ÉNERGIE EST

Des rivières à risque pour le pipeline

Une trentaine de cours d’eau «présentent des risques de glissement de terrain»

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De porteurs d'eau à porteurs de pétrole

La construction du pipeline Énergie Est pourrait engendrer de nombreux impacts environnementaux pour d’importantes rivières du Québec, conclut une étude menée par Polytechnique pour le gouvernement. Le rapport souligne notamment les risques élevés de glissements de terrain dans plus d’une trentaine de rivières, mais aussi l’impossibilité de contenir et de nettoyer totalement un déversement de pétrole brut.

Plus d’un mois après la fin des consultations publiques menées dans le cadre de l’évaluation environnementale stratégique des énergies fossiles, Le Devoir a constaté que le gouvernement Couillard a finalement mis en ligne juste avant Noël l’« Examen des risques associés aux traverses de cours d’eau par des pipelines ». Le rapport a été mis en ligne quelques jours après la publication de la version finale du projet Énergie Est par TransCanada.

Cette étude, transmise au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, conclut d’ailleurs que ce pipeline traverserait pas moins d’une trentaine de rivières qui « présentent des risques de glissement de terrain en raison de l’instabilité des berges ». Une situation qui « pourrait affecter directement l’intégrité du pipeline », qui transportera chaque jour 1,1 million de barils de pétrole des sables bitumineux.

Selon l’analyse des chercheurs de Polytechnique, « la majorité des traverses à risque se situe sur la rive nord du Saint-Laurent, entre Montréal et Saint-Augustin-de-Desmaures ». Ils identifient ainsi un risque lié au passage du tuyau d’un mètre de diamètre pour la rivière des Outaouais, mais aussi pour celle des Mille Îles. Même chose pour la rivière Saint-Maurice. Quant à la rivière Sainte-Anne, elle présente un « haut risque de glissements ». Le risque est tout aussi « élevé » pour la rivière Jacques-Cartier, mais également pour la rivière Batiscan, la Chacoura, la Petite rivière Yamachiche et la rivière Champlain, entre autres.

« Plusieurs enjeux de sécurité se posent pour le projet Oléoduc Énergie Est, notamment par rapport au risque d’inondations, à la présence de barrages en amont des traverses ou à l’instabilité des berges des cours d’eau traversés », constate aussi l’étude de 150 pages.

Qui plus est, le rapport souligne que l’évaluation des « impacts potentiels » liés à la construction et l’exploitation des pipelines se limite pour le moment à les « qualifier ». Il serait donc nécessaire de « quantifier (et non pas uniquement qualifier) les impacts potentiels, à l’atmosphère, l’eau et aux sols ainsi que sur la biodiversité et la santé humaine ».

Risques pour la biodiversité

D’un point de vue environnemental, peut-on également lire dans ce rapport passé totalement inaperçu, les problèmes les plus importants ont trait à la qualité de l’eau ainsi « qu’aux impacts sur la biodiversité (particulièrement les poissons) ».

Selon les résultats de l’étude, les rivières Outaouais, Saint-Maurice, Jacques-Cartier et Madawaska « seraient les plus vulnérables » en termes de qualité de l’eau. Il est toutefois « impossible » d’évaluer la vulnérabilité des ruisseaux traversés par Énergie Est, qui se chiffrent en centaines et dont la plupart sont des affluents de rivières, en raison de
« l’absence de données sur la qualité de l’eau ».

« Il apparaît que les cours d’eau potentiellement traversés par le pipeline prévu au projet Oléoduc Énergie Est au Québec présentent généralement une vulnérabilité élevée de l’habitat des poissons », constatent en outre les chercheurs.

Le rapport insiste d’ailleurs sur la vulnérabilité du fleuve Saint-Laurent, que le pipeline de TransCanada doit traverser de la rive nord à la rive sud, à partir de Saint-Augustin-de-Desmaures, en amont de Québec. « L’aval du fleuve Saint-Laurent est considéré [comme] extrêmement à risque à la suite d’un déversement accidentel », peut-on lire. Ce rapport conclut aussi que « l’un des écosystèmes les plus vulnérables se situe dans l’estuaire du Saint-Laurent, soit en aval des traverses de cours d’eau pressenties pour le projet Oléoduc Énergie Est ».

Par ailleurs, tout déversement accidentel résultant d’un bris dans l’imposant pipeline pourrait avoir des impacts environnementaux majeurs et durables. Ainsi, souligne l’analyse de Polytechnique, « dans le contexte d’une traverse de rivière, il est considéré qu’un déversement accidentel de pétrole est impossible à totalement contenir et nettoyer. Le pétrole pourrait rapidement voyager sur plusieurs kilomètres en aval du bris ou de la rupture ».

« La situation est considérée comme étant encore plus préoccupante dans le cas de rivières à basse température, explique-t-on. Dans ce cas, le pétrole peut perler, ce qui rend plus difficile sa séparation de l’eau et la récupération des toxines contenues dans le pétrole. Il en résulte une plus grande dispersion du pétrole. Une rivière peut alors transporter les contaminants sur une plus grande distance et ainsi affecter les berges et potentiellement se mélanger avec les aquifères souterrains. »

« Le risque nul n’existant pas, certains problèmes peuvent survenir lors de l’exploitation des pipelines. Les incidents impliquant les traverses de pipelines trouvent généralement leur cause après plusieurs années d’opération », souligne enfin le rapport. Les auteurs citent le cas de la rivière Kalamazoo. En 2010, un oléoduc exploité par la pétrolière Enbridge a laissé fuir plus de quatre millions de litres de brut lourd dans cette rivière du Michigan. Le nettoyage a coûté plus d’un milliard de dollars.

Dans le cas d’Énergie Est, comme le pipeline transportera chaque jour 1,1 million de barils de pétrole (400 millions par année), cela signifie que le flot équivaudra à 121 500 barils par minute. Il faudrait une rupture importante pendant plus de 30 minutes pour atteindre la même quantité de pétrole que la rivière Kalamazoo. TransCanada estime toutefois pouvoir stopper toute fuite en un maximum de 13 minutes. Cela signifierait 1,6 million de litres.


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