CHRONIQUE

La CAQ et les voyous

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Le faible de Legault pour les voyous

Il était rafraîchissant d’entendre le premier ministre Couillard déclarer qu’il n’est pas question de se mettre à plat ventre devant une multinationale comme Uber. On souhaiterait que ce refus de la soumission s’exprime avec la même ardeur quand vient le temps de défendre les intérêts du Québec au sein de la fédération canadienne, mais cela est une autre histoire.



Toutes les multinationales ne sont pas aussi détestables qu’Uber, dont le directeur général pour le Québec, Jean-Nicolas Guillemette, a illustré l’arrogance de façon très convaincante dès le départ. De toute évidence, la mise à l’écart du père fondateur d’Uber, Travis Kalanick, en juin dernier, n’a pas encore eu d’effet significatif sur la culture de l’entreprise, comme en témoigne l’ultimatum lancé vendredi dernier.



Une société a parfaitement le droit d’imposer à une entreprise désireuse d’y être accueillie les règles de conduite qu’elle juge raisonnables, et les conditions que le gouvernement Couillard a posées pour prolonger le projet-pilote autorisé l’an dernier le sont certainement. Si d’autres sociétés sont prêtes à laisser à Uber le loisir de définir ses règles, c’est leur affaire. Au Québec, on a convenu que cette responsabilité incombe aux élus.



Tous les partis représentés à l’Assemblée nationale sont d’accord là-dessus, sauf apparemment la CAQ. La permissivité, voire la déférence qu’elle manifeste envers Uber est inquiétante. La nouvelle Révolution tranquille proposée par François Legault semble être celle du laisser-faire.




 


Selon le chef caquiste, exiger des « chauffeurs-partenaires » d’Uber qu’ils suivent une formation de 35 heures, ce que plusieurs d’entre eux ne semblent pas trouver excessif, serait incompatible avec le « modèle d’affaires » de l’entreprise. C’est à se demander si ce n’est pas plutôt la CAQ qui est incompatible avec les valeurs sociales québécoises.



Prétendre que le départ d’Uber enverrait le message que le Québec n’est pas ouvert aux entreprises innovantes est de la foutaise. Les villes allemandes, comme Francfort, Hambourg ou Düsseldorf, qui ont imposé des conditions jugées inacceptables par Uber n’ont pas la réputation d’être réfractaires à la nouvelle économie. Qui plus est, le « modèle d’affaires » de la multinationale de San Francisco n’a rien à voir avec l’économie de partage. C’est du capitalisme pur et dur.



Il est vrai que le projet-pilote a été un succès en ce qui concerne la fréquentation, mais cela ne peut pas être le seul critère. Les établissements de restauration rapide connaissent aussi une grande affluence, ce qui n’empêche pas une sévère réglementation. Si ça vaut pour McDo, cela devrait valoir aussi pour Uber. Quand Denis Coderre et Gabriel Nadeau-Dubois sont d’accord, c’est qu’on n’est pas loin d’un consensus : à part la CAQ, le départ d’Uber n’affligerait pas grand monde.




 


Face à la menace que l’imposition de droits compensateurs, fixés temporairement à 220 %, fait planer sur l’avenir de Bombardier et de l’ensemble de l’industrie aéronautique québécoise, la CAQ ne pouvait pas demeurer à l’écart du front commun dont le premier ministre Couillard a pris la tête, même si M. Legault n’a pas pu résister à la tentation de rappeler qu’il était opposé dès le départ à ce que le gouvernement investisse 1,3 milliard dans la CSeries plutôt que dans la société mère.



À l’instar du chef caquiste, on peut certainement souhaiter que le gouvernement fédéral, dont l’aide tardive à Bombardier s’est limitée à un modeste prêt, assume un jour une plus grande part du risque. Encore faudrait-il que Justin Trudeau accepte de prendre celui de voler au secours d’une entreprise qui, dans le reste du pays, a le tort d’être étiquetée « Québec ». Pour le moment, il préfère jouer des muscles devant Boeing.



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