Il y a quelques jours encore, il roulait des mécaniques à l'Assemblée nationale. Les entreprises de construction dont les patrons étaient visés par des accusations allaient subir les foudres de la loi 1, menaçait sans détour le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard.
Cette semaine, c'était la retraite. Québec tiendra compte de «l'intérêt public» avant de mettre au ban une entreprise, promet le même ministre. Bonne idée s'il veut avoir plus d'un compétiteur lors du lancement des appels d'offres pour la réfection de l'échangeur Turcot, l'automne prochain. En attendant, l'ouvrage est surveillé d'heure en heure par des firmes qui ne passeraient pas le test de la loi 1.
Dans les cercles péquistes, l'heure est à la morosité. Le conseil des ministres nage dans l'anarchie, chacun tire la couverture de son côté, suit son propre plan de match, depuis qu'il a compris que le cabinet de Mme Marois ne pouvait, ou ne voulait pas accoucher d'une stratégie globale. Les oscillations du ministre Bédard autour de la loi 1 illustrent bien le clivage apparu dans l'équipe ministérielle.
D'un côté, les «sociaux idéologiques» plus dogmatiques, les Martine Ouellet, Jean-François Lisée, Bernard Drainville, Yves-François Blanchet, qui souhaitent que tous les gestes du gouvernement soient conformes au programme, aux engagements électoraux et au plan de match souverainiste. Dans l'autre camp, les «pragmatiques économiques», davantage de connivence avec Pauline Marois. Nicolas Marceau, le responsable des Finances, incarne le mieux cette tendance; les François Gendron, Sylvain Gaudreault s'y trouvent aussi. M. Marceau a déjà quitté des réunions ministérielles sans un mot, sans une explication, parce qu'il jugeait que l'aile gauche du conseil des ministres dérapait carrément.
Pendant ce temps, sans direction claire, l'administration engorge les comités ministériels de mesures disparates, l'action gouvernementale est devenue un discours illisible pour le commun des mortels.
Insatisfaction record
Le niveau d'insatisfaction sans précédent pour un gouvernement qui a moins d'un an reste désespérément figé depuis trois mois. Avec 24% d'intentions de vote au dernier sondage CROP, le Parti québécois paraît désormais en compétition avec la Coalition avenir Québec pour la troisième place; les libéraux caracolent loin devant. La perspective d'affronter l'électorat dans moins d'un an glace le sang dans les cabinets politiques, où des départs sont à prévoir. D'autres, plus audacieux, désespèrent de voir Pauline Marois se défaire de son alter ego, Nicole Stafford, sa chef de cabinet.
Un équilibre précaire
La Terre de chez nous évoquait hier un remaniement qui ferait passer François Gendron de l'Agriculture aux Richesses naturelles, un scénario vite écarté du côté du gouvernement - il n'en reste pas moins que ces rumeurs illustrent l'équilibre précaire dans lequel se trouve l'équipe gouvernementale, seulement huit mois après la formation du gouvernement. Rebrasser les cartes pour la rentrée de septembre serait salutaire, mais en même temps un lourd aveu d'erreur de la part de Mme Marois.
Cette semaine, Agnès Maltais, clouée au pilori pour des décisions mal ficelées en février, tentait de nouveau sa chance en enrobant mieux les mêmes compressions. Elle voulait du même souffle reporter à l'automne des décisions qu'elle avait promises pour mai. Critiquée tant pour ce qu'elle annonce que pour ce qu'elle n'annonce pas, la responsable de l'aide sociale semble s'être définitivement mis à dos sa clientèle, une mauvaise nouvelle pour le PQ, qui pouvait compter sur l'appui indéfectible des groupes sociaux avant l'arrivée de Québec solidaire.
Généralement habile, le ministre de la Santé, Réjean Hébert, a finalement reconnu que sa caisse d'assurance autonomie ne pourrait se faire à coût nul - il avait martelé le contraire depuis les élections. Les contribuables devront dès 2017 payer davantage, peut-être ciblera-t-on surtout les plus de 50 ans.
Dans l'entourage de Pauline Marois, on reste de glace. Le gouvernement Charest n'était pas plus populaire un an après les élections de 2003, les groupes de pression faisaient la queue pour manifester devant le parlement tandis qu'à l'intérieur, on adoptait à coups de bâillons des mesures controversées. Mais à la différence de Pauline Marois, Jean Charest avait quatre ans devant lui et gardait le contrôle de l'agenda électoral, ce qui échappe au gouvernement minoritaire.
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