Bourassa, Legault et le retour du pendule?

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« On verra ce que la CAQ peut accomplir, mais son mandat pourrait être infiniment plus instructif et pédagogique qu’un million de discours souverainistes que plus personne n’écoute. »



Cette semaine, questionné par le chef intérimaire du PLQ, François Legault a refusé de se dire fier d’être Canadien.




Questionné par le chef intérimaire du PQ, il a dit accepter l’appartenance­­­ du Québec au Canada­­­, mais sans montrer la moindre émotion.




Devant cette tiédeur, plusieurs ont spontanément pensé à Robert Bourassa, une comparaison évoquée par M. Legault lui-même.




Sursaut




La comparaison a certes d’immenses limites.




Robert Bourassa était un fédéraliste, qui aurait pu faire la souveraineté, mais il n’y croyait pas et fit cyniquement semblant.




François Legault était un souverainiste qui s’est lassé de pourchasser un idéal en apparence de plus en plus inatteignable.




La conjoncture historique est aussi différente, mais l’est-elle tant que cela ?




Bourassa jongla avec la souveraineté quand le Canada lui fit comprendre que le Québec ne serait distinct qu’à la condition que cela ne signifie rien concrètement.




Legault, lui, mesure tous les jours à quel point il est difficile pour le Québec d’être... concrètement distinct.




Depuis 15 ans, le PLQ et ses alliés du reste du pays ont travaillé à « canadianiser » au maximum le Québec, de manière résolue sous Jean Charest, puis fanatique sous Philippe Couillard.




Il faut reconnaître qu’ils ont bien travaillé.




Les Québécois sont de moins en moins « maîtres chez eux ». Plusieurs sont défaitistes. Beaucoup de jeunes, superbement endoctrinés, pensent vivre dans une société cryptoraciste.




Dans ce contexte, on peut voir l’élection de la CAQ comme un sursaut de fierté nationaliste, une preuve de résilience du Québec français, une indication qu’il n’a pas encore les reins brisés.




Le nouveau gouvernement, avec son lot d’inévitables maladresses, essaie de réparer ce qui peut être réparé, de stopper les reculs, de colmater les brèches, avec les seuls moyens qu’offre un demi-gouvernement provincial.




Ce n’est déjà pas si mal dans un contexte où les seules options sont les valets du PLQ, les girouettes illuminées de QS et les comateux du PQ.




Voyez pourtant s’allonger la liste des enjeux qui témoignent de la difficulté croissante pour le Québec d’être canadien à sa manière : laïcité, pétrole, immigration, collecte des impôts, quasi-séparatisme et anglicisation de la métropole, culpabilisation collective, etc.




Les gouvernements péquistes d’antan étaient doublement piégés : incapables de faire la souveraineté, mais soupçonnés de souhaiter des crises pour relancer leur option.




Les gouvernements libéraux provinciaux, eux, étaient les exécutants zélés, domestiqués, d’une politique de rapetissement du Québec.




Démonstration




Le gouvernement caquiste, lui, essaie de bonne foi, un peu comme Robert Bourassa, de jouer le jeu canadien­­­ au bénéfice du Québec, mais la différence québécoise se réduit progressivement à une dimension linguistique en recul et en voie de folklorisation.




On verra ce que la CAQ peut accomplir, mais son mandat pourrait être infiniment plus instructif et pédagogique qu’un million de discours souverainistes que plus personne n’écoute.




Et peut-être qu’au terme de détours­­­ étranges et inattendus, après avoir testé les limites de ce qui est possible dans le Canada qui prend forme, les Québécois pourraient retrouver le besoin de se questionner sérieusement sur leur destin collectif.