par Pelchat, Martin
Après des mois d'attente, André Boisclair et Jean Charest croiseront finalement le fer à compter de cet après-midi à l'Assemblée nationale. Un débat à deux... ou même à trois, si Mario Dumont parvient à se glisser entre le rouge et le bleu. Un match à finir qui opposera les trois protagonistes des prochaines élections jusqu'au printemps et peut-être même à l'automne. Mise en situation.
Jean Charest n'oubliera jamais le souper annuel de la Tribune de la presse de 2002. Ce soir-là, il a réalisé qu'il connaissait enfin le Québec sur le bout des doigts, le but qu'il s'était donné après un baptême électoral provincial difficile en 1998. Appelons ça... le test de Saint-Malachie.
Après qu'un journaliste eut évoqué les patelins, dont ce village de Bellechasse, qu'allaient sillonner les caravanes des chefs à la prochaine campagne, Jean Charest s'est tourné vers son voisin de table en lui demandant: "Sais-tu c'est où, Saint-Malachie ?" L'interlocuteur n'en savait rien et Jean Charest s'est fait un plaisir de tout lui balancer : la région, le nom du maire et même le dossier chaud du coin.
"Je ne l'oublierai jamais parce que je me suis dit : là je suis arrivé, j'ai atteint mon objectif, se souvient Jean Charest. Les gens sentaient, pendant l'élection de 1998, que je ne connaissais pas aussi bien les dossiers qu'au fédéral."
Jean Charest raconte l'anecdote pour montrer le chemin parcouru depuis son arrivée sur la scène québécoise. Mais il sait aussi qu'à compter d'aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, il subira un autre genre de test. Un test qui pourrait être déterminant lorsque les partis lanceront de nouveau leurs caravanes vers les campagnes du Québec. André Boisclair et Mario Dumont profiteront de la nouvelle session non pas pour parler de géographie, mais pour dresser un bilan impitoyable de son premier mandat.
Bilan controversé
De l'article 45 au Suroît, en passant par la promesse non tenue des baisses d'impôt, les écoles juives et Orford, la controverse n'a pas manqué. Le taux d'impopularité du gouvernement a franchi les 60 % dès la fin de sa première année pour culminer à 77 % en 2005. Le PLQ vient à peine de remonter dans les intentions de vote, mais 56 % des Québécois étaient toujours insatisfaits dans le dernier CROP.
Le milieu des affaires aussi est loin d'être enthousiaste. Michel Kelly-Gagnon, président du Conseil du patronat, lobby de la grande entreprise, ne cache pas que les gens d'affaires sont "assez maussades et assez déçus". "Avec une pointe de réalisme en se disant : est-ce que les autres seraient tellement mieux ?" ajoute-t-il. "Il y a une perception selon laquelle le monde des affaires est pris pour acquis par les libéraux." Heureusement, le jugement des PME est moins sévère.
Jean Charest affirme qu'avec la fin des négos du secteur public, en décembre 2005, son gouvernement "s'est dégagé un espace" et commence à "livrer les choses qui nous tiennent à coeur", comme la stratégie de réduction des gaz à effet de serre ou le fonds des générations.
"Ce qu'on a fait depuis trois ans, c'est comme un redressement d'entreprise. On nous a laissé un vrai gâchis. Là, les Québécois voient davantage le portrait de ce qu'on a fait. Il a fallu être très persévérants. On a appris aussi."
Manque d'organisation
Marcel Côté, vice-président de la firme de recherche Secor et conseiller en stratégie du PLQ lors de la campagne de 2003, juge que le gouvernement manquait d'organisation à ses débuts. "J'ai l'impression que les écoles juives ont été le moment critique. Ç'a symbolisé le manque d'organisation dans la première partie du mandat. Jean Charest s'est ensuite défini un agenda beaucoup plus serré. Il laisse les ministres s'occuper de leurs dossiers et s'en tient à son agenda de PM."
La suite ? Brian Mulroney rappelle qu'en 1984 et 1988, les sondages donnaient ses conservateurs perdants. "J'ai vu passer les gros chars et Charest aussi. Il était là. Il sait très bien que les sondages, ça ne veut rien dire."
L'ex-PM est confiant que les talents de campaigner de Jean Charest auront raison d'un taux d'impopularité qu'il attribue à la résistance au changement. "Souvent, le leadership est aux antipodes de la popularité. Si votre objectif est d'être très populaire, c'est facile. Mais dans 15 ans, on va demander : à part de vendre la shop, qu'avez-vous fait ? Jean Charest fait un excellent travail, pas nécessairement pour le rendre populaire, mais pour effectuer des changements."
"C'est dans les situations difficiles qu'on sait si on est fait ou non pour ce travail-là", lance Jean Charest. À 48 ans et avec 22 ans d'expérience, on sait faire "la distinction entre une tempête et un nuage" et prendre du recul, dit-il. Quant aux plus dures critiques, celles que notre femme préfère cacher aux enfants, on apprend à les ignorer. "Tu te dis : de toutes façons, je vais régler mes comptes, dans le sens que je vais me faire élire."
mpelchat@lesoleil.com
Le combat des chefs
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