Enclume à Ottawa ? - D'autres « horreurs » attendent Jean Charest

Cette fois, le dégoût de la pourriture politique ne l'emportera-t-il pas sur la peur d'un autre référendum?

OUPS.... -* JJC sera-t-il pilonné par celui qu'il voulait remplacer à Ottawa? - Fin abrupte d'une carrière, dans la honte. Ruse de l'Histoire...


L'enquête sur «l'industrie de la corruption» que le PQ et les autres partis d'opposition n'ont pas pu arracher au premier ministre Jean Charest, le Bloc québécois l'a facilement obtenue du chef conservateur à Ottawa. Stephen Harper s'est empressé, en effet, d'accéder à la demande du député Daniel Paillé. La commission exigée en vain par les Québécois de leur propre gouvernement, un comité des Communes va bientôt la leur offrir.
Cette coalition inopinée entre les conservateurs et les bloquistes paraît prendre au dépourvu libéraux et néo-démocrates. Pour le Bloc, il est vrai, l'occasion était belle de se porter à l'aide des Québécois bafoués, et pour Harper, d'y trouver enfin de quoi former un gouvernement majoritaire. Aussi, le PLC et le NPD emboîteront-ils le pas, sous peine d'être éliminés du Québec au prochain scrutin fédéral.
Une autre «année d'horreur» s'annonce donc pour Jean Charest, lui qui comptait sur l'épuisement des gens et des révélations pour continuer son «mandat» jusqu'au bout. Du haut de la colline fédérale, l'année 2011 risque, fort probablement, de faire éclater d'autres scandales. Dès février, les intouchables qui refusent de parler à la police, ou qui plaident «coupables» pour éviter un procès, ne pourront plus aussi aisément dissimuler leurs machinations.
D'aucuns s'étonneront que les conservateurs s'allient au Bloc pour porter au seul parti fédéraliste qui subsiste au Québec — le PLQ — un coup qui risque de lui être fatal, comme la commission Gomery l'avait été pour les libéraux fédéraux dans la province. La différence, cette fois, c'est qu'une enquête publique pourrait consolider un cabinet conservateur à Ottawa et obliger les fédéralistes à nettoyer leur écurie au Québec.
À deux reprises dans le passé, une déconfiture des libéraux provinciaux a failli laisser le Québec aux seules forces souverainistes. Leur formation n'a dû sa survie qu'aux «sauveurs» hâtivement conscrits de l'extérieur. D'abord Claude Ryan, l'ex-directeur du Devoir, remplacera Robert Bourassa, alors défait par René Lévesque en 1976. Et puis Jean Charest, une vedette conservatrice, viendra d'urgence succéder à Daniel Johnson, après que Lucien Bouchard eut failli gagner le référendum de 1995.
Aujourd'hui, Jean Charest affirme qu'il n'entend pas quitter avant la fin de son mandat et qu'il en sollicitera même un quatrième. L'homme n'en est pas à sa première épreuve politique. Il a aussi la réputation de rebondir et d'être à son meilleur dans la lutte. Mais peut-il cette fois-ci remonter la pente? Sa performance mitigée à Tout le monde en parle aura semé le doute même chez ses admirateurs.
Un verdict sans appel
Le verdict porté sur lui dans sa première famille politique n'a pas fait grand bruit, mais il paraît sans appel. Ainsi, le 7 décembre, Tasha Kheiriddin, brillante juriste et chroniqueuse au National Post, a rappelé que Jean Charest ne fut pas seulement un tory enthousiaste. Il a aussi empêché le PC de disparaître dans l'après-Mulroney. «Mais surtout, écrit-elle, il s'est battu pour le fédéralisme et l'a fait férocement lors du référendum de 1995 au Québec.»
Alors présidente des jeunes conservateurs, Kheiriddin lui avait demandé quelle est politiquement sa «raison d'être». Sa passion était claire, dit-elle. Il lui répondit spontanément: «Le Canada est un grand pays.»
Bien sûr, concède cette conservatrice, M. Charest ne veut pas partir alors que si peu d'électeurs l'appuient, mais «ce sera pire s'il perd la prochaine élection provinciale». Or, constate l'analyste du Post, il a eu sept ans pour s'attaquer aux attentes dans les urgences, aux routes qui se désagrègent, à une dette provinciale de 16 000 $ par personne et à d'autres problèmes, toutes situations qui se sont aggravées depuis. N'est-ce pas le moment de laisser quelqu'un d'autre s'y attaquer?
Ces défis, conclut-elle, si M. Charest aime le Canada autant qu'il le dit, il voudra les remettre à un leader fédéraliste dans son propre parti, et «non les laisser à un adversaire voué à rompre le pays qu'il a lutté si fort pour défendre». Que fera le chef libéral? Rarement leader québécois aura-t-il affronté un tel dilemme.
Rester? D'autres avant lui, notamment Robert Bourassa et, au fédéral, Pierre Trudeau, ne détestaient pas cette «menace séparatiste», qui poussait vers eux les électeurs craignant par-dessus tout la fracture du pays. Peut-être Jean Charest sera-t-il tenté d'imposer aux Québécois cette possibilité. Mais ces chefs-là n'étaient pas hantés, au sein de leur parti, par le spectre de la corruption. Cette fois, le dégoût de la pourriture politique ne l'emportera-t-il pas sur la peur d'un autre référendum?
Partir? Il faudrait que le chef libéral fasse d'abord le constat que ni son gouvernement ni le Parti québécois ne peuvent plus — sous leurs directions actuelles — faire face aux problèmes du Québec, rétablir la crédibilité de la classe politique et restaurer la confiance des Québécois dans leurs institutions. À défaut d'une «troisième voie», l'issue ne pourrait-elle pas être alors dans un changement radical à la tête de l'équipe libérale?
En tout cas, pour maints observateurs, la situation reflète une crise profonde. À en juger par les scrutins passés et les sondages présents, tout un électorat délaisse les deux vieux partis, sans pour autant croire aux nouveaux. Et, malgré l'échec de l'Action démocratique du Québec (l'ADQ de Mario Dumont), qui faillit prendre le pouvoir en 2007, l'idée d'une formation nouvelle trouve encore preneur dans la population.
Bref, l'appui populaire au changement ne manque pas, c'est plutôt le changement qui est en mal d'un leader. Telle est sans doute la grâce que plus d'un Québécois se souhaitera en ce temps d'impasse collective.
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redaction@ledevoir.com
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Jean-Claude Leclerc enseigne le journalisme à l'Université de Montréal.


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