Emmanuel Macron et Donald Trump voudraient combattre les « fake news ». Toutefois, nous pouvons nous demander s’ils mènent la même bataille et à quoi ils veulent s’attaquer. Entre museler les opposants sur son territoire et mettre ses citoyens à l’abri d’influences étrangères indues, la marge peut s’avérer très mince et comporter d’importants risques de déficit démocratique.
Depuis son accession au pouvoir, le président Trump vilipende les médias de masse et les accuse de diffuser de fausses nouvelles quand l’information contrarie ses desseins ou ses convictions. Pour lui, l’ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine et les possibles complicités de son entourage avec certains agents du Kremlin sont le fruit de l’imagination des journalistes. Il est encore plus saugrenu de voir Donald Trump, pour redorer son blason, se transformer en diffuseur par ses gazouillis quotidiens sur Twitter et trôner en première position au chapitre des fausses nouvelles.
Le président Macron voudrait quant à lui légiférer pour enrayer la diffusion de fausses nouvelles sur le Net. Il semble garder un amer souvenir de ce qu’on a qualifié de « macronleaks » dans les heures qui ont précédé le scrutin du second tour de l’élection présidentielle. Il souhaite que cela ne puisse plus se reproduire en permettant de déférer la cause à un juge qui pourrait éventuellement interdire la diffusion s’il considère la nouvelle fausse. Des courriels de proches collaborateurs du futur président Macron avaient été rendus publics, à quelques heures du black out qui a précédé le jour du vote, et donnaient ainsi peu de temps à la réplique. L’histoire a démontré par la suite qu’il n’y avait rien de compromettant dans ces courriels et que les tentatives de miner la réputation du candidat ont échoué au grand dam des trumpistes français, en l’occurrence Marine Le Pen et le Front national.
Emmanuel Macron occupe sa fonction présidentielle avec infiniment plus de dignité que son homologue américain et la supercherie dont il a été victime contribue à rendre son intention sympathique, cependant, il ouvrirait une véritable boîte de Pandore avec son projet de loi. Envisageons un seul instant que Donald Trump projetterait de faire adopter un tel projet de loi aux États-Unis en confiant le soin aux juges nommés par ses bons soins de déterminer la véracité d’une nouvelle et de pouvoir éventuellement prescrire ce qui est diffusable. La censure d’État ne saurait constituer une solution pour se prémunir contre des informations erronées au gré de l’interprétation des uns et des autres, car nous pourrions appréhender un véritable risque pour la liberté de presse.
Les solutions à une telle problématique sont dans le rehaussement de l’esprit critique du citoyen et dans la diversité des sources d’information. À une problématique complexe, il s’impose des solutions complexes et ce serait simpliste de l’entrevoir autrement. Il urge donc que les États démocratiques développent des politiques et dégagent des moyens financiers pour soutenir les médias de masse afin de maintenir un travail journalistique rigoureux et indépendant. Il est tout aussi pressant d’inclure dans le cursus scolaire, collégial et universitaire une éducation aux médias qui permettrait aux citoyens d’appréhender la nouvelle avec une plus grande justesse et d’être moins fragiles aux fausses nouvelles.
Ce sont généralement des pays totalitaires comme, entre autres, la Chine, la Corée du Nord ou l’Iran, qui contrôlent la diffusion sur le Net. Ce serait triste de voir la France, qui compte le mot liberté dans sa devise, basculer dans un tel camp!