Ceux qui sont familiers avec l’histoire connaissent les guerres chaudes, ces guerres classiques avec affrontements armés. Ils connaissent aussi la guerre froide, à travers laquelle plusieurs d’entre nous ont vécu. Les passionnés d’histoire, quant à eux, ajouteront à cette brève énumération, la « drôle de guerre » de l’hiver 1939-1940. Si l’étude de l’histoire aide à comprendre le présent, nous avançons ici que la politique perpétrée par Donald Trump à travers son mandat, à l’égard de la Chine, a mené à une nouvelle Guerre froide 2.0. Cette guerre froide, les historiens la considèreront comme une foucade parmi d’autres de Donald Trump. Lorsque celui-ci cèdera sa place à la maison blanche, il est fort probable que le « gros argent » fera entendre sa voix et tentera de renverser les affrontements actuels au bénéfice du retour des marchés et de la liberté des échanges. Nous sommes en droit d’espérer que la démondialisation, qui a de plus en plus le vent dans les voiles dans le contexte mondial actuel, passe autrement que par celui d’un conflit manichéen à travers la vieille tentation américaine de présenter un monde divisé en deux camps, soit celui des « bons » Américains d’une part et des « Autres », rejetés dans l’ombre.
Tout comme avec le régime communiste de l’URSS, cette guerre froide 2.0 naît des tensions croissantes entre la République populaire de Chine (RPC) et les États-Unis. S’agit-il d’ailleurs de tensions RPC-États-Unis, ou plutôt simplement de tensions RPC-Donald Trump ? Car ce dernier n’a jamais caché la méfiance que lui inspire l’Empire du milieu, ayant fait de cette méfiance l’un des thèmes de sa campagne électorale de 2016 et accusant la RPC d’exploiter économiquement les États-Unis à travers des accords commerciaux « injustes », Donald Trump s’est directement engagé à corriger cette situation avec son programme de Make America great again, programme plaidant entre autres pour le retour en sol américain de productions délocalisées sous ses prédécesseurs et le rétablissement de la force militaire américaine. Le programme a plu et il a contribué à la victoire électorale du candidat républicain.
Quatre ans plus tard, cette Amérique « grande à nouveau » ne semble guère plus avancée et elle se trouve au cœur de tensions avec la RPC, des tensions que Donald Trump s’efforce peut-être de faire oublier en évoquant son amitié avec Xi Jinping. Cette approche, un rappel de cette inquiétante propension chez certains présidents américains à considérer leurs sentiments personnels à l’égard de chefs d’États avec lesquels ils négocient comme un baromètre fiable, n’est pas sans rappeler la guerre froide URSS-États-Unis! Des millions d’Européens de l’Est ont probablement maudit le président Roosevelt d’avoir considéré Joseph Staline comme un Uncle Joe et de l’avoir tenu pour un aimable formateur agraire. Donald Trump peut jouer les rouleurs de mécanique pour sa base électorale, il ne bernera pas un instant Xi Jinping, qui à n’en pas douter, gardera le cap sur les intérêts supérieurs de la Chine.
L’affrontement Chine-États-Unis qui prend forme se limite, pour l’heure, à des sanctions économiques et des manœuvres navales en Mer de Chine. Aucun des deux pays n’a intérêt à rechercher un affrontement direct, car il n’y a pas cette fois de Corée ou de Vietnam où les deux protagonistes pourraient se mesurer comme à l’époque de la guerre froide. Théâtre d’affrontements possible, mais pour une guerre feutrée : l’Afrique et la lutte pour ses richesses naturelles.
Autre prétexte à la confrontation : la Chine affirme que Taïwan fera un jour retour à la Chine continentale. Les communistes chinois sont les premiers à réaliser que toute opération militaire à l’égard de Taïwan (tirs de missiles, manœuvres navales dans les eaux territoriales taïwanaises avec accrochages avec la marine taïwanaise seront considérés comme des casus belli). Dans cet ordre d’idées, tout accrochage entre des vaisseaux de la US Navy et de la marine de guerre de la RPC vaudront probablement aux capitaines de ces vaisseaux quelques heures pénibles en conseil de guerre, chacun ayant probablement en mains des directives très claires de demeurer à distance respectable et d’éviter les coups de barre intempestifs dans les parages des navires de l’adversaire. Affrontements économiques donc dont les populations canadienne et québécoise n’auront pas conscience sinon sur les tablettes des Dollarama.
Autres terrains d’affrontement : Huawei, les consulats, Hong Kong et le coronavirus, les États-Unis ayant déjà exigé la fermeture du consulat chinois de Houston considéré comme un nid d’espions et de voleurs de propriété intellectuelle. Le consulat américain de Chengdu a été fermé, quant à lui, à la demande des autorités chinoises. Pour Hong Kong, il y a des lunes que la RPC considère toute la question des droits humains comme une question de politique intérieure en restant sourde aux demandes de l’Occident. Et finalement pour ce qui est des origines du coronavirus, Donald Trump pourra parler à son aise du Chinese virus et du Wuhan flu et du fait que le président de l’Organisation mondiale de Santé serait « vendu » aux Chinois, rien de cela ne fera varier la RPC de sa politique. Un vraisemblable dialogue de sourds.
Les efforts américains pour se trouver des alliés font sourire, car depuis son accession à la présidence, Donald Trump ne cesse de qualifier ses alliés de l’OTAN d’exploiteurs et de mauvais payeurs profitant de la générosité américaine pour disposer à rabais de la protection de l’oncle Sam. Quant à la Russie, il se l’est mise à dos avec la question ukrainienne et il ne lui suffira pas de deviser avec son « ami » Poutine pour faire dévier ce dernier d’une défense intransigeante des intérêts de la Russie, des intérêts qui ne vont certainement pas dans le sens d’un affrontement avec la RPC. Devant cette guerre froide naissante, que fera le Canada ? Et en réalité, que peut faire le Canada? Il fera ce qu’il fait depuis l’affaire des « deux Michael » : jouer les spectateurs et se taire. Attitude prudente dictée par nos moyens, mais aussi par une analyse rationnelle de la situation… il y a tout de même quelques diplomates de carrière à Ottawa.
Contrairement à l’URSS de l’après-guerre, la RPC ne représente pas une menace pour notre liberté et nos institutions. Il n’y aura donc pas de croisade contre la RPC, d’autant plus que la RPC est trop utile à un certain capitalisme occidental (pour ne pas écrire international) soucieux de conserver cette base arrière et cette armée industrielle de réserve trop utile pour assurer la production à vil coup de biens de base (électro ménagers, appareils électriques, lecteurs de CD et ordinateurs) pour les marchés occidentaux, qui ne veut pas savoir ni d’où proviennent ces biens et les profits qu’ils permettent d’engranger. Les marxistes ne sont pas nécessairement où l’on pense, certains d’entre eux vont en veston cravate, se promènent parmi nous et honorent de leur présence certains de nos forts respectables conseils d’administration.
Cette réduction du monde à un monde bipolaire satisfait peut-être les Américains et leur président peu sensible aux subtilités de l’histoire, mais il n’a jamais mené à une situation géopolitique gagnante pour le reste du monde. En jouant la carte d’une nouvelle guerre froide, Donald Trump veut aussi visiblement oublier l’émergence des BRICS (l’acronyme anglais de Brézil, Russia, India, China et South Africa) et la possibilité d’un monde multipolaire. Plus que la politique de blocs que sous-entend une politique bipolaire, la multipolarité avec sa diversité et son équilibre entre acteurs de puissance comparable semble plus à même de servir la paix; car c’est la multipolarité qui a assuré à l’Europe un siècle de paix entre 1815 et 1914.
Fédération des Québécois de souche
Pour la reconquête de notre peuple