Libéraux et péquistes peuvent compter sur de grosses organisations, des décennies d'expérience et une visibilité assurée. Quand on dirige un tiers parti, la donne est bien différente. Mario Dumont en sait quelque chose, lui dont la formation monte parfois très haut dans les sondages avant de s'essouffler le jour du vote. Deuxième volet de notre dossier sur les chefs des principales formations politiques au Québec, à la veille de la reprise des travaux à l'Assemblée nationale.
Printemps 2002. L'Action démocratique du Québec, qui n'a fait élire qu'un seul député - son jeune chef Mario Dumont - aux élections générales de 1994 et de 1998 et qui semble condamnée à vivoter jusqu'à la fin des temps, remporte quatre élections partielles.
Été et automne 2002. Les sondages se succèdent, qui montrent clairement que l'ADQ devance péquistes et libéraux dans les intentions de vote. Et Mario Dumont bat Bernard Landry et Jean Charest en popularité.
Tout le monde cherche l'erreur. La gauche s'inquiète. Le monde des affaires tend l'oreille. Et le portefeuille. Les médias s'agitent. Mario Dumont est dans toutes les conversations.
Dans le magazine L'actualité du 1er septembre 2002, Jean-François Lisée, ancien conseiller des premiers ministres péquistes Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, n'écarte plus la possibilité que Mario Dumont devienne le prochain premier ministre du Québec. "Mais rien n'est joué, écrit-il. Car il est possible que l'étoile de Mario Dumont pâlisse. Son score aux partielles fait penser au jour où l'action de Nortel a atteint 123$..."
On connaît la suite. Vers la fin de l'automne, la glissade commence. Elle se poursuivra jusqu'aux élections d'avril 2003, que remporteront les libéraux de Jean Charest. Pour l'ADQ, c'est un douloureux retour à la case départ.
Mario Dumont sera réélu dans Rivière-du-Loup. Il retournera à l'Assemblée nationale. Mais dépité, avec trois députés néophytes et inconnus du public (un quatrième s'ajoutera en 2004 à la faveur d'une élection partielle).
Une équipe à monter
Plus de trois ans se sont écoulés. Mario Dumont a aujourd'hui 36 ans.
-Quand le monde vous voyait premier ministre du Québec, y croyiez-vous, vous aussi?
-Ben, forcément! Et on y pense encore. On ne peut pas préparer des élections sans vouloir les gagner. Si on veut pas ça...
Mario Dumont premier ministre? Jean Allaire, cofondateur de l'ADQ avec Mario Dumont, n'y croyait pas, lui. "J'ai trop fait de politique pour ne pas savoir que l'engouement du public, à un moment donné, ça oscille un peu comme un métronome. Tout à coup, les gens se sont excités et se sont dit: "C'est le sauveur de la patrie!" À ce moment-là, ça devient dangereux parce que, à la moindre petite erreur..."
"En 2003, la conjoncture préélectorale nous avait placés dans une position intenable, dit le chef de l'ADQ. Dans toutes les salles de nouvelles du Québec, on disait: "Faut qu'il descende, faut qu'il descende." C'est clair qu'on était les plus surveillés. Et on a commis des erreurs."
Contributions électorales douteuses, série de reculs sur un programme résolument de droite et farci de taux d'imposition unique, de bons d'éducation et de place du privé dans la santé, etc.
Puis, ce discours devant des gros bonnets, à Toronto, où Mario Dumont déclarait que la question nationale québécoise ne faisait plus partie de ses priorités. "D'aller dire ça à Toronto, avec un grand drapeau canadien derrière lui, ça a complètement brouillé son image de nationaliste modéré", commente Jean-François Lisée.
Sans compter que les candidats vedettes ne faisaient pas l'affaire de tous, admet Mario Dumont. "Les gens voulaient une grosse équipe, mais quand l'équipe est arrivée, les électeurs décrochaient en disant: "L'ADQ, c'est pas le renouveau qu'on espérait." Les gens ont vu une mosaïque de gros curriculum vitae, mais on n'a pas réussi à présenter l'image d'une équipe adéquiste."
Cette "équipe adéquiste", ce sera "le défi de la prochaine fois", précise-t-il. "On aura peut-être moins de vedettes, même si on aura beaucoup de bons candidats, mais on aura une équipe."
Un talent perdu
Chose certaine, en 2006, Mario Dumont ne fait plus peur. Dans les sondages, il végète. Et s'il dit toujours viser la victoire aux prochaines élections, bien peu d'observateurs l'en croient capable.
"Aujourd'hui, explique Jean-François Lisée, c'est comme si l'opinion publique avait dit: "On aime bien qu'il soit dans le portrait, mais on préfère qu'il développe sa base politique à Québec et dans Chaudière-Appalaches, où l'électorat est plus proche de ses thèses.""
Le doué
Dès l'âge de 7 ans, ce fils d'agriculteurs de Cacouna, près de Rivière-du-Loup, aidait à "faire le train". "Je soignais les veaux, je veillais à l'entretien de l'énorme réservoir de lait en acier inoxydable, j'allais chercher le troupeau dans les champs pour la traite..." écrit-il dans son autobiographie Mario Dumont - Avoir le courage de ses convictions.
Élève doué au secondaire, il se passionnera pour les matchs de Génies en herbe. Sa force: la géographie. "J'en étais venu à connaître sur le bout des doigts les noms des mers, des cours d'eau d'importance, des pays, des capitales, des métropoles, des monnaies..." Il se rendra jusqu'à la finale provinciale.
La politique viendra tôt. Dès 1991, il occupe la présidence de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec. Robert Bourassa, alors premier ministre, et ses principaux conseillers tentent par tous les moyens de rallier le président de la Commission jeunesse à l'accord de Charlottetown. Ils perdent leur temps. Mario Dumont devient coprésident du Réseau des libéraux pour le NON. Charlottetown sera rejeté.
En 1994, à l'âge de 24 ans, Mario Dumont fonde l'ADQ, dont il deviendra le chef. L'année précédente, il a décroché un baccalauréat en économie à l'Université Concordia de Montréal.
Élu une première fois en 1994, il sera courtisé tour à tour par les deux autres formations à l'Assemblée nationale. Lucien Bouchard lui fera même miroiter une limousine de ministre.
Le conjoint de Marie-Claude Barrette et père d'Angela, Charles et Juliette - la famille Dumont-Barrette habite la maison de ferme familiale à Cacouna - passera plutôt 12 longues années, le plus souvent seul, à organiser, à recruter et à poser des questions au gouvernement, fût-il péquiste ou libéral. Le plus souvent sous les quolibets de députés de ces deux partis.
Une vraie contribution
-Et en 2006?
-On entre dans une année électorale. Tout l'automne, je vais sillonner le Québec.
-Vous n'avez pas le goût de faire autre chose?
-Oui, en temps et lieu.
-Et si vous obteniez les mêmes résultats qu'en 2003?
-Si je pensais ça, je n'aurais pas consacré les trois dernières années à la reconstruction de l'ADQ. Quand je regarde le gouvernement Charest, quand je regarde André Boisclair, je ne peux pas croire qu'il n'y a pas une ouverture large pour l'ADQ. Cette fois-ci, contrairement à la dernière, les attentes sont basses, beaucoup de monde sous-estime l'ADQ, mais on va être là, solides et forts de l'expérience de la dernière fois.
Mario Dumont est-il trop à droite pour les Québécois? "Il y a des Québécois qui sont suffisamment à droite pour lui", répond Jean-François Lisée.
-Mais ils ne sont peut-être pas suffisamment nombreux?
-C'est un sacerdoce qu'il fait, Mario Dumont, en ce moment. Sur ses choix idéologiques, il a été relativement conséquent. Il sait que ça le met en position de minorité, et ce n'est pas facile de toujours être en minorité, de n'avoir qu'une question par semaine. Mais il le fait, je trouve, avec beaucoup de constance. C'est une vraie contribution à la vie politique québécoise, ça, il n'y a pas de doute. Maintenant, combien de temps il veut faire ça sans jamais percer, c'est une question qui lui est personnelle.
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