Après avoir voté, je suis parti en mission au Cameroun. Je suis mal placé pour commenter de si loin le résultat de nos élections : je le ferai sans doute au retour. En attendant, je vous relate un vieux souvenir africain émouvant et aussi pertinent, je crois...
Il y a plusieurs années, lors d'un stage d'enseignement à Conakry, capitale de la Guinée, on m'a demandé d'aller donner une conférence dans la ville universitaire lointaine de Kankan.
Mon exposé économique fut suivi d'une période de questions. Une jeune Africaine s'approcha du micro et me demanda : «Est-il vrai qu'au Québec, Félix Leclerc, Gaston Miron et Gilles Vigneault ont joué un rôle majeur dans la marche vers l'indépendance ?» Je savais fort bien quoi répondre, mais l'émotion m'a empêché pendant plusieurs secondes de le faire.
J'ai repensé à cet incident quand on a publié récemment des chiffres montrant que nos écrivains favorisaient massivement l'indépendance. Cet appui généralement partagé par l'ensemble du monde culturel est de fort bon augure. Une nation existe d'abord par sa culture qui englobe ses bonheurs et ses malheurs communs, sa mémoire et ses rêves, son identité comme son mode de vie. La culture, c'est l'âme de la nation. Certaines nations pauvres matériellement n'ont même presque pour seule richesse que leur culture.
Quand près de la moitié de l'humanité a vécu l'épreuve du communisme, la culture a préservé un certain niveau de bonheur chez plusieurs des peuples en cause. Dans ces temps difficiles, la danse et le théâtre, la littérature et la musique étaient sources de réconfort à Moscou comme à Prague et à Varsovie. À leur manière, les États-Unis font aussi l'illustration que la culture est vitale : c'est même leur première industrie nationale.
Inutile de dire qu'au Québec, tout ce qui touche la culture est fondamental. C'est un domaine presque sacré, comme Stephen Harper l'a appris récemment.
UN SOUTIEN VITAL
J'ai toujours été étonné, parfois irrité, de voir certains opposer économie et culture. S'il y a aux États-Unis autant d'orchestres symphoniques, c'est qu'ils en ont les moyens. Sans sa puissance économique, la France ne pourrait maintenir ni le Louvre, ni Orsay et n'aurait pas construit l'Opéra Bastille. Quand le Québec se bat contre le déséquilibre fiscal, il recherche des moyens pour la santé et l'éducation, mais aussi pour le soutien des arts et des créateurs. Regardons le nombre de ceux qui, et c'est tant mieux pour eux et pour nous, sont devenus riches dans les métiers artistiques. Et je ne pense pas qu'à Céline Dion et Guy Laliberté... Le monde culturel comporte aussi évidemment beaucoup de moins nantis. C'est souvent le cas en début de carrière : notre soutien est alors vital.
La culture est un élément fondamental de la qualité de la vie dans ses dimensions les plus sophistiquées comme les plus populaires. Éric Dupont et Yves Beauchemin rendent heureux, Jean-Pierre Ferland et Ginette Reno aussi. Mais tout cela est meilleur et rayonne davantage quand on sait aussi créer la richesse. Dans la marche vers l'indépendance, toutes les composantes sont nécessaires et contribueront à un plus grand bonheur après.
La culture qui nous sauve
Dans la marche vers l'indépendance, toutes les composantes sont nécessaires et contribueront à un plus grand bonheur après.
Le Québec économique
Bernard Landry116 articles
Ancien premier ministre du Québec, professeur à l'UQAM et professeur associé à l'École polytechnique
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