«Selon un journaliste qui préfère garder l'anonymat, il arrive parfois à Bernard Descôteaux, le directeur du Devoir, de s'emporter et de frapper du poing sur la grande table ovale, lorsqu'un journaliste de son équipe refuse de se plier à la ligne éditoriale du journal.»
Vous croyez que cette nouvelle est sérieuse? Rien de moins sûr. Premièrement, se fier à un témoignage fait sous le couvert de l'anonymat ne garantit en rien la vérité. Deuxièmement, je ne sais nullement si le directeur du Devoir s'emporte parfois et tente d'influencer les opinions de son équipe, ou même de les intimider, surtout ceux qui ont un statut précaire, mais il se peut fort bien qu'il s'emporte de temps en temps, cela me semble très humain et peut faire partie du caractère de la personne, tout comme il se peut qu'il soit davantage enclin au compromis et à la soumission.
Troisièmement, je ne crois pas que c'est pratiquer un journalisme sérieux que de faire une manchette avec les traits de caractère d'un personnage public. Le journaliste, qu'il préfère garder l'anonymat ou pas, fait preuve d'un manque d'éthique évident en tirant dans les pieds de son journal et il n'améliore en rien ses conditions de travail, ni celles de son journal.
J'ai inventé toute cette histoire, vous l'aurez deviné. Mais c'est à peu près ce qui s'est passé cette semaine avec les «révélations sensationnelles» de Pierre Céré et reproduites à la une du Devoir, puis reprises en boucle un peu partout et surtout sur les ondes de Radio-Canada.
Je ne sais pas si quelqu'un d'entre vous a connu de près Pierre Bourgault. Je peux témoigner que c'était un homme colérique, d'ailleurs le tome 3 de ses écrits polémiques que j'ai publié s'intitulait La colère. Pierre Bourgault, «reconnu comme un homme qui ne retenait pas sa colère», s'emportait souvent et il pouvait intimider celui ou celle qui n'avait pas la couenne dure. Il admettait cependant qu'à la fin de sa vie, ses colères étaient devenues «plus saines, plus rationnelles et plus utiles». Pour moi, il avait tout à fait l'étoffe du dirigeant politique qu'il nous fallait. Il aurait été le seul à pouvoir s'opposer efficacement à Pierre Elliot Trudeau. «Le pouvoir, c'est moi, puisque vous m'avez élu. Just watch me!» Mais Bourgault ne fut, hélas! jamais notre premier ministre.
Maintenant, si un ami, ou quelqu'un de près, disons, m'insulte en m'accusant d'avoir une soif de pouvoir immense et de vouloir «acheter la victoire» dans une course à la succession de qui que ce soit, j'aurais réagi de la même façon que PKP, avec une boutade et en me braquant. «Alors, dis-moi ton prix pour qu'on règle ça une fois pour toutes!»
Avoir comme futur premier ministre un homme qui ne louvoie pas, qui est capable de taper du poing et qui ne s'en laissera pas imposer par le front commun de l'establishment canadien anglais qui se dressera immanquablement devant nous, les indépendantistes, au moment de négocier le nécessaire partage de la dette et des compétences, ne peut que m'encourager à lui accorder toute ma confiance.
Que Pierre Céré ait jugé bon de faire une nouvelle avec ce trait de caractère de PKP, «cette saine colère» devant des propos blessants provenant d'un soi-disant allié, je trouve cela tout à fait dangereux et démontre son état de désarroi. Il est certainement le candidat qui me déçoit le plus dans cette course. S'il pensait représenter la gauche, il se trompe sur toute la ligne. Au contraire, je trouve qu'il la dessert et c'est bien dommage. Quand on voit le ministre libéral Jean-Marc Fournier accourir rapidement à sa rescousse et l'appuyer, on se dit que Céré a fait preuve d'immaturité politique et qu'il devrait dès lors se retirer avant de gaffer encore une fois en fournissant à l'ennemi d'autres munitions. Car cela ressemble drôlement à la politique de la terre brûlée.
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