Choquée par l'appui populaire dont jouit Stephen Harper avec ses propos sur les artistes, l'Union des artistes (UDA) a tenté hier de ramener le débat dans la sphère économique, rappelant que les industries culturelles emploient 1,1 million de personnes et génèrent des retombées annuelles de 85 milliards au Canada.
Au lendemain des commentaires du chef conservateur qui a raillé les hauts cris d'artistes qui foulent des «tapis rouges» en robe à paillettes lors de «galas subventionnés», le président de l'UDA, Claude Legault, s'est dit pressé de mettre fin aux discours émotifs pour s'adresser à l'intelligence des électeurs.
«Il faut parler d'autres choses que des paillettes et des prix Gémeaux. La réalité, c'est que la culture, ça rapporte à tout le monde économiquement, socialement et humainement. Aux artistes et aux artisans, mais à toute une économie périphérique et à l'économie en général», a martelé M. Legault.
L'UDA a appuyé ses dires sur des études du Conference Board, qui révèlent que le secteur culturel emploie un Canadien sur 17, et génère l'équivalent de 7,5 % du produit intérieur brut (PIB) en retombées directes et indirectes.
Vu sous cet angle, l'impact des industries culturelles représente deux fois la valeur des retombées directes engendrées par l'extraction du pétrole et du gaz au Canada, et cinq fois plus que les impacts directs reliés à l'industrie de l'automobile. Deux secteurs grassement subventionnés par Ottawa, rappelle l'UDA.
«Personne ne s'insurge du fait que le gouvernement investisse dans d'autres types d'industries, que ce soit l'aéronautique ou l'industrie de la pharmacologie. On réclame la même chose pour l'industrie des arts et de la culture», a ajouté le président de l'UDA.
Ce dernier s'est dit ébranlé par l'impact engendré par le discours populiste de Stephen Harper dans l'opinion publique, et ce, en dépit du spectacle d'appui ayant réuni à Montréal une brochette d'artistes dénonçant les compressions de 45 millions faites par les conservateurs aux programmes culturels. «C'est un choc. Les artistes ont souvent pris parole pour toutes sortes de causes, et leur parole a toujours été acceptée. Mais quand il s'agit de défendre leur propre cause, il y a ce backlash», a-t-il déploré.
Après avoir crié leur colère sur les tribunes publiques, les artistes doivent maintenant brandir des arguments rationnels, fondés sur l'économie, dit-il.
Coupes de 43 % d'ici 2012
Selon l'UDA, le gouvernement fédéral a sabré 7,7 % dans les budgets fédéraux dédiés aux programmes culturels entre 2006 et 2007. Stephen Harper affirme avoir accru de 8 % les budgets consentis à la culture. Or, cette hausse englobe tous les budgets liés à Patrimoine canadien, ce qui comprend des sommes versées à Parcs Canada, à la condition féminine et même aux transferts fédéraux aux lieutenants-gouverneurs des provinces, spécifie l'UDA.
Entre 2007 et 2012, les désinvestissements en culture projetés par les conservateurs atteindraient 42 %, ce qui aura un puissant effet de sape sur l'économie du pays tranche l'UDA, qui demande aux partis fédéraux d'investir 1 % du budget total dans la culture.
Le discours économique de l'UDA a été relayé hier à Toronto par des vedettes du petit et du grand écran, qui ont fait front commun pour dénoncer les propos de Stephen Harper et pour relancer les mêmes chiffres sur l'impact des industries culturelles.
«Stephen, les arts, c'est l'économie, stupide», a lancé Karl Pruner, président de l'Actra, l'alliance canadienne regroupant les artistes du cinéma, de la radio et de la télévision.
Avec le comédien Colm Feore à leur tête, les acteurs ont conspué les coupes du gouvernement conservateur et son projet de loi C-10 sur la censure. «Notre culture et nos emplois sont attaqués par un gouvernement qui veut sabrer dans le soutien aux arts, censurer notre travail et accroître la mainmise étrangère sur nos entreprises médiatiques», a dénoncé l'actrice Wendy Crewson. Colm Feore (32 films brefs sur Glenn Gould) soutient que les arts sont partie intégrante de l'identité canadienne. «Et si nous perdons (les arts), et perdons de vue leur valeur, nous les perdrons à jamais», a-t-il prévenu.
Le Regroupement des artistes en arts visuels (RAAV) a aussi décrié hier le premier ministre Harper, rappelant que les artistes «gâtés» auxquels il fait référence ne dépendent pas des subventions. Une étude de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS) révèle que seulement 18 % des artistes en arts visuels ont touché une aide de l'État et gagnaient en moyenne 11 000 $ par année.
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Avec La Presse canadienne
Les artistes du Québec et du Canada anglais répliquent à Stephen Harper
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