Il était une fois le Québec d’avant la Révolution tranquille. Ce n’était pas l’enfer, ce n’était pas la Grande noirceur non plus. Mais c’était un pays sous-développé culturellement et socialement, marqué par une conquête vieille de deux siècles et qui sans rejeter l’éducation, comme on l’a trop souvent répété, s’en méfiait quand même un peu. Certes, nos élites avaient une belle maîtrise de la culture classique, mais le commun des mortels n’était pas équipé pour faire face aux exigences culturelles et éducatives de la société moderne, et plus encore, de l’économie moderne. L’Église avait fait ce qu’elle avait pu pour nous éduquer. Ce n’était pas rien. Mais c’était insuffisant. Nous n’avons pas à mépriser cette époque. On ne saurait non plus en avoir la nostalgie.
Il fallait passer à grande vitesse et se donner un système d’éducation moderne, et il fallait un homme pour porter cet immense projet. Cet homme, ce fut Paul Gérin-Lajoie. C’était un des derniers héros de la Révolution tranquille encore vivant. Il vient de nous quitter à 98 ans. De son vivant, on l’a célébré, on a reconnu son œuvre, qui est immense, et qui va de l’éducation aux relations internationales. Il s’était donné pour mission d’éduquer un peuple et il y est parvenu, en se soumettant à cette vieille maxime: aux grands maux les grands remèdes. Il fallait révolutionner le système scolaire pour le faire entrer dans le nouveau siècle. Il a créé le système d’éducation moderne québécois. Il en a été le grand architecte.
Tout ne s’est pas fait sans dommages, on le sait. On a sacrifié une certaine forme de culture classique qui méritait un meilleur sort que celui qu’on y a réservé, mais on ne saurait en tenir celui qu’on avait pris l’habitude d’appeler PGL pour responsable. Toute révolution, inévitablement, finit par dériver, pourrait-on dire. Mais l’essentiel doit être retenu: en mettant les Québécois à l’école, il leur a permis de grandir. On peut retenir sa grande leçon: il y a un lien intime, vital et insécable entre l’éducation et la démocratie. L’éducation ne saurait être simplement une formation pratique: elle vise le plein épanouissement de la personne humaine, au contact des œuvres de l’esprit, qui élargissent la conscience et l’enrichissent. PGL pensait l’éducation non pas en technicien mais en humaniste.
Paul Gérin-Lajoie a œuvré, de la plus belle manière, à l’épanouissement de son peuple. Aujourd’hui, c’est tout un pays qui est en deuil. Il devrait en profiter pour se demander comment demeure fidèle à son héritage.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé