En réaction au texte de Stéphane Laporte "Yes we can't"

Les partis politiques défendent leurs intérêts bien avant les nôtres

Tribune libre 2011

Le texte de Stéphane Laporte, Yes we can’t mérite sans doute que l’on fasse quelques réflexions à propos des éléments les plus pertinents.
D’abord, je pense qu’il a raison lorsqu’il dit ceci : «Ce ne sont pas tous les Américains qui voulaient changer le monde, le 4 novembre 2008 ». En effet, malgré la mauvaise influence de Sarah Palin et de l’infériorité charismatique de John McCain, Barak Obama obtint seulement un maximum de 53% des votes. Si, lors de l’élection présidentielle de novembre 2008, nous avions pu avoir la certitude d’une victoire nette des démocrates, il faut dire que le duel était silencieusement serré. Avec un peu plus du double des grands électeurs vis-à-vis des républicains, les démocrates étant plus concentrés dans l’Est des États-Unis, plus payant politiquement, ils étaient avantagés.
Ajoutons également l’apport de la Californie et de la Floride dans la victoire d’Obama, encore ici, de grandes agglomérations peut-être même plus diversifiées en terme ethnique et plus concentrées démographiquement que les certains autres États gagnés par McCain.
En ce sens, ce ne sont pas tous les Américains qui voulaient élire Barak Obama. Même que si certains qui ont voté pour lui aujourd’hui changeaient leurs votes de l’autre coté, combien changeraient dans le sens inverse, pour les démocrates ? Il reste que l’élection était partagée. Malgré le charisme et l’influence que Barak Obama a pu avoir pendant sa campagne électorale, qui l’a aidé sans contredit, tant sur le plan intérieur qu’extérieur, aujourd’hui, en 2011, comme le président doit constamment faire des acrobaties entre les intérêts généraux et particuliers pour appliquer son programme, il perd peut-être de plus en plus son charisme et son influence sur les deux scènes.
Un homme seul ne peut pas changer le monde et les relations entre les acteurs nationaux internationaux (Diplomatie) et supranationaux (ONG, ONU, etc.…).
Cette phrase de Stéphane Laporte est également intéressante : «Aucun homme ne peut changer le visage de l'Amérique. L'Amérique a trop de visages ».
Effectivement, comment faire consensus dans ces nouvelles sociétés occidentales multiculturelles et hétérogènes. Nous ne sommes plus au temps de l’État-nation ethnique plutôt facile à organiser et appréciablement manipulable.
L’Occident américain et l’Occident européen ont un point commun non-négligeable, ils sont menacés dans leur unité par l’immigration et les facteurs culturels et religieux. Ces derniers confrontent ainsi la logique d’État, ses principes communs, ses valeurs intrinsèques et son authenticité. L’authenticité des pays, c’est-à-dire la cohérence entre le territoire et le peuple, qui est l’essence du nationalisme, coule dans les profondeurs des relations et des communications mondialisées.
L’État a de moins en moins d’importance sur la décision compte tenu de la multiplicité des acteurs transnationaux, gouvernementaux, économiques, humanitaires, souvent privées, qui ont des intérêts propres qui peuvent diverger avec ceux des États-nations.
Si l’Amérique a effectivement trop de visages, elles a également trop de mains… Souvent, la décision est dénationalisée, si elle n’est pas déjà prise en main par les tribunaux. La politique fait de moins en moins de politique puisque le débat tombe trop souvent dans l’immobile étau de la partisanerie. Pendant ce temps, les choses se passent. La politique, les partis politiques, ne sont là que pour modifier le système, le réguler ou le déréguler (sic). Le système, en absence de politiques, il continue d’agir selon le programme en place. L’administration travaille lorsqu’il y a des élections, il travaillera dans le même sens, peu importe le parti qui est conduit à former le gouvernement qui s’affaire à modifier l’État. En ce sens, si l’État changeait il n’y a pas si longtemps selon les influences des partis et les modifications apportées au régime politique, social, financier et etc., aujourd’hui, avec la complexité des relations transnationales et des communications, cette affirmation peut être critiquée.
L’État est court-circuité par la mondialisation et la mobilité des flux transnationaux (personnes, biens, informations, capitaux, culturels, etc.…) et la nouvelle population hétérogène peine à trouver la cohérence nécessaire pour ne pas se faire court-circuiter à son tour par les partis politiques. Le système le rend donc effectivement impuissant, M. Laporte.
Il a donc double-déconnection dans la conception occidentale de la démocratie et du libéralisme. Je cite :

«Parce que la presque-moitié des gens qui ne voulaient pas de nos promesses va crier tellement fort qu'elle va finir par faire changer de côté assez des gens parmi la moitié de ceux qui nous ont mis au pouvoir, pour nous faire tomber. Ma dernière phrase est lourde et pas très claire? C'est ça, la politique: lourd et pas très clair ».

Je cite ce passage parce qu’il est pourtant lui-même plutôt éclairant. Il nous propose même de réfléchir à ce qu’est la démocratie dans la Québec d’aujourd’hui. Ce n’est pas faux qu’une minorité crie souvent plus fort que la majorité silencieuse. Bien des projets tombent à l’eau parce que l’on entend seulement ceux qui s’occupent de politique, ceux qui s’opposent, dans les faits. La politique est même souvent prise à la négative. On vote pour le moins pire ou par opposition plus souvent que par motivation et devoir de citoyen.
Heureusement, plusieurs électeurs ne voient pas les choses de cette façon. Plusieurs électeurs votent par conviction, par choix et pour l’action de liberté. Le principe de la démocratie s’applique lorsque l’individu a la liberté de faire des choix, selon les convictions et intérêts qu’il juge valable à ses yeux de promulguer à la collectivité. Néanmoins, il est aujourd’hui préférable de défendre et protéger ses intérêts. La collectivité perdant de plus en plus de pouvoir aux dépens des individus et groupes restreints dont elle est composée, elle se fragmente et engendre des distorsions intéressantes. La politique devient, avec raison, lourde et complexe.
Par exemple, lorsque M. Laporte écrit : « Les républicains ne veulent pas le bien des Américains, ils veulent le bien des républicains. Et vous pouvez remplacer le mot républicains par démocrates, libéraux, conservateurs ou péquistes, l'énoncé sera aussi vrai », il n’a pas tort à mon avis. Les partis politiques défendent leurs intérêts bien avant les nôtres.
Au départ, ils dépensent notre argent dans des promesses pour se faire élire à la tête du gouvernement où ils décideront et gouverneront selon leurs intérêts. Par exemple, si le débat se dépolitise au Québec, c’est parce que les politiciens lancent la balle aux tribunaux qui appliquent et interprètent des lois libérales. La décision politique n’étant pas payante politiquement pour celui qui veut se faire réélire, la tentation est forte de se déresponsabiliser de la décision advenant un désaccord de la majorité de la population ou de la minorité criante. Il ne faut plus choquer. Les tribunaux, qui interprètent la Charte et la Constitution canadienne, prennent ainsi souvent des décisions qui ne satisferont pas plus l’un coté comme l’autre. Ce qui participe à la distorsion de la population, affectant du coup son authenticité et ses aspirations. La dictature de la loi, imposant un régime cohérent suivant un Esprit étroit cherchant à standardiser les pays libres et démocratiques, est ainsi nourri par les peurs et vanités des partis dépolitisés qui refusent de payer le prix des choix nationaux difficiles et dépolitisent la gestion de la collectivité nationale en judiciarisant les valeurs, les principes et les aspirations du peuple.
Enfin, un dernier point de ce texte mérite attention et réflexion lorsque M. Laporte écrit :
«Il faudrait que, une fois au pouvoir, le gouvernement se détache de son parti comme une capsule se détache de sa fusée pour atteindre son but. Et qu'un dauphin remplace le chef et se prépare à la prochaine élection. Laisser le futur candidat faire de la petite politique pendant que le chef élu en fait de la grande »

J’avoue apprécier l’effort d’apporter une solution et d’éviter seulement la critique. Évidemment, je pense comprendre que l’idée de Laporte, si l’objectif est de diminuer l’influence du parti politique et de ses réseaux dans la structure du pouvoir, elle tend à favoriser tout simplement l’indépendance des politiciens.
Pour ma part, j’ajouterais également la transparence aux conséquences de la départisanerie de la politique. L’idée est tout de même intéressante. Par exemple, si tous les politiciens étaient indépendants, quelles seraient les conséquences sur le fonctionnement du parlement et de la démocratie ? Qu’est-ce qu’impliquerait d’abord l’indépendance ? Si nous élisions des gens en fonction d’élections basées sur les ministères ? Si nous avions à choisir entre trois ou quatre candidats pour le poste de ministre des transports ou celui de la santé, nous pourrions vérifier le profil de chaque candidat et voter en fonction de celui qui défend des principes et proposent des solutions en accord avec nos point de vue. L’élection d’un candidat au poste de ministre dépendra également de débats d’idées entre les concernés visant le poste de ministre en question. Pouvons-nous regrouper nos ministères pour réduire leurs nombres ou créer une superstructure rassemblant certains ministères sous un seul, sans créer nécessairement plus de bureaucratie pour autant ? Si nous portons à 12 nos ministères, nous aurons à élire 12 personnes, tous issus d’un vote les confrontant aux compétiteurs respectifs à chaque poste de ministre. En ce sens, si un candidat a un potentiel certain pour gérer un ministère en question, celui-ci aura le temps de prouver sa valeur sans subir les influences que peuvent apporter le respect de la discipline de parti ou l’échec électoral d’un parti. Les bons ministres resteront en place et les mauvais quitteront. Les professionnels des ministères travailleront avec le ministre afin de trouver une orientation à chaque ministère. Toutefois, la cohésion nationale peut être remise en question si les ministères agissent selon des intérêts divergents, c’est pour cela qu’il importe de nommer un chef du gouvernement, ce n’est qu’une question de cohérence générale…


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