12 mars 1997
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Depuis le 30 octobre 1995, êtes-vous hanté par le mot de Jacques Parizeau sur «l'argent et des votes ethniques»? Que vous soyez en accord ou non avec lui, vous sentez-vous coupable par association? Avez-vous de la difficulté à vous regarder dans le miroir? Faites-vous des cauchemars où Mordecai Richler et Esther Delisle luttent contre une horde de clones de Lionel Groulx? Croyez-vous la propagande fédéraliste voulant que le projet souverainiste soit «ethniciste» et raciste, et le Canada un modèle de tolérance? Si vous avez répondu oui, vous avez besoin d'aide.
Comme d'autres Québécois, vous êtes tombé dans la marmite de l'autoculpabilisation quand vous étiez petit. Et vous ignorez sûrement tout de l'«obsession ethnique» qu'on retrouve du côté du Canada et à la racine même de sa culture politique.
Mais rassurez-vous, il existe un remède à vos maux. Il se nomme la connaissance de l'histoire et l'analyse politique. Comme premier geste de guérison, vous pouvez lire le dernier ouvrage de Guy Bouthillier, intitulé justement L'Obsession ethnique, un essai démystificateur qui vous en apprendra beaucoup sur l'omniprésence de l'ethnicisme, du racisme et de la francophobie à travers l'histoire du Canada. A l'heure où le political correctness étouffe la liberté d'expression sur ces questions, le professeur Bouthillier remet les pendules à l'heure.
De fait au Canada, tout est marqué du sceau de l'ethnicité: la politique, les médias, les chaires universitaires, les organisations communautaires, les écoles, les hôpitaux, etc. Guy Bouthillier avance que cette obsession remonte jusqu'à la Conquête et qu'elle est l'héritage d'une culture politique britannique ségrégationniste. Ce qui explique - et l'auteur en donne de nombreux exemples - que ce fut le fédéral qui adopta les politiques les plus racistes au pays.
Encore «obsédé» dans les années 1970, le Canada passera du racisme au culte à outrance des origines ethniques et raciales - deux côtés d'une même médaille. Encore aujourd'hui, on confond l'acceptation des différences ethniques avec l'obsession de celles-ci.
Guy Bouthillier décrit aussi comment le Canada entretient les différences ethniques pour mieux noyer celle du Québec: «Ce sera la diversité contre la dualité!» Il était donc dans la nature des choses qu'Ottawa impose le multiculturalisme officiel , l'ultime négation de l'existence du peuple québécois et sa réduction au statut d'«ethnie». Et après on se demandera pourquoi les souverainistes peinent à s'adjoindre l'appui des non-francophones alors que des fédéralistes s'entêtent à leur nier l'existence même du peuple québécois!
L'ethnicisme canadien s'est donc avéré une arme efficace dans la lutte contre les souverainistes. A cet égard, Guy Bouthillier souligne avec quelle adresse les forces du NON manient la «politique ethnique» ou l'appel à l'ethnie comme justification d'un comportement politique ou électoral. On peut d'ailleurs s'attendre à ce qu'Ottawa poursuive cette stratégie avec assiduité, avant et pendant le prochain référendum.
Tout cela tient en effet de l'obsession: «Pour le Canada, le monde n'est pas un théâtre de souverainetés: c'est un festival d'ethnies!» On comprend mieux ce réflexe lorsque Guy Bouthillier énumère quelques épisodes moins glorieux de son histoire. On pense ici à la «guerre démographique» qu'ont livrée les Anglais aux Canadiens français dès la fin du XVIIIe siècle. Question de mieux «noyer la population canadienne-française», pour reprendre le mot proféré en 1810 par le juge en chef du Bas-Canada, Jonathan Sewell. On pense aux théories de supériorité raciale du peuple anglais défendues jadis par des politiciens canadiens-anglais et l'imposition d'une politique d'immigration «White Only». On pense à la pendaison de Riel et à la loi fédérale sur les Indiens. On pense à l'assimilation des francophones hors Québec. On pense à l'internement de Canadiens d'origines japonaise et italienne pendant la Seconde Guerre mondiale. On pense au refus de Mackenzie King d'accueillir des réfugiés juifs menacés par l'Holocauste. Plus récemment, on peut penser à l'attisement du mouvement partitionniste. Mais pour les fédéralistes, ces exemples d'«intolérance» sont nettement moins intéressants que Lionel Groulx ou le FLQ...
L'obsession ethnique, c'est aussi le dénigrement des francophones. Par, exemple, Montréal - «ville de minorités» où l'on peut vivre en anglais seulement - est souvent représentée comme supérieure aux régions unilingues. Dans son livre, Guy Bouthillier cite un éditorial du Mirror qui en dit long: «Montréal est multiple, multilingue, dynamique, ouverte sur le monde. Le reste du Québec est rural, monolingue et monotone. Montréal est une perle dans un tas de merde.»
L'obsession ethnique, c'est aussi des fédéralistes qui, usant de la pire démagogie, oeuvrent à éloigner les allophones du nationalisme québécois. C'est pourquoi on traite les souverainistes de «fascistes», de «racistes», d'«antisémites», de «tribalistes», etc. Si le «Quebec bashing» sert à salir la réputation du Québec à l'étranger, il permet aussi de nourrir chez les non-francophones la peur d'un Québec souverain qui martyriserait ses minorités.
Pour exorciser cette «obsession ethnique», Guy Bouthillier propose un Québec indépendant, républicain et de langue française. Belle solution, en effet. Mais si le lendemain d'un OUI, les Québécois ne se donnent pas une citoyenneté et une constitution «dé-ethnicisées» - et qu'ils calquent le modèle canadien du multiculturalisme et du bilinguisme -, un Québec souverain pourrait bien accoucher à son tour d'un Homo Ethnicus Quebecensis. Comme le Canada, on en serait venu à confondre l'acceptation des différences avec son obsession....
N.B.: Ce dimanche, on annonçait sur les ondes de CJAD que Mordecai Richler serait bientôt chroniqueur à The Gazette. Bravo The Gazette ! Ne lâchez surtout pas! Vous êtes un des alliés objectifs les plus efficaces du mouvement souverainiste. Pourriez-vous - pretty please - embaucher aussi Howard Galganov et Guy Bertrand?
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