Le doyen de l’Assemblée nationale a annoncé hier qu’il quittera la vie politique en octobre prochain, après avoir été député d’Abitibi-Ouest pendant 42 ans, sans interruption. Dans une entrevue exclusive auJournal, François Gendron trace le bilan de sa vie politique. Élu pour la première fois dans le premier gouvernement péquiste de René Lévesque, il partage également ses observations sur l’évolution du Québec depuis 1976.
À 73 ans, vous semblez toujours en bonne forme physique. Pourquoi quitter la vie politique maintenant ?
La raison, c’est la perte de temps dans les aéroports et dans les autos. J’ai déjà fait 60 fois le tour de la terre, juste en déplacements dans mon comté ! Tout ça, additionné à l’âge que j’aurai aux prochaines élections. Je ne trouve pas ça sérieux de prendre un engagement de quatre ans à 74 ans.
Craignez-vous de vous ennuyer en prenant votre retraite de la vie politique ?
Est-ce que j’ai une assez grande inquiétude sur la suite des choses ? La réponse, c’est oui. Il faut que je reste actif, que je m’implique, mais à un rythme moins soutenu.
J’ai l’habitude de vivre avec un horaire chargé, j’ai une vie active et trépidante. Alors, quand tu coupes ce lien-là, il y a un danger de te sentir un peu esseulé, perdu, que le téléphone ne sonne plus.
Avez-vous des plans d’après-carrière ?
Je veux servir, faire du bénévolat. Ça pourrait être de continuer à aller dans les écoles, parler aux jeunes, comme je le fais déjà. Ça me fait de la peine de voir qu’ils ont une trop grande méconnaissance de l’impact de la politique sur le citoyen.
Quel constat faites-vous de l’évolution de la politique au cours des quarante dernières années ?
La politique a énormément changé, négativement. On n’a plus le respect qu’on a déjà eu pour les hommes et les femmes politiques. J’ai préféré mes vingt premières années de vie politique aux vingt dernières.
Et il y a beaucoup de « commentateux », aujourd’hui, beaucoup d’opinions live, pas très réfléchies, pas très documentées. Aujourd’hui, je lis des affaires qui n’ont rien à voir avec la réalité. Le factuel est devenu secondaire.
Vous êtes venu en politique pour faire avancer deux causes : la social-démocratie et la souveraineté. Où en est le Québec, aujourd’hui, dans ces domaines ?
Sur la social-démocratie, on a avancé, certain. Le Québec, globalement, est un État progressiste, ouvert, moderne, avec énormément de considération pour les démunis. Je pense, par exemple, aux CPE qui aident à réduire le décrochage scolaire.
Mais sur la souveraineté, les appuis sont en baisse.
La souveraineté est en baisse, certain. On n’enseigne même pas l’histoire. Mais, pour une nation, c’est légitime d’aspirer à prendre toutes les décisions qui viennent avec le statut d’un État normal.
Qu’est-ce qui fait que l’appui à la souveraineté diminue de façon constante ?
D’une part, les souverainistes se sont éclatés entre eux. Deuxième facteur, on essaie toujours de « négativiser » à mort cette option décrite comme « dépassée ».
Il y a aussi l’individualisme. Il y a 20 ans, les gens parlaient de ce que le Québec devrait faire. Il y avait une volonté collective de faire des affaires en tant que société. Aujourd’hui, c’est « mon ski-doo, mon divorce, mon régime de retraite ». Me, myself and I.
Avez-vous bon espoir de voir le Québec accéder à la souveraineté d’ici 15 ans, 20 ans ?
Je ne suis pas futurologue. Je ne suis pas dans la tête de tous ces jeunes, que j’aime. Mais tous ces jeunes ont eu beaucoup plus de distractions liées à la consommation et à l’acquisition de biens. Ils ont le droit, mais j’ajouterais le bien de la nation.
En terminant, une quarantaine d’années sur la route, entre Québec et La Sarre, ça doit être difficile pour la vie de famille ?
Oui. Je suis très fier de mon résultat professionnel, mais est-ce qu’il y a d’autres aspects qui en ont souffert ? La réponse, c’est oui.
Quand j’ai décidé que mes enfants viendraient faire leurs études collégiales et universitaires à Québec, c’était pour être plus près d’eux, m’en occuper davantage. Parce que j’étais conscient que j’avais négligé pas mal l’étape du secondaire. C’est dur de le constater, mais ça fait aussi partie de la vie d’autres personnes et il suffit d’avoir l’intelligence de s’adapter.
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