Cette chronique reprend délibérément le titre de l’ouvrage de Jacques Houle, tout juste paru chez Liber, que je viens de terminer.
L’auteur fut, pendant plus d’une vingtaine d’années, un fonctionnaire du gouvernement fédéral à Emploi et Immigration Canada.
Il dresse un portrait cinglant de nos politiques d’immigration, de leurs impacts réels, de leurs justifications boiteuses et de leurs vraies motivations.
Tendance
La population québécoise de langue maternelle française recule de 10 points de pourcentage tous les 25 ans.
À ce rythme, elle passera sous les 50 % avant la fin du siècle. Comme dit l’auteur, à l’échelle de l’histoire, c’est demain.
Ce sentiment croissant qu’ont tant de Montréalais de langue maternelle française, déjà minoritaires, de se sentir des étrangers chez eux, et coupables de dire leur inconfort, deviendra progressivement celui de tout le Québec.
Jusqu’au tournant des années 2000, explique Houle, le Québec accueillait grosso modo 30 000 immigrants par année. Les gouvernements péquistes ajustaient les volumes aux cycles économiques.
Avec le retour au pouvoir du PLQ, on passa rapidement aux 50 000 actuels.
Plus pernicieusement, au-delà des chiffres, nous entrâmes dans un climat intellectuel où il ne fallait surtout pas confronter le jovialisme discursif aux données disponibles.
Or, ces données existent et, comme l’explique Houle, elles montrent que :
Non, l’immigration ne permet pas d’enrayer le vieillissement du Québec.
Non, elle n’a pas d’impact positif sur les finances publiques, les salaires ou la richesse collective.
Non, on n’a pas réussi à faire s’établir les immigrants dans les régions moins urbanisées.
Non, on n’a pas réussi à apparier efficacement les qualifications professionnelles des nouveaux venus avec les exigences des postes vacants.
Non, on n’a pas réussi à maintenir, encore moins à renforcer, la prédominance du français comme langue première de la vie publique.
Or, tous ces objectifs sont ceux que prétendent poursuivre nos politiques d’immigration.
« Fiasco » ? Ça dépend pour qui...
Ces politiques font trois grands gagnants : le patronat, le PLQ, qui importe ce qui est devenu le cœur de son électorat, et une fraction de cette bourgeoisie qui a les moyens de ne profiter que des bons côtés de la diversité : restos exotiques, beaux voyages et amis triés sur le volet.
Débattre
On ne compte plus les reportages complaisants et tendancieux sur la « terrible » pénurie de main-d’œuvre qui nous affligerait, alors que le Québec serait rempli d’immigrants fabuleusement instruits qui ne peuvent faire valoir leurs compétences.
Dans les faits, la catégorie d’emploi qui connaît la plus forte demande est celle des serveurs au comptoir, des aides dans les cuisines et du personnel de soutien, suivie, au deuxième rang, par les vendeurs dans le commerce de détail.
Voilà pourquoi le patronat, qui veut payer le moins possible, n’a qu’une seule piste audio dans la bouche : toujours plus.
Déprimant ? Pas complètement...
Pendant longtemps, il fut impossible de parler d’immigration autrement que sur le mode de l’approbation muette ou de l’émerveillement béat.
Nous sommes rendus ailleurs. Ce livre en est une nouvelle illustration.