Cela fait des mois, voire des années, que François Legault jongle avec l’idée de ressusciter sous une forme ou une autre l’idée d’une aide financière à la femme au foyer, que l’ADQ avait lancée il y a quinze ans. Le congrès des jeunes caquistes qui s’est réuni en fin de semaine à Granby servait en quelque sorte de banc d’essai.
Certes, celui des deux parents d’un enfant de quatre ans et moins qui bénéficierait de cette aide pourrait aussi être un homme, mais il est clair que la très grande majorité serait constituée de femmes, particulièrement celles qui ont les plus faibles revenus.
Paradoxalement, la jeune et dynamique candidate que la CAQ présente à l’élection partielle dans Louis-Hébert, Geneviève Guilbault, qui est enceinte de plusieurs mois, est l’antithèse de la femme au foyer. Elle accuse même ses adversaires d’exploiter sa grossesse pour lui nuire.
Le « bon de garde » proposé par l’ADQ durant la campagne de 2003 consistait à verser aux parents qui n’utilisaient pas les garderies subventionnées l’équivalent de la subvention que l’État versait aux centres de la petite enfance (CPE), qui était de 29,85 $ par jour à l’époque. La subvention pour un enfant qui resterait à la maison aurait toutefois été moindre que pour un enfant inscrit dans une garderie non subventionnée.
En 2007, la formule a été modifiée. Un gouvernement adéquiste verserait plutôt une subvention uniforme de 100 $ par semaine, soit 5200 $ par année, pour chaque enfant d’âge préscolaire qui n’occuperait pas une place dans une garderie subventionnée, peu importe qu’il reste à la maison ou qu’il soit confié à une garderie non subventionnée.
Dans les deux cas, l’ADQ s’est fait vivement reprocher de vouloir renvoyer à la maison les femmes qui avaient profité de la création des CPE pour entrer sur le marché du travail. La CAQ fera face aux mêmes accusations. La nouvelle Révolution tranquille de M. Legault a des relents de Grande Noirceur.
Le chef caquiste reproche continuellement au gouvernement Couillard de ne pas en faire suffisamment pour le développement économique. Alors que la proportion de la population active diminue inexorablement, le fait d’encourager une partie de la main-d’oeuvre à rester chez elle paraît pourtant très mal avisé. Comment M. Legault compte-t-il la remplacer puisqu’il veut aussi abaisser les seuils d’immigration ?
Sous prétexte de défendre le « libre choix » des parents, la CAQ fait manifestement le pari que la perspective d’une d’aide financière substantielle va séduire les jeunes familles du 450 et de la banlieue de Québec, dont elle doit arracher les circonscriptions au PQ et au PLQ pour prendre le pouvoir. Mais à quel prix ?
D’ailleurs, même si cette aide était exemptée d’impôt au Québec, elle risque d’être considérée comme un revenu à Ottawa. Il serait paradoxal qu’un parti qui prône une plus grande autonomie fiscale pour le Québec favorise plutôt un transfert dans les coffres fédéraux.
La création du réseau des CPE, il y aura bientôt 20 ans, avait été saluée un peu partout. Il n’a cependant pas eu la vie facile sous les libéraux, qui n’ont jamais caché leur préférence pour les garderies privées. Les intentions de la CAQ sont encore plus menaçantes. La baisse de clientèle) — et de revenus — qui en résulterait pourrait menacer l’existence même de certains établissements.
D’un sondage à l’autre, une partie significative de l’électorat voit maintenant en M. Legault un candidat tout à fait plausible au poste de premier ministre. Certains continuent toutefois à entretenir des doutes sur son sens de l’État.
Ses dérapages ont été plus rares au cours des derniers mois, si l’on excepte sa proposition saugrenue de démolir le pont de Québec, qui relevait davantage de la crampe passagère au cerveau. Même si elle peut sembler anecdotique, l’indiscrétion qu’il a commise la semaine dernière après sa rencontre avec la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, était plus inquiétante.
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