À Mathieu Bock-Côté. Cher Mathieu, je me suis surprise à partager d’instinct plusieurs de tes opinions sur l’avenir du souverainisme québécois dans ton blogue de vendredi, « Retour au nationalisme : que peuvent faire les indépendantistes ? »
« On a raison de dire, écris-tu, qu’en 2018, le souverainisme québécois s’est effondré, même s’il est probablement entré au même moment dans une dynamique de recomposition qui commence à peine à se laisser deviner. »
Le souverainisme est mort, vive le souverainisme ? Oui. À certaines conditions.
Le « séparatisme » alimenté par un ressentiment postcolonial est mort. « Vive le Québec libre » ne veut plus rien dire après que les Québécois eurent voté non à deux reprises. Et puis, libre de quoi ? La souveraineté du Québec n’est pas interdite par une constitution fédérale qui repose sur « l’unité indissoluble de la nation », comme en Catalogne.
La Cour suprême impose des conditions, mais ce n’est pas impossible.
Pas une nation
Justin Trudeau a rétréci le Canada à une idée obsessionnelle : la diversité. « Le Canada n’a pas d’identité profonde, d’identité commune ou dominante », disait le premier ministre au New York Times. Même les plus fédéralistes parmi les Québécois, et plusieurs Canadiens ont été choqués, heurtés par cette déclaration-choc.
Nul besoin d’un doctorat en histoire pour savoir que le Québec, l’Acadie et la francophonie canadienne constituent les trois premiers piliers de l’édifice canadien, mais au cours des prochaines décennies, les descendants des premiers peuples fondateurs seront de plus en plus marginalisés par l’immigration massive accolée au refus d’Ottawa de valoriser notre histoire commune.
Vous croyez que la majorité des Chinois de Colombie-Britannique et des sikhs du sud de l’Ontario connaissent Samuel de Champlain, fondateur du Canada ?
Voilà un terreau fertile dans lequel un discours souverainiste renouvelé pourrait prendre forme.
Or, il y a un mais, et c’est là, cher Mathieu, que nos opinions divergent. On ne va pas reprendre le débat sur la souveraineté sur les ruines de ce qui l’a fait échouer. La Révolution tranquille, René Lévesque, les vendeuses anglaises chez Eaton’s, les serveuses chez Murray’s, la crise d’octobre, les Patriotes, tout ça, c’est terminé. Les jeunes et les néo-Québécois ne mangent pas de soupane identitaire et l’indépendance ne peut se faire sans eux.
On ne fait pas un pays pour régler les problèmes d’hier, mais pour prendre ceux de demain à bras le corps. L’avenir inspire. Le passé déprime.
Gros bobo
Pour inciter plus de Québécois à sauter dans le train vers le pays du Québec, il faudra trouver mieux que de gratter ad vitam æternam le bobo de la Conquête, d’entretenir la méfiance des Anglais (et de l’anglais) et de perpétuer le mythe que c’est la faute de tout le monde, sauf celle des Québécois, si la souveraineté a échoué.
Je n’ai pas vécu l’échec de l’indépendance puisque j’ai voté non. Mais l’ahurissante déclaration de Justin Trudeau sur l’absence d’une identité nationale a marqué un tournant pour moi.
Il y a des limites à se faire dire que nous n’existons pas.
Le nationalisme victimaire est « out ». Cessons de réclamer réparations pour hier, imposons un demain tout neuf.