Nous ne reviendrons pas sur ce débat d’Éric Zemmour avec Jean-Luc Mélenchon, longuement commenté en ces colonnes. Ce fut une première confrontation pour le conservateur réac dans ses atours de pré-candidat et dont la crédibilité encore virginale dans cette fonction était à consolider. Au cours de ces joutes verbales, une réponse du polémiste au républicain révolutionnaire n’a pu évidemment passer inaperçue : Éric Zemmour veut défendre la civilisation chrétienne, élément consubstantiel, selon l’auteur du Suicide français, à sa croisade pour sauver la France. La quête est noble, le défi élevé, mais hélas, il se heurte à un écueil de taille : est-il possible, voire crédible, de défendre une civilisation chrétienne… sans chrétiens ?
La civilisation moderne est « une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Cette citation de Georges Bernanos résume à elle seule l’immensité de la tâche que représente le sauvetage d’une France d’essence catholique mais déchristianisée, convertie aux valeurs républicaines, au consumérisme, à l’individualisme et, plus récemment, au progressisme nihiliste. Plus généralement, cette « déconversion » au christianisme en Europe de l’Ouest sonne le glas d’une civilisation millénaire née de la conversion de l’empereur Constantin puis du baptême de Clovis. L’effondrement tragique du monde chrétien a débuté à la Révolution, conséquence de l’abolition de la monarchie de droit divin, des privilèges de l’Église, et s’est prolongé par la politique maçonnique anticléricale et antichrétienne de la République. Elle a connu une accélération significative dans les années 60, plus particulièrement depuis l’avènement du concile Vatican II, équivalent d’un Mai 68 œcuménique, par la gauchisation idéologique du clergé. Les prises de position favorables à l’immigration du pape François en sont le symptôme le plus tragique. La crise du discours d’autorité de l’Église s’est encore amplifiée avec les scandales pédophiles.
Peut-être devrait-on se poser la question de l’essence de cette civilisation que Zemmour souhaite défendre. Sont-ce les immenses cathédrales vides, ou la foi qui les anime ? Des lieux de culte transformés en passage à touristes, des églises et des chapelles en locaux pour catholicisme saisonnier, festif et mondain ; autant de coquilles vidées de leur substance primordiale ne font pas une civilisation.
Il aura beau sonner le tocsin, Éric Zemmour, sur le danger de disparition de cette France éternelle, victime consentante d’une République laïque en voie d’islamisation, les faits sont têtus : sauver des églises vides ou sauver les meubles relèvent d’un même combat. Zemmour, fils de rapatriés juifs venus d’Algérie, imprégné de christianisme, sera-t-il juste un prophète dans un désert spirituel ? L’heure est tellement grave que même les complices de ce Grand Remplacement de la foi, ce détachement de toute vie intérieure comme phénomène de société ubiquitaire, commencent à s’en mordre les doigts : Michel Onfray, athée de conviction, prend le parti de l’Église traditionnelle et des messes en latin, c’est dire si la situation est grave.
Il faudra bien plus qu’une Révolution française à l’envers, et Zemmour n’y arrivera pas tout seul. Et, de surcroît, il s’agit bien d’une course contre la montre : les jeunes générations pourront-elles défendre ce dont elles ignorent l’essence, par défaut de transmission ? La fatuité du monde moderne a anesthésié toute légitime défense. Les peuples de l’Est, restés chrétiens, sont les seuls, à l’heure actuelle, à s’être prémunis, fièrement, de l’histoire tragique qui nous attend. L’Histoire, nous dit-on, est le fait de minorités agissantes. Serait-ce suffisant, nous concernant, pour contrer une démographie galopante ? Le laïcisme et les valeurs républicaines ont fait le lit de l’islam et, entre la soutane et le voile, il devient de plus en plus urgent de choisir.
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