Un étrange discours est en train de prendre forme dans le système médiatique. Il prend à peu près la forme suivante: François Legault serait trop autoritaire, trop brusque, et il devrait travailler à construire un consensus pour justifier ses réformes. Certes, il dispose d’une majorité parlementaire très forte, mais elle ne lui donnerait pas le droit d’appliquer son programme. D’ailleurs, s’il rappelle qu’il dispose d’un mandat électoral clair, on l’accusera de fermeture d’esprit et de polariser la société québécoise – traduisons, il sera fidèle à son programme plutôt que soumis au commentariat et assumera qu’il fait de la politique en ne se contentant plus de pratique la gestion tranquille d’une société en voie d’étouffement démocratique. Dans nos sociétés qui sont paralysées par l’impuissance politique, avoir un gouvernement qui croit à son droit d’exercer le pouvoir est une excellente chose, surtout quand ce gouvernement est en phase avec les aspirations nationales les plus profondes.
Dans les circonstances historiques qui sont les nôtres, la recherche exagérée du consensus consisterait dans les faits à consentir aux lobbies idéologiques les plus intransigeants le droit de fixer les critères de l’acceptabilité démocratique d’une grande politique comme celle de la laïcité. Plus encore, cela consisterait à accorder au système médiatique qui met en scène le débat public le pouvoir immense de décider à quel moment ce consensus sera atteint, tout en distinguant quels sont les éléments déraisonnables qui refusent de s’y rallier. Ne nous racontons pas d’histoire: la mouvance multiculturaliste n’accepte tout simplement pas sa défaite dans les urnes et cherche à reprendre le pouvoir en mettant en tutelle le gouvernement. Elle veut définir son champ d’action, elle veut établir dans quel périmètre il peut légitimement gouverner. Et on s’en doute, ce périmètre est très étroit. Et il sera de plus en plus étroit pour peu qu’il accepte de s’y laisser enfermer. Ce serait une erreur historique.
Qui veut vraiment gouverner aujourd’hui doit s’affranchir de la nouvelle cléricature qui prétend mettre en tutelle la souveraineté démocratique au nom de l’idéologie du consensus, qui dans les circonstances, n’est rien d’autre qu’un virus incapacitant. François Legault a été élu pour gouverner le Québec. Qu’il gouverne. Les médias le sermonneront. Mais la grande majorité de la population l’appuiera. Il s’agit de réorienter le Québec après quinze ans de décomposition nationale. Cela ne fera pas que des heureux. Et c’est tant mieux.