Sarkozy à Québec

De Gaulle assassiné

La politique du « ni-ni » a fait place à celle du déni ?

France-Québec : fin du "ni-ni"?

Lettre au citoyen Sarkozy
Monsieur le premier citoyen de France,
Vous admettiez récemment au cours d’une émission-bilan télévisée portant sur votre première année de mandat présidentiel, avoir sans doute « fait des erreurs ». Votre intention annoncée de revoir la politique de la France à l’égard du Québec, est-elle l’une de ces erreurs ?
Votre déclaration d’aujourd’hui faite en conférence de presse à Québec est-elle encore l’une de ces erreurs ? Ne venez-vous pas d’assassiner De Gaulle bien qu’il soit déjà mort une première fois ?

« (...) Et Franchement, s’il y a quelqu’un qui vient me dire que le monde a aujourd’hui besoin d’une division supplémentaire, c’est qu’on n’a pas la même lecture du monde  ». La Presse - 2008 10 17

En ce moment, et contrairement à la France cependant, beaucoup de choses se sont écrites dans les médias du Québec concernant votre désir annoncé de revoir la politique de la France à l’égard du Québec, dans le contexte du contentieux Canada-Québec, tel cet excellent texte publié dans la page Idée du journal Le Devoir du 2008 04 04, et qui en traite sous le titre « Sarkozy abandonnera-t-il le Québec ? » (1). Vous auriez l’intention de « de redéfinir la politique étrangère française envers le Canada et le Québec. C’est du moins ce qu’on peut comprendre de la déclaration de l’ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, grand collaborateur de Nicolas Sarkozy, qui affirme que le président profiterait du douzième Sommet de la Francophonie, à Québec, pour annoncer une réforme importante de la position française dans le dossier des relations Québec-Canada. » ( tel que rapporté par Michel Dolbec dans La Presse du 28 mars dernier )
Le contentieux Canada-Québec n’oppose pas seulement les fédéralistes aux souverainistes. Il oppose l’État du Canada à l’État du Québec, souverainistes, fédéralistes et autonomistes confondus. Mais peut-être que votre ami Desmarais, ne vous l’a-t-il pas présenté comme ça... pour que vous confirmiez aujourd’hui ainsi la validité de nos inquiétudes ? Il faut dire que se ce canadianisateur émérite possède de nombreux actifs, dont La Presse, le plus grand quotidien français d’Amérique, éminemment partisan non seulement dans ses pages éditoriales et d’opinions mais aussi et contrairement à la déontologie journalistique, il l’est dans la présentation de la « nouvelle », partisan du Canada, quel qu’il soit, pourvu qu’il soit comme vous, de droite et fût-il unilatéral et centralisateur.
Ainsi, selon vos aspirations et probablement celles de vos amis québécois, a vécu la politique du « ni-ni » « lancée par le ministre gaulliste Alain Peyrefitte » en 1977 pour réchauffer la relation canado-française passablement refroidie depuis le fameux cri du général de Gaulle lancé dix ans plus tôt sur le balcon de l’Hôtel de Ville de Montréal. Vous avez trouvé aujourd’hui une manière de rompre définitivement avec le tonitruant «  Vive le Québec libre !  » qui a galvanisé les forces souverainistes du Québec de l’époque. La formule de la « Non-ingérence et non-indifférence » (2) , qui tentait, sans renier le Général, de réchauffer le froid Canada, n’est plus de mise à l’heure où le triumvirat conservateur que vous formez avec les premiers ministres du Canada et du Québec, Charest/Harper de la Art-Peur/Sarkozy, tente de resserrer leurs liens sur la scène internationale, Afghanistan compris.
En 1977, dix ans après le cri du général, le PQ ( Parti québécois ) souverainiste de René Lévesque vient tout juste d’accéder à la tête de l’État du Québec et s’apprête à soumettre son projet de «  souveraineté association » aux voix du peuple démocratique et souverain du Québec, par voie de référendum (3). En 2008, le PQ après deux référendums perdus ( 1980, 1995 ), ne voit pas comment relancer son projet, cependant que les conservateurs à Ottawa lancent un ballon d’essai en vue des prochaines élections et tentent de damer le pion au Bloc québécois souverainiste dont la députation du Québec est majoritaire au parlement du Canada à Ottawa, visant à séduire les nationalistes québécois toujours intéressés à ce que la Constitution du Canada reconnaisse enfin l’existence du peuple du Québec et ses revendications historiques.
L’État du peuple souverain
Hors le strict enjeu qui consiste à créer un nouvel État, à être donc source de supposée « division » qui vous afflige, vous venez de valider un État du Canada imposé d’autorité sans jamais consulter nommément le peuple démocratique et souverain du Québec. L’État que vous dirigez et à la tête duquel vous avez été démocratiquement élu, est l’État du peuple de France. Un État démocratique qui est fondé par et sur le peuple démocratique et souverain de France, ce qui distingue cet État-là de l’État du Canada que vous souhaitez aujourd’hui ne pas voir « divisé ». En effet, ce Canada de vos amis québécois, les très fédéralistes Paul Desmarais senior et junior, n’a jamais soumis à l’approbation du peuple souverain du Canada, ( pas plus qu’à celui du Québec d’ailleurs ), l’Acte qui le fonde, le constitue et le gouverne, contrairement à cette Ve République (4) de France que vous présidez et qui a pour légitimité, le fait d’avoir été soumise directement et nommément à l’approbation démocratique et référendaire du peuple souverain de France.
La légitimité de l’État du Canada ne repose que sur le fait d’être l’avatar indigne d’un Empire monarchique de droit divin, ne repose que sur de semblables États autocratiques qui se sont succédés depuis la Conquête et plus récemment ne repose que sur le seul bon vouloir des juges de la Cour Suprême de la Souveraine du Royaume-Uni. Jamais dans cette triste Histoire, l’Empire britannique, qui a pris possession du Québec par les armes, la bombarde et le sang versé, par la Conquête militaire de la Nouvelle-France le tout s’achevant dans la honte par la signature de votre « prédécesseur » Louis XV, au bas du Traité de Paris en 1763, jamais n’a été nommément soumis à l’approbation du peuple souverain, son ordre étatique. Jamais le peuple démocratique et souverain du Québec n’a consenti à tel état de choses, à tel État du Canada. Pire, unanimement, les député(e)s du peuple souverain du Québec réunis dans l’Assemblée nationale, qu’ils et qu’elles soient fédéralistes, souverainistes, ou autonomistes, ont voté une motion s’y opposant et ne reconnaissant pas la validité de telle Constitution de l’État du Canada tel qu’il se trouve à se fonder sur la seule prérogative royale de la Majesté la Reine d’Angleterre Élisabeth II qui a approuvé en 1982, le rapatriement de la Constitution du Canada, jusqu’alors partie de l’Empire britannique.
Cet indigne, illégitime et unilatéral rapatriement sans l’aval du Québec, sans l’aval de l’État du Québec, sans l’approbation du peuple du Québec, à lui seul, mérite que la France, soit du côté du Québec, du côté du peuple du Québec, de l’État du Québec, et non de celui de l’État du Canada. Mérite que la France, que le peuple de France, que la présidence française, n’abandonne pas une deuxième fois le Québec en 2008, l’année du 400e anniversaire de fondation de la Ville de Québec, à l’instar de Louis XV en 1763 qui aurait fait Acte de cession. Comme si un peuple pouvait être objet de cession ! ?
Après une hiver de neige 2007-2008, battant des records anciens qui montrent à quel point nos climats sont paradoxalement déréglés par le réchauffement climatique, à la veille d’un autre hiver, ce réchauffement intempestif de l’État du peuple souverain de France avec l’État de la Souveraine du Canada Élisabeth II que vous venez d’enclencher aujourd’hui, vous fait être l’émule de Voltaire pour qui le peuple de Nouvelle-France n’était irrémédiablement perdu dans « quelques arpents de neige » (5), et vous fait être digne successeur de l’indigne Souverain de France, Louis XV, qui, cédant ses territoires par sa seule signature à l’Angleterre, pensait céder le peuple qui l’habitait.
Un Souverain n’incarne que la souveraineté du peuple. Le Souverain de France Louis XV en abdiquant son devoir premier qui consiste à protéger son peuple contre l’envahisseur, pire, en cédant ses territoires conquis, se trouvait à céder ce qui ne lui appartenait pas. Dès lors, sans Souverain, 39 ans avant la Révolution française, ce peuple de Nouvelle-France s’est en quelque sorte de facto constitué en peuple distinct de celui de France, en peuple souverain du Québec, sans Souverain. Depuis, jamais ce peuple souverain du Québec n’a été démocratiquement et nommément consulté pour qu’il reconnaisse dans le Souverain de l’Empire britannique, le fait qu’il soit l’incarnation personnelle de sa souveraine existence de peuple distinct de tout autre.
Jamais les États qui se sont succédés depuis n’ont soumis nommément à l’approbation démocratique du peuple souverain du Québec, l’Acte qui les fonde, les constitue et les gouverne, à la différence de la République française qui émane du peuple démocratique et souverain de France qui lui, a été appelé à approuvé par référendum l’Acte qui fonde et constitue la Ve République dont vous êtes le premier citoyen.
L’asymétrie constitutionnelle Canada-France-Québec
Cependant, malgré ce défaut évident de légitimité, l’État du Canada se mêle d’exiger en toute asymétrie démocratique par sa honteuse « Loi sur la clarté », que les souverainistes fassent approuver nommément l’Acte qui fonderait, constituerait et gouvernerait l’État souverain du Québec selon telle ou telle règle à sa convenance. Deux poids, deux mesures. C’est ce qu’a compris de Gaulle, c’est ce que comprenaient les tenants de la non-ingérence qui vous ont précédé et ce que comprennent celles et ceux que vos visées inquiétaient et qui sont aujourd’hui confirmées par votre déclaration « sans bon sens » (6).
La France, la Révolution française, la Ve République française, ont été, sont, seront une source d’inspiration partout dans le monde, et plus particulièrement au Québec, à cause de sa devise et des valeurs qu’elle incarne, entre autres celles de votre devise d’État, «  Liberté, égalité, fraternité  ». Ici, la liberté est bafouée, à coup de chantages économiques, politiques, culturels et émotifs, de trafics référendaires et commanditaires, de menaces de représailles. Aucune manipulation n’est écartée pour contrer le destin d’un peuple colonisé qui peine à trouver le moyen de vivre dans la dignité de l’État. L’égalité est bafouée, parce qu’elle est asymétrique, parce que l’État du Canada exige ce à quoi il estime légitime de se soustraire lui-même, à savoir, soumettre nommément aux voix du peuple souverain, sa Constitution.
Quant à la fraternité, dans le blocage politique dans lequel le Québec s’empêtre depuis plus de 30 ans, elle doit pouvoir malgré tout, je vous l’accorde, se vivre entre les peuples souverains et se manifester dans la non-indifférence. Je conçois bien que la France, puisse avoir des relations économiques, financières, politiques, voire guerrières, avec les entreprises, les armées, voire le gouvernement du Canada. Mais cela, sans pour autant renoncer à la logique des États qui impose que l’État du peuple de France ne normalise pas sans réserves ses relations avec un État du Canada tant qu’il ne sera que l’avatar d’un Empire. Tant qu’il n’aura pas nommément et démocratiquement soumis à l’approbation du peuple souverain du Québec, une Constitution qui soit conforme à ses aspirations, à ses droits, à sa simple dignité de peuple, existant, démocratique et partant, souverain. Cela, et réciproquement, comme il sied que la France ne s’engage pas plus avant dans l’appui technique, moral ou autres à la cause de la souveraineté de l’État du Québec, tant que le peuple souverain et démocratique du Québec ne se sera pas prononcé nommément et démocratiquement sur les sujets concernés par son destin politique.
Nous sommes un peuple.
Nous sommes le peuple souverain du Québec
Je veux bien croire que le pragmatisme impose ses lois et milite en faveur de l’actualisation de la politique du « ni-ni », mais faudra-t-il que cela s’impose dans le déni ? Il semble bien que oui. Vous avez choisi le déni de ce que la France, de ce que le peuple de France a de plus cher, à savoir la légitimité démocratique de la Ve République et la stabilité qu’elle a permis d’installer en France.
L’instabilité politique du Québec ne pourra être contrée autrement, dans un sens ou dans l’autre. En attendant, dans le vide constitutionnel qui est notre lot, le néant grâce à vous s’impose dans un double abandon du peuple de France dont vous êtes le premier citoyen.
Nous sommes un peuple. Nous le sommes dans l’être en espérant sortir du néant... du néant de l’État qui nous gouverne. Nous sommes le peuple démocratique, donc souverain du Québec, orphelin, doublement orphelin aujourd’hui. Aucun État n’a soumis à notre approbation l’Acte qui le fonde, le constitue et le gouverne. La France, et par vous, le peuple de France persiste donc à s’abstenir d’en tenir compte, vous êtes le nouveau Louis XV qui le 10 février 1763 a signé le Traité de Paris et cédé ses territoires de Nouvelle-France à l’Angleterre pour récupérer les Antilles et ses coudées franches en Europe. Vous venez donc cette fois de céder à nouveau le peuple que nous sommes au bon vouloir de l’État du Canada dont Élisabeth II est toujours Souveraine... pour vous faciliter la vie... Vous faites à la va vite pressé de rencontrer M. Bush, du peuple souverain du Québec un objet de cession à la prétendue incarnation de la souveraineté du peuple du Québec... la Reine Élisabeth II. Cession, concession, à une réelle-politique dans le reniement, le déni, confirmant doublement l’abandon du peuple souverain du Québec par la France. Est-ce là la réelle politique du peuple souverain de France que vous présidez et qui est dès lors plus qu’un objet dont vous seriez propriétaire, si l’on se fie que convoque votre déclaration d’aujourd’hui ? Franchement je ne le crois pas. Je ne parviens pas à le croire.
Luc Archambault, citoyen du Québec
Note de fin de document ici-bas
- 1 Le Devoir, 2008 04 04 –Idées p. 9 « Sarkozy abandonnera-t-il le Québec ? » par :
Jean-Marie Girier, Titulaire d’un DEA en sciences humaines de l’École normale supérieure de Lyon, l’Institut d’études politiques de Lyon et l’Université Lumière Lyon 2
Marc-André Gosselin, Candidat à la maîtrise en science politique à l’université McGill
Christian Bordeleau, Candidat à la maîtrise en science politique à l’Université de Montréal et directeur des analyses en communication politique chez Intangible Communication
- 2 « 4 septembre 1977 : Alain Peyrefitte est reçu à Québec. Il est le premier ministre français à parler de non-ingérence mais de non-indifférence de la part de son pays » – Wikipédia
- 3 Référendum de 1980 – Wikipédia
- 4 Ve République « Ayant été nommé Président du Conseil le 1er juin 1958, le Général de Gaulle chargea une équipe conduite par Michel Debré (futur premier ministre) de préparer un projet de constitution, approuvé massivement par référendum (environ 80% de oui) le 28 septembre 1958, qui est devenu la Constitution du 4 octobre 1958 souvent appelée Constitution de la Cinquième République. » – Wikipédia
- 5 Voltaire « « Quelques arpents de neige » est l’une des citations de Voltaire par lesquelles celui-ci exprimait son évaluation dépréciative de la valeur économique du Canada et, par extension, de la Nouvelle-France, en tant que colonie au XVIIIe siècle. Parce qu’elle exprime de façon concise une vision caricaturale qui avait cours en certains milieux de la France métropolitaine de l’époque, cette expression s’est intégrée à la culture populaire canadienne et elle est régulièrement citée par les Canadiens. » – Wikipédia
- 6 « Un pays sans bon sens », Film de Pierre Perreault ONF-Office national du film


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    18 octobre 2008

    Sarkosy fréquente les milliardaires et tente subrepticement de bâtir une ploutocratie européenne chapeautant les peuples qu'il plieraient aux dictats d'un étrat central manipulateur. Malgré le référendum négatif, il continue de manipuler les textes de Maeestrick pour , avec quelques synonymes, passer outre au verdict populaire. Un internationaliste capitaliste rusé, il voit également le Québec disparu dans un grand tout. mais dit de manière subtile. Je m'attendais à quelque chose du genre. Impromptu, européen et mondialiste plus que français auquels il fait la leçon entre deux divorces, il fait un peu autoritaire. Mais enfin pourquoi vient-il s,immicer dans les affaires du Canada et du Québec? Pour rédéculiser lle sommet de la francophonie qu'il boude? Bizarre ce président qui ne semblait pas vouloir venir rencontrer les peuples de la francophonie. Les référendums ne valent rien pour lui. Le UK a bien fait de ne pas se fier davantage à une machine antidémocratique capable d'opposer les intérêts de peuples contre d'autres à l'intérieur d'un grand ensemble pour faire trancher alors en faveur des intérêts capitalistes. Français, ne centralisez pas davantage si vous ne voulez pas goûter à notre médecine canadian.