L’illusion de l’anglais à tout prix

Tribune libre 2011


Enseigner l’anglais dès la première année du primaire, ou pire, pendant six mois intensifs dans toutes les matières lors de la sixième année est un piège. Les vraies raisons de telles décisions nous sont cachées. Tout d’abord, pourquoi argue-t-on que la connaissance de l’anglais soit si importante? Pour obtenir un meilleur emploi, mieux rémunéré, n’est-ce pas ? Hé bien, c’est faux ! L’anglais est un avantage, oui, mais seulement si tout le monde ne le possède pas. Pour augmenter son niveau de vie ou simplement décrocher un emploi, il faut d’abord disposer de connaissances et de qualités qui correspondent au marché du travail et qui diffèrent des autres.
Pour mieux comprendre mon opinion, prenons l’exemple des études universitaires. Si on suit le même raisonnement lié à la connaissance de l’anglais, on devrait donc rendre gratuits et obligatoires les diplômes universitaires, comme c’est le cas pour le secondaire. L’université ne donne-t-elle pas également accès à un meilleur emploi mieux payé ?
Quels en seraient les effets ? Tous les universitaires seraient alors riches ? Mais qui laverait la vaisselle, réparerait la plomberie, construirait les maisons, conduirait les camions, récolterait dans les champs, ferait la cuisine et le service dans les restaurants, le ménage dans les chambres d’hôtels, travaillerait dans les usines ? Qui ? Qu’arrive-t-il si on ne valorise pas également les travaux manuels?
Si ce que je dis est vrai, alors pourquoi John James Charest et une certaine intelligentsia, tentent-ils de nous faire avaler cette couleuvre bilingue à tout prix ? Primo, pour empêcher la souveraineté, car sans la langue pour nous distinguer, pourquoi aurions-nous des velléités d’indépendance? Secundo, pour maximiser les profits des plus riches. Tous bilingues, alors plus besoin de traduire les produits culturels américains, plus de culture québécoise à part du Canada à subventionner bêtement, donc davantage de profits. Ils gagnent sur tous les plans.
Effectivement, tous bilingues notre culture s’étiolera jusqu’à disparaître. Pour vous en convaincre, il suffit d’observer l’exemple du Canada anglais où, bien que trois fois plus nombreux, on ne talonne même pas nos cotes d’écoute télévisuelles ou nos succès cinématographiques.
Fabulation que tout cela ? Dramatisation ? Ce scénario catastrophe est pourtant déjà arrivé en Nouvelle-Angleterre. Entre 1840 et 1940, près d’un million de Québécois appauvris ont cherché un emploi aux Etats-Unis pour ne jamais revenir. Au début, ils vivaient ensemble et ont conservé leur langue. Puis, peu à peu, sont devenus bilingues, fait des mariages mixtes, se sont dispersés et, aujourd’hui, plus un seul ne parle sa langue d’origine. Nous représentons 2 % de l’Amérique du Nord, situé à côté de la plus grande puissance culturelle du monde, pourquoi éviterions-nous le même sort ? Et que dire de la vigueur francophone hors Québec où les taux d’assimilation sont exponentiels. Notre proportion ne cesse de diminuer dans le Canada. En 250 ans nous sommes passés de 100 % à 22 % !
Auparavant, nous survivions avec la force du nombre. Nous avions des familles de dix enfants et un des taux de fécondité parmi les plus élevés du monde. Aujourd’hui, un des plus bas ! Il faut donc compter uniquement sur l’immigration pour maintenir notre poids démographique au Canada. N’oublions jamais l’impact que cette politique du bilinguisme à tout prix aurait sur l’intégration des nouveaux-arrivants. Quel message leur envoie-t-on lorsqu’on met ainsi les deux langues sur un pied d’égalité ? Pourquoi apprendraient-ils le français si on devient tous bilingues ? Sa méconnaissance au Québec doit constituer un handicap plus lourd que la méconnaissance de l’anglais, sinon ce sera l’accélération du déclin. Il y a deux étapes à l’intégration : 1) une maîtrise minimale du français et 2) la langue de consommation culturelle. On peut bien comprendre la langue de Molière pour discuter avec les autochtones québécois, mais ensuite, si on se branche à la télé anglophone, on lit « The gazette » et on boude tous les films québécois, peut-on alors parler vraiment d’intégration ?
John James Charest est donc le fossoyeur du Québec français. Si on ne prend pas des mesures respectueuses de nous-mêmes et fermes, l’expérience française en Amérique du Nord aura duré tout au plus cinq siècles. Je nous donne une centaine d’années pour faire partie d’un folklore désuet, pas plus. Des statistiques alarmantes parlent d’un taux de difficulté de lecture approchant les 50 %. Des troubles mineures allant jusqu’à l’analphabétisme complet. Tous ces enfants se mettraient ainsi à mieux réussir parce qu’on donnerait les cours en anglais ? Ce serait agir sans égards aux conséquences en improvisant encore avec le système scolaire.
Autre argument avancé pour déifier l’anglais : Ce serait la grande clé nécessaire pour une ouverture au monde. Voilà un raccourci qui frôle le mensonge. L’anglais constitue une ouverture à UN monde, à UNE vision des choses, celle des américains. C’est louable en soi, mais ça demeure limité. Si vous désirez vraiment vous ouvrir au monde, il y a déjà toutes les ressources disponibles en français. Le mirage est là aussi. La connaissance de l’anglais ne vous donnera par magie la soif de comprendre les autres cultures de la planète. Apprendre l’anglais, d’accord, mais pas obligatoirement dans une volonté de politique de mur-à-mur… et pour les bonnes raisons ! C’est un choix individuel qui ne doit pas devenir celui de l’État !
Le problème du bilinguisme des Québécois est un épouvantail entièrement monté de toute part. L’anglais, n’est-il pas déjà plus omniprésent que dans toutes les nations du monde ? Ce sujet est à l’ordre du jour uniquement pour nous distraire de la corruption et de la vente à rabais de nos ressources naturelles. Ne tombons pas dans ce piège !
Jocelyn Jalette,

Auteur et dessinateur de plusieurs livres et nouvelles, entre autres d’une bande dessinée « La république assassinée des Patriotes », parue en 2009.
Joliette, le 28 février 2011


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mars 2011

    Cette situation d’injustice s’applique à la réalité du Québec fédéraliste et colonisé actuel mais ne s’applliquerait pas du tout dans un Québec franncophone indépendant car il deviendrait comme dans tous les pays illégal d’imposer une langue étrangère pour avoir droit à un emploi au Québec donc pour avoir droit de manger et de bien vivre .
    Le bilinguisme au Québec n’est que pour l’assimilation aux canadians unilingues et pour la destruction de notre Nation francophone car le bilinguisme pour tous est une utopie irréalisable .
    Réfléchissons =
    Voici ma conclusion=
    Le jour ou tous les Québecois seraient bilingues . Quelle langue parlerons nous ?
    Encore le français ou l’anglais ou tous l’anglais ?
    En réalité rien ne serait changé car les anglos colonisateurs continuerairent à imposer leur langue
    Et les patriotes Québecois continueraient à imposer leur langue française . Ce serait mon cas
    Le bilinguisme pour tous en une seule autre langue est donc inutile en plus d’être une fermeture au monde à 90% non anglophone . Et même la langue majoritaire des Amériques n’est pas l,anglais car 92% des pays sont unilingues espagnols

  • Archives de Vigile Répondre

    1 mars 2011

    Tout à fait d'accord.
    L'anglais est nécessaire que pour une partie de la population.
    Que les gens qui veulent travailler dans des milieux anglophones apprennent l'anglais eux-mêmes. Ceci ne devrait pas être un choix de société. On est assez bilingue comme ça comparativement aux canadiens anglais.
    Donnons aux enfants, un bagage plus fort en sciences à la place.
    Est-ce que les petits anglophones vont avoir leur immersion en français eux?