En mars 2014, Stéphane Dion, s’était rendu à Barcelone et à Madrid pour mettre Catalans et Espagnols en garde contre le « traumatisme social » que créerait le référendum sur l’indépendance de la Catalogne qui devait être tenu six mois plus tard.
Dans un discours qui avait été largement publicisé par les médias espagnols, le père de la Loi sur la clarté avait également invité le gouvernement de Mariano Rajoy à ne pas céder de pouvoirs additionnels à la Catalogne dans l’espoir de contrer le mouvement indépendantiste. De toute évidence, on a pris bonne note de ses conseils.
M. Dion avait présenté l’expérience canadienne comme une sorte de leçon pour le reste de la planète. La rupture d’une fédération aussi démocratique et décentralisée aurait pour effet d’encourager d’autres pays à réprimer les aspirations de leurs propres minorités nationales, avait-il expliqué. Autrement dit, pour le bien de l’humanité, il fallait que le Québec demeure au sein du Canada. Tout comme la Catalogne devrait demeurer espagnole.
Le camp du Non est loin d’avoir été exemplaire en 1995, et les moyens que le gouvernement Chrétien a pris pour faire la promotion du fédéralisme dans les années qui ont suivi le référendum s’apparentaient au banditisme, comme en témoignent les condamnations imposées à plusieurs protagonistes du scandale des commandites.
S’il devait y avoir un autre référendum, la Loi sur la clarté laisse également penser qu’Ottawa manifesterait la plus mauvaise volonté possible dans l’éventualité d’une victoire du Oui. Que ce soit en 1995 ou en 1980, personne n’a cependant envisagé sérieusement d’empêcher la tenue d’un référendum, ni de décourager la population de se rendre aux urnes, comme c’est présentement le cas en Catalogne. La cause lancée par Guy Bertrand ne portait pas sur la tenue du référendum, mais sur la légalité d’une déclaration unilatérale d’indépendance.
La motion que Martine Ouellet a présentée à l’Assemblée nationale mardi, conjointement avec le PQ et Québec solidaire, avait été rédigée de manière à éviter tout parti pris pour ou contre l’indépendance de la Catalogne. Elle prenait simplement acte que son gouvernement légitime avait décidé de tenir un référendum le 1er octobre prochain et demandait « que soient respectés le droit de vote et la démocratie ».
Le gouvernement Couillard a refusé d’en débattre. Dans une de ces phrases creuses dont il a le secret, son leader parlementaire, Jean-Marc Fournier, a déclaré : « Nous souhaitons que les gouvernements de Catalogne et d’Espagne trouvent les moyens pour qu’il y ait une expression démocratique de leur appartenance collective particulière. »
S’il partage sans doute l’avis de Stéphane Dion sur le « traumatisme social » que peut causer un référendum, on peut très bien concevoir que le gouvernement Couillard ne souhaite appuyer officiellement ni le Oui ni le Non, même si les États-Unis et la France n’ont pas eu ce scrupule en 1995.
Il est sans doute plus difficile de dénoncer le comportement d’un pays allié que celui d’une quelconque dictature africaine, mais la « non-ingérence » invoquée par M. Fournier n’en revient pas moins à fermer les yeux sur une violation flagrante des valeurs démocratiques que le gouvernement Couillard entend défendre sur toutes les tribunes, malgré les réserves émises du bout des lèvres par la ministre des Relations internationales, Christine St-Pierre. Les arrestations en série, les perquisitions, les saisies de bulletins de vote, la suspension arbitraire du régime d’autonomie de la Catalogne sont autant de gestes dignes d’un État totalitaire.
Si les procureurs du Québec ont reçu le mandat de défendre le plus mollement possible la loi 99 devant la Cour suprême, le droit à l’autodétermination des peuples est un principe qui fait largement consensus, même si sa portée concrète est sujette à débat. D’ailleurs, la motion présentée par Mme Ouellet ne demandait pas au gouvernement espagnol de respecter les résultats du référendum catalan, mais simplement d’en permettre la tenue.
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