L'obsession du déficit zéro

Tribune libre

Comme s’il n’en avait pas assez d’être pris dans le carcan d’un gouvernement minoritaire, le gouvernement Marois s’en est doté lui-même d’un autre, à savoir l’obsession du déficit zéro. Le résultat…des ministres qui ressortent bredouille du bureau du ministre Marceau, Martine Ouellet étant le plus bel exemple concernant les redevances minières.
Dans son édition du vendredi 19 avril, La Presse rapportait que, lors d'une discussion avec plusieurs leaders du monde des affaires du Québec, Pauline Marois considérait l'idée de « reporter d'un an l'atteinte du déficit zéro ». L'article du quotidien relatait aussi que ces gens d'affaires affichaient une certaine compréhension devant ce changement d'orientation, les gestionnaires sachant mieux que quiconque qu'une stratégie doit s'adapter continuellement au contexte économique changeant.
Pourquoi en serait-il autrement pour le gouvernement du Québec? Quelle rationalité explique que l'échéancier du plan de retour à l'équilibre budgétaire déterminé en 2009 devrait rester inchangé, alors que la reprise de l'économie québécoise et mondiale est beaucoup plus lente que prévu? Lors de l'élaboration du plan, Nicolas Marceau tablait sur une croissance du PIB en 2013 de 4,2 % pour le Québec et de plus de 4,5 % pour les États-Unis. Or, les résultats actuels s'avèrent inférieurs aux prévisions de près d'un point de pourcentage. En réalité, personne n’avait prédit l'enlisement économique actuel de l'Europe pas davantage que la paralysie de la politique américaine qui a poussé le gouvernement des États-Unis dans le «précipice fiscal»..
Compte tenu d’une économie plus faible que prévu, le gouvernement se retrouve privé des revenus suffisants pour stimuler la croissance. En conséquence, le gouvernement Marois pourrait ajuster la trajectoire de son plan de retour à l'équilibre budgétaire. Aux dires de la plupart des économistes, un léger déficit pour l'année 2013-2014 ne remettrait aucunement en cause la solidité financière du Québec. À preuve, même le Conseil du patronat critique le «saupoudrage des réductions budgétaires» et appelle à une plus vaste réflexion sur les services publics et leur financement.
Je veux bien comprendre que le statut minoritaire du gouvernement peut le contraindre à la prudence dans la gestion de certains dossiers. Toutefois, il m’apparaît inconcevable qu’une telle obsession du déficit zéro pousse le ministre Marceau à exiger des autres ministres du cabinet Marois qu’ils se serrent la ceinture, occasionnant par là les reculs que nous connaissons envers les promesses électorales du PQ.
Une stratégie aussi démesurément rigoureuse risque de nuire considérablement au climat économique du Québec. À mon sens, il est grand temps d'arrêter de nous demander où le couperet tombera la prochaine fois et d’utiliser nos leviers économiques pour stimuler notre croissance…et cela peut se concrétiser même par un gouvernement minoritaire.
Enfin, pour ajouter à mon argumentaire, je vous suggère de lire le premier de deux articles de Jacques Parizeau sur la dette du Québec, paru dans Le Devoir du 16 mai sous le titre « Les finances publiques du Québec, un désastre? – Ne surdramatisons pas notre endettement », le second étant publié le 17 mai sur les revenus et dépenses du gouvernement.

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Henri Marineau2095 articles

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mai 2013

    L'obsession du déficit zéro nous démontre que nos décideurs sont bien les mêmes que nous ne pouvions sentir sur les bancs d'école quand nous étions au secondaire et au cegep: les contrôlants, les ambitieux, les opportunistes, les m’as-tu-vus, les peu sincères, les égocentriques, les baveux, les fendants...
    C'est toujours ce type de personnalité qui semble prendre le contrôle des décisions dans une société, malheureusement.
    Le grand Michel Chartrand, un homme qui voulait que tous sans exception soient heureux, militait pour sa part en faveur de la "pauvreté zéro" et en faveur d'un revenu de citoyenneté universel et inconditionnel.
    Il était un véritable humaniste qui démontrait une sympathie et une compassion pour ses semblables.