Les chiffres officiels en cachent d’autres bien plus importants

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Moins de mouvement de population, moins de transmission


Le nombre de cas officiels de la COVID-19 au Canada a franchi la barre des 400, atteignant le seuil observé en Chine le 23 janvier, date à laquelle la ville de Wuhan était placée en quarantaine. L’épidémie a ensuite frappé 80 000 personnes, faisant plus de 3000 morts. Suivra-t-elle la même courbe ici ?



L’image est frappante. Deux courbes se superposent sur une ligne du temps. L’une affiche les cas de COVID-19 recensés de janvier à février en Chine. Et l’autre, beaucoup plus précoce et plus imposante, permet de voir l’avancée réelle qu’a connue l’épidémie sur le terrain, grâce aux enquêtes menées a posteriori auprès des patients chinois pour déterminer la date réelle du déclenchement de leurs premiers symptômes.


Ce graphique et ces données, tirés du Journal of the American Medical Association, démontrent que ce n’est pas 400 cas de coronavirus qui sévissaient à la date de la mise sous quarantaine de la ville de Wuhan. En réalité, plus de 2500 personnes étaient déjà infectées par le virus, mais n’ont été testées que beaucoup plus tard par les autorités, quand elles étaient au plus mal.



Des chiffres… au terrain


De fait, le nombre de nouveaux cas officiels détectés en Chine a bondi en onze jours de 400 à près de 4000, après la quarantaine stricte imposée à des millions de personnes.


La mauvaise nouvelle ? Ce décalage entre chiffres officiels et réels sur le terrain suivra probablement la même course partout dans le monde, y compris au Québec et au Canada.


« La progression observée en Chine, ça correspond à ce qu’on pense qui va se produire. Quand on recense un cas, c’est que les gens sont malades depuis déjà plusieurs jours et ont pu contribuer à la transmission », indique le Dr Gaston De Serres, épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec.


Au Québec, on s’attend donc aussi à ce que le nombre de cas officiels gonfle rapidement, malgré les mesures d’isolement recommandées aux voyageurs et la fermeture forcée des écoles et d’un grand nombre de lieux publics.



Des effets à long terme


En Chine, malgré la quarantaine stricte appliquée et la fermeture généralisée d’entreprises et d’écoles, l’épidémie « observable » a continué de progresser, pour culminer une douzaine de jours après le début de la mise en quarantaine à Hubei. Cela correspond à peu près au temps d’incubation du virus, et au délai moyen avant que les malades les plus éprouvés affichent des symptômes assez sérieux pour devoir être soignés dans les hôpitaux.


Au moment où les autorités chinoises et les hôpitaux étaient submergés par les nouveaux cas, notamment 15 % de cas sévères et 5 % de cas critiques nécessitant une aide respiratoire, la contamination de nouvelles personnes par le virus, elle, avait déjà commencé à fléchir dans la population, et ce, trois jours après la mise sous quarantaine.


La bonne nouvelle, alors ? « C’est que dès que des mesures de contrôle sont appliquées, il y a une baisse immédiate de transmission réelle qui se produit dans la population. Mais ça va prendre plusieurs jours ici avant qu’on voie les chiffres baisser parce que plusieurs personnes sont probablement en incubation à l’heure actuelle », précise cet épidémiologiste.


Impossible de dire pour l’instant si le nombre de cas réels au Québec ou au Canada est en ce moment 5 ou 10 fois supérieur aux chiffres officiels recensés en date d’aujourd’hui, comme ce fut observé en Chine.


« On sait toutefois que le profil de l’épidémie vécue à Hubei est différent de celui observé jusqu’ici du Canada, où la majorité des cas est encore liée à des voyageurs revenus de l’étranger. À Hubei, l’épidémie s’est plutôt propagée dans la communauté. Ce qu’on va vivre de la même manière, c’est le décalage dans le temps dans les cas déclarés et réels. Et le même décalage avant que les mesures annoncées ne portent des fruits », affirme le spécialiste.


Les facteurs culturels et sociaux, comme la densité de population et le comportement face aux consignes imposées par le gouvernement, sont autant d’éléments qui changent la vitesse de transmission. L’isolement social imposé en Chine, strictement observé, a été pris avec un grain de sel jusqu’à il y a quelques jours en Amérique et dans certains pays d’Europe. Des gens continuent de voyager, malgré les recommandations formulées. En France, le profil des personnes atteintes est d’ailleurs différent, puisque 50 % des malades hospitalisés ont moins de 65 ans.


Peut-on s’attendre à des résultats aussi efficaces qu’en Chine, alors que les frontières du Canada ne sont toujours pas étanches, notamment celle avec les États-Unis ?


« Le grand message de ces données, c’est que la croissance de cette épidémie est rapide et exponentielle. Ici, les mesures prises ne sont pas aussi intenses [qu’en Chine]. Il est difficile de savoir si les gens respectent toutes les consignes. Le message-clé est que toute personne avec des symptômes doit rester chez elle — car tout le monde ne peut être testé — et de limiter les contacts entre personnes. Avec 400 cas à ce jour, la transmission continue et il faut agir immédiatement. La décision de fermer les frontières est aussi de nature politique et économique. Mais c’est clair que tout le monde comprend que, moins il y a de mouvements de population, moins il y a de transmission. »




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