaires et secondaires? Est-il du ressort de l’école laïque d’accompagner le « cheminement spirituel » de l’élève en accaparant les ressources dédiées aux services complémentaires pour ce faire? Une société laïque peut-elle permettre la récitation de prières lors de conseils municipaux ou tolérer qu’un symbole religieux domine son assemblée législative nationale? Ne s’agirait-il pas là d’énormes accommodements religieux? Telles sont cependant les accommodements religieux que les promoteurs de la « laïcité ouverte [aux religions]» souhaitent voir perdurer sous prétexte de perpétuer l’identité culturelle des québécois.
Pourrait-on, sans craindre le ridicule, prétendre qu’il s’agirait-là d’une véritable laïcité?
La société québécoise n’a pas encore assez réfléchi à son modèle de laïcité et devra certainement engager un large débat public pour venir à bout de cette question.
Un tel débat est plus que jamais nécessaire mais il ne pourra pas être mené à bien sereinement s’il est victime d’un détournement identitaire.
Le cours ECR est l’un des principaux coupables de ce détournement puisque le concept incongru de « culture religieuse » lie irrémédiablement dans les esprit la culture et la religion.
Or, rien ne fonctionne avec ce concept de « culture religieuse »; Est-ce que les gens qui appartiennent à une même culture sont tous de même religion? Est-ce que la religion à elle-seule résume le tout d’une culture? Est-ce que les gens qui témoignent d’une culture particulière sont tous nécessairement religieux? Est-ce qu’une même religion ne se retrouve pas dans différentes cultures?
Les Québécois ont la liberté de croire à la religion qui leur convient et ne sont pas que catholiques, la culture québécoise ne se résume pas qu’au catholicisme, plusieurs québécois ne sont pas religieux et ne sont pas moins québécois pour autant et le catholicisme n’est pas propre au québécois mais est répandu sur toute la planète. Et toutes ces propositions sont vraies depuis la naissance de la nation québécoise.
Nous pourrions reprendre ce petit exercice avec toutes les cultures et toujours nous constaterions l’absence de lien nécessaire entre une culture donnée et une religion particulière. Le concept de « culture religieuse » est une impasse conceptuelle, un concept absurde qui ne peut que ruiner nos chances de débattre en toute intelligence de la place de la religion dans la gestion des affaires publiques.
Voilà pourquoi il est si important de ne plus exposer nos enfants à un enseignement proprement aliénant, un enseignement fondé sur un concept absurde, un enseignement au service d’une propagande en faveur d’une conception tout aussi indéfendable de laïcité.
Le cours ECR est une lamentable erreur; le volet de « culture religieuse » doit en être retiré.
***
Marie-Michelle Poisson
Présidente du Mouvement laïque québécois


Laissez un commentaire



5 commentaires

  • Nicodème Camarda Répondre

    13 décembre 2009

    Je suis tout à fait d'accord. Il y a dans l'association des mots «culture religieuse» quelque chose qui me dérange et me fait peur en même temps. Écoutez ce que dit Antonin Artaud, Le théâtre et son double
    [ ...Toutes nos idées sur la vie sont à reprendre à une époque où rien n'adhère plus à la vie. Et cette pénible scission est cause que les choses se vengent, et la poésie qui n'est plus en nous et que nous ne parvenons plus à retrouver dans les choses ressort, tout à coup, par le mauvais côté des choses; et jamais on n'aura vu tant de crimes, dont la bizarrerie gratuite ne s'explique que par notre impuissance à posséder la vie.
    Si le théâtre est fait pour permettre à nos refoulements de prendre vie, une sorte d'atroce poésie s'exprime par des actes bizarres où les altérations du fait de vivre démontrent que l'intensité de la vie est intacte, et qu'il suffirait de la mieux diriger.
    Mais si fort que nous réclamions la magie, nous avons peur au fond d'une vie qui se développerait tout entière sous le signe de la vraie magie.
    C'est ainsi que notre absence enraciné de culture s'étonne de certaine grandiose anomalie et que par exemple dans une île sans aucun contact avec la civilisation actuelle le simple passage d'un navire qui ne contient que des gens bien portants puisse provoquer l'apparition de maladies inconnues dans cette île et qui sont une spécialité de nos pays: zona, influenza, grippe, rhumatisme, sinusite, polynévrite, etc..,etc.
    Et de même si nous pensons que les nègres sentent mauvais, nous ignorons que pour tout ce qui n'est pas l'Europe, c'est nous, blancs, qui sentons mauvais. Et je dirais même que nous sentons une odeur blanche, blanche comme on peut parler d'un «mal blanc».
    Comme le fer rougit à blanc on peut dire que tout ce qui est excessif est blanc: et que pour un Asiatique la couleur blanche est devenue l'insigne de la plus extrême décomposition.
    Ceci dit, on peut commencer à tirer une idée de la culture, une idée qui est d'abord une protestation. Protestation contre le rétrécissement insensé que l'on impose à l'idée de la culture en la réduisant à une sorte d'inconcevable Panthéon; ce qui donne une idolâtrie de la culture, comme les religions idolâtres mettent des dieux dans leur Panthéon.
    Protestation contre l'idée séparée que l'on se fait de la culture, comme s'il y avait la culture d'un côté et la vie de l'autre; et comme si la vraie culture n'était pas un moyen raffiné de comprendre et d'exercer la vie.
    On peut brûler la bibliothèque d'Alexendrie. Au-dessus et en dehors des papyrus, il y a des forces: on nous enlèvera pour quelque temps la faculté de retrouver ces forces, on ne supprimera pas leur énergie...]
    Amicalement
    Nicodème :)

  • Archives de Vigile Répondre

    13 décembre 2009

    Je vous soutiens totalement dans votre lutte et dénonce aussi ce mensonge qu'est la ''culture religieuse''.
    Mireille Des Rochers

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2009

    Je serais curieux de savoir si le Mouvement laïc québécois compte un nombre significatif de membres provenant des traditions musulmanes, juives, talmudes, shiks, etc. qui défendent les mêmes idées que Mme Poisson dans leur communauté naturelle d'appartenance ? Ceci m'inquiète un peu, car faute d'un enracinement dans les communautés qui semblent être moins disposées à faire les distinctions nécessaires entre la vie privé et la vie publique en matière de foi religieuse, le prêche à la laïcité pourrait au final ne s'adresser avec efficacité qu'aux francophones ayant délaissé peu ou prou la foi catholique. Ces francophones sont certes un terreau fertile pour l'abandon de tout référent religieux, un terreau fertile pour l'abandon de toute tradition anyway, ... en est-il de même pour les autres segments de «notre» multiculturalité qui continue de se construire à marche forcée ? GV

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2009

    Il est vrai qu’au Québec, le débat sur « la société laïque », « l’identité nationale », « la liberté religieuse » dans l’espace public, n’est qu’à son balbutiement. Dans votre article, vous avez tenté de démontrer comment une culture n’est pas liée nécessairement à une religion ou des religions. L’expression « culture religieuse » est ambiguë et peut se refermer comme un piège sur tout vrai débat autour de nos vraies valeurs laïques et démocratiques.

  • Archives de Vigile Répondre

    12 décembre 2009

    Là où je suis entièrement en accord avec l'auteure c'est lorsqu'elle dit qu'un débat s'impose pour préciser ce que les Québécois entendent sur cette question de la laicité et de la culture religieuse.
    "La société québécoise n’a pas encore assez réfléchi à son modèle de laïcité et devra certainement engager un large débat public pour venir à bout de cette question"
    Le débat implique inévitablement que personne n'a, pour l'instant, la réponse collective de la société québécoise sur cette question. Un effort particulier sera nécessaire pour l'aborder, non pas à travers le prisme de nos frustrations ou encore de nos revendications religieuses, mais de celui de l'HUMANISME dont nous voulons nous prévaloir. Si nous parvenons à préciser l'HUMANISME sur lequel nous souhaitons fonder notre société, nous trouverons bien les réponses qui conviennent aux questions soulevées dans le présent article.