Il porte beau, est multimillionnaire, a la langue bien pendue, et la ressemblance ne s’arrête pas là. Car la victoire éclair, lundi 1er octobre, du sémillant François Legault à la tête de son tout jeune parti Coalition Avenir Québec, fondé en 2011, semble bien rééditer l’exploit de 2016 dans une Amérique aussi bouleversée que l’Europe par le vent irrépressible des passions nationales.
Fort de ses 74 sièges parlementaires sur 125 et de son score magistral d’un peu plus de 37 %, l’homme d’affaires fondateur de la compagnie aérienne Air Transat et ancien ministre tourne définitivement la page du règne des libéraux et inflige un camouflet d’autant plus retentissant à Justin Trudeau que cette victoire intervient après celle du conservateur Doug Ford, en juin dernier, dans la province voisine de l’Ontario.
Le Premier ministre canadien, porte-drapeau international de la bien-pensance multiculturaliste et dont la mièvrerie largement étalée dans une série d’interventions publiques larmoyantes fait régulièrement les choux gras des réseaux sociaux, devra donc revoir sa copie.
Il faut dire que ses appels à l’accueil des migrants n’étaient pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Fuyant le durcissement de la politique migratoire de Donald Trump, pas moins de 50.440 demandeurs d’asile se sont pressés à la frontière canadienne en 2017, contre 23.930 en 2016. À eux seuls, l’Ontario et le Québec ont assumé respectivement 52 % et 36 % de cette déferlante, en provenance de contrées aussi improbables que la Chine, le Pakistan ou le Nigeria. Au total, la Belle Province aura accueilli environ 52.400 immigrants en 2017 – un chiffre que François Legault se fait fort de baisser de 20 %.
Car il le proclame : « Je suis d’abord un grand nationaliste. Je suis fier de parler français. »Refermant la plaie des velléités indépendantistes qui ont agité le Québec pendant des décennies, son combat se veut plus fondamental encore : il tient à l’identité d’une terre qui, gardienne de son exception culturelle contre vents et marées depuis le XVIIIe siècle, est désormais confrontée à de nouveaux arrivants rejetant tout effort d’assimilation. Selon l’Institut de recherche en économie contemporaine, en 2016, 40 % des immigrants ne maîtrisaient pas le français à leur arrivée au Québec. Quant à la très cosmopolite île de Montréal, les résidents parlant français à la maison ne représentaient plus que 52 % de sa population en 2011.
Mais pour François Legault, tout devra plier ou rompre : la non-maîtrise de la langue de Molière au terme d’un séjour de trois ans vaudra renvoi au pays. Le risque est grand, en effet, de voir « nos petits-enfants ne plus parler le français », s’alarmait le nouvel homme fort québécois, dans un cri du cœur qui exprime à lui seul le sursaut d’un peuple qui ne veut pas mourir.