Le contrat social proposé par le groupe de travail implique que chaque citoyen assume sa part de responsabilité à l'égard de sa propre santé. Il importe de trouver des moyens de rendre les citoyens conscients des coûts du système de santé et des services qu'ils utilisent. La mise en place d'une franchise constituerait une des façons concrètes de favoriser la responsabilisation de chacun des bénéficiaires du système de santé.
Le principe d'une telle franchise est simple à décrire: il s'agirait d'une contribution calculée en fonction des services médicaux reçus dans le cadre du système public de santé. Cette contribution serait perçue auprès des citoyens concernés au moment de la déclaration de revenu -- donc l'année suivant le moment où le service aurait été reçu. La contribution serait perçue par Revenu Québec et versée dans le Fonds de stabilisation dédié à la santé.
Contrairement à un ticket modérateur, dont l'effet est régressif, la franchise est progressive. En effet, le ticket modérateur s'applique à tous -- quel que soit le niveau de revenus -- alors que la franchise est calculée et plafonnée en fonction des revenus des personnes et des familles. La franchise serait donc modulée et plafonnée en fonction du revenu des personnes ou des familles, au-delà d'une exemption de base. [...]
Les familles à faible revenu seraient exemptées du paiement de la franchise. Le groupe de travail propose que le gouvernement utilise à cette fin les seuils d'exemption employés pour le calcul de la prime de l'assurance médicaments. Environ 25 % des familles et des personnes seraient ainsi exemptées du paiement de la franchise. [...]
Un effet orienteur
La franchise devrait être utilisée pour orienter dans le sens souhaité l'utilisation des services médicaux par les citoyens.
- Chaque contribuable recevrait un «T4 Santé», émis par la Régie de l'assurance maladie du Québec. Ce document présenterait les coûts des services médicaux utilisés au cours de l'année par le contribuable. Il indiquerait le montant à inscrire dans la déclaration de revenu.
- Tous les services reçus seraient donc inscrits sur ce formulaire. Seuls ceux visés par la franchise seraient retenus dans le calcul de la franchise, mais le citoyen verrait concrètement le coût total des soins de santé dont il a bénéficié.
- La franchise ne s'appliquerait pas sur tous les soins de santé reçus durant l'année mais seulement sur les coûts des visites médicales, que celles-ci aient lieu en clinique ou en établissement.
- Les actes médicaux retenus aux fins de la franchise seraient déterminés par le gouvernement à partir des avis émis par l'organisme dont le groupe de travail recommande la mise en place, l'Institut national d'excellence en santé.
- Ainsi, les visites médicales concernant les enfants de moins de 18 ans devraient être exclues du calcul de la franchise.
- Il devrait également aller de soi que le bilan de santé annuel effectué en clinique de santé n'entre pas en ligne de compte pour le calcul de la franchise.
- Le coût de chaque visite médicale retenu aux fins du calcul de la franchise devrait varier selon la nature du service ou le lieu de la desserte, ce qui permettrait effectivement d'utiliser l'effet orienteur de la franchise. Le coût moyen d'une visite médicale au Québec s'élève à environ 60 $. Pour le calcul de la franchise, le gouvernement pourrait décider d'imputer un coût moindre pour les visites effectuées dans des cliniques de première ligne et, à l'inverse, de retenir un coût plus élevé lorsque la visite médicale a lieu à l'urgence. Le but recherché serait évidemment d'inciter les citoyens à utiliser les cliniques de première ligne plutôt que l'urgence.
- D'autres modalités de cette nature pourraient être envisagées, avec toujours comme logique d'utiliser la franchise pour orienter les visites médicales dans la direction souhaitée. [...]
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Groupe de travail sur le financement du système de santé
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Il faut adapter la loi canadienne sur la santé
Le groupe de travail a procédé à une réflexion concernant la loi canadienne sur la santé. Il s'agit avant tout d'une loi financière, énonçant certains principes à respecter, à défaut de quoi les provinces sont sanctionnées quant aux transferts fédéraux qu'elles reçoivent au titre de la santé.
Contestée par le gouvernement du Québec, cette loi gêne en fait l'évolution de la définition des systèmes publics de santé des provinces canadiennes. Tôt ou tard, elle devra être adaptée aux réalités d'aujourd'hui.
La loi canadienne sur la santé énonce cinq critères auxquels les régimes des provinces doivent se conformer pour recevoir la participation financière du gouvernement fédéral, soit la gestion publique, l'intégralité, l'universalité, la transférabilité et l'accessibilité.
Lors de son adoption [en 1984], la loi avait pour objectif explicite d'interdire le paiement de contributions par les usagers et la facturation par les médecins d'honoraires, en plus de ceux couverts par les régimes provinciaux. Depuis son adoption, cette loi n'a jamais fait l'objet de modifications significatives.
Une conception désuète
La loi canadienne sur la santé repose, sur le plan du droit constitutionnel, sur le pouvoir général de dépenser que prétend posséder le Parlement canadien. Dès le départ, le Québec s'est opposé à son adoption. Le gouvernement du Québec considère que le système de santé et le régime d'assurance maladie du Québec relèvent de sa compétence exclusive et qu'il lui revient d'exercer lui-même la maîtrise d'oeuvre à l'égard de la planification, de l'organisation et de la gestion des services de santé sur son territoire, et ce, en fonction du cadre législatif et réglementaire du Québec. [...]
La loi canadienne sur la santé s'inspire en fait d'une conception centralisatrice du fédéralisme qui n'a plus sa place aujourd'hui. Selon cette conception, les gouvernements des provinces seraient susceptibles, en l'absence d'un cadre fédéral, d'adopter des mesures contraires aux intérêts de leurs citoyens, ce qui lui donne son caractère excessif. [...]
En s'appuyant sur la loi, le gouvernement fédéral peut réduire et même annuler la contribution fédérale à une province s'il juge qu'il y a eu manquement à un des critères de la loi. Sur le plan juridique, la loi canadienne sur la santé ne confère aux personnes aucun droit dont elles pourraient se prévaloir pour obtenir que leur province de résidence adopte les mesures destinées à leur donner accès aux services de santé qui seraient conformes à la loi canadienne.
De leur côté, les provinces demeurent entièrement libres, sous réserve des droits constitutionnels de leurs citoyens, de légiférer comme elles l'entendent pour tout ce qui est exclu du champ d'application de la loi canadienne sur la santé.
Une loi gênante
Cette loi contestée par le gouvernement du Québec a eu pour effet de gêner toute évolution des systèmes de santé dans les provinces canadiennes. Depuis 1984, les systèmes de santé des provinces ont été étroitement encadrés par l'interprétation aléatoire des cinq critères de la loi fédérale. Au Québec comme dans le reste du Canada, notre système de santé n'a que peu évolué, surtout lorsqu'on le compare aux systèmes de santé de la grande majorité des pays occidentaux. [...]
La loi canadienne sur la santé constitue aujourd'hui une négation de l'évolution des soins de santé à une époque où les médicaments, les soins de première ligne et les soins ambulatoires sont partout reconnus comme des solutions plus efficaces que l'hospitalisation.
Des effets pervers
Les effets pervers découlant de la loi canadienne sur la santé sont nombreux. La loi exige que l'accès aux soins hospitaliers et médicaux ne soit pas obstrué par des obstacles financiers. Elle privilégie ainsi les seuls soins hospitaliers et médicaux par rapport aux autres formes de soins. À l'ère des soins ambulatoires, des soins primaires et du maintien à domicile, la couverture exclusive de l'hospitalisation continue de placer la priorité là où elle ne doit pas être.
L'expérience d'un grand nombre de pays [indique] qu'il est possible de corriger certains profils indésirables de consommation de soins par l'imposition de contributions ciblées, ou tickets orienteurs, payables par les usagers. La loi canadienne sur la santé interdit catégoriquement une telle voie. Pourtant, l'Organisation mondiale de la santé recommande que soient définies les obligations des individus de participer aux frais en contrepartie de leurs droits aux prestations.
Le principe de l'intégralité produit également des effets indésirables. Selon ce principe, un régime provincial doit couvrir tous les services de santé médicalement requis fournis par les hôpitaux et les médecins. Ce principe, tel que défini, ne semble pas permettre la remise en question de l'efficacité de certains de ces soins. Ainsi en est-il de la désassurance ou de l'exclusion de la couverture de certains soins courants pour des affections mineures qui pourraient constituer un moyen tout à fait justifié de réduire les coûts du système et de redéployer les fonds vers des besoins essentiels.
Adapter la loi
La loi canadienne sur la santé sanctionne des orientations à la fois légitimes et souhaitables, alors que l'accent devrait être clairement placé sur l'amélioration de l'accès et de la qualité des soins, la productivité du système, l'utilisation efficace des énormes ressources consacrées à la santé, la motivation du personnel à tous les niveaux et l'innovation.
En voulant protéger l'intégrité des systèmes de santé des provinces conçus il y a plus de 40 ans, cette loi en a freiné l'évolution à tel point que le Canada, dans son ensemble, est à bien des égards en retard en matière de soins de santé par rapport à la plupart des pays. Le groupe de travail est convaincu que les orientations proposées dans son rapport non seulement respectent l'esprit des cinq critères de la loi canadienne sur la santé mais auraient aussi pour effet d'améliorer l'accès et la qualité des soins.
Les dispositions inadaptées et indûment contraignantes de la loi canadienne sur la santé devraient faire place à un cadre souple favorisant l'adaptation des systèmes de santé des provinces, fondé sur le respect de leur compétence en la matière. Le fait que cette loi ait acquis un statut spécial auprès de la population canadienne ne constitue pas un motif valable pour éviter sa modernisation.
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