C'est en cachant leur visage à l'aide de masques et de foulards que plus d'une centaine de Montréalais ont occupé des arrêts d'autobus tout le long de l'avenue du Parc, vendredi matin, dans le but de manifester pacifiquement contre le projet de loi 62.
Adopté mercredi à l’Assemblée nationale, ce projet de loi prévoit que les services publics, dont le transport en commun, devront être donnés et reçus à visage découvert au Québec.
Certains des chauffeurs qui passaient devant l'attroupement d'une cinquantaine de personnes à l'intersection des rues Parc et Saint-Viateur ont klaxonné en soutien aux manifestants. L'un d'entre eux a même emboîté le pas et a lui aussi couvert sa bouche et son nez d'un tissu.
«Ce sont les chauffeurs qui devront appliquer la loi et ils n'en sont même pas en faveur, souligne Jenn McIntyre, l'une des organisatrices de la manifestation. C'est une loi très mal pensée qui ne s'accorde pas avec la réalité montréalaise.»
Aucune confrontation avec des passants ou des policiers n'a eu lieu dans la demi-heure qu'a duré la manifestation. Seuls quelques usagers semblaient surpris de constater l'immense taille de la file pour leur trajet de bus matinal.
Un pas en arrière
Si les organisatrices ne voulaient pas trop s'avancer sur la question de l'islamophobie au Québec, d'autres manifestants rencontrés sur place n'ont pas hésité d'affirmer que le projet de loi 62 découle directement de ce phénomène.
«Il cible des femmes pour aucune raison à part leur religion et sert uniquement à marquer des points avec un certain groupe d'individus. C'est xénophobe, raciste, sexiste et n'a pas sa place dans une société démocratique», soutient Sara.
Une autre des organisatrices de l'événement, Annika Krausz, est d'avis que le projet de loi 62 brime des droits fondamentaux, peu importe son point de vue sur le voile intégral.
«Il n'y a aucune d'entre nous qui est 100% d'accord avec toutes les raisons pour lesquelles certaines femmes couvrent leur visage, mais l'enjeu ici est plutôt le libre accès aux services publics. Les forcer de se dévoiler nuira à l'intégration de cette population déjà vulnérable, plutôt que de l'encourager. Personne n'a le droit de dire aux femmes ce qu'elles doivent porter», souligne-t-elle.
La ministre de la justice, Stéphanie Vallée, expliquait cette semaine que le projet loi 62 est basé sur des motifs de sécurité, de communication et d’identification, en rappelant qu'il touche autant le voile intégral que la simple cagoule. Les manifestants s'attendent à poursuivre leur mobilisation jusqu'à ce que le projet de loi soit aboli.