Course à la chefferie au PQ: Martine Ouellet prend l’offensive

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«Le leadership, ce n’est pas de suivre les sondages, c’est de les faire changer»





Bon. C’est fait. La glace est brisée. Après une course à la chefferie plutôt invisible cet été - la deuxième d’affilée en un an -, le premier débat «officiel» entre les quatre candidats restants avait lieu ce mardi à l’Université de Montréal.


La salle était comble et l’humidité du jour suintait presque des murs. Les quatre prétendants à la succession de Pierre Karl Péladeau y ont donc croisé le fer ce mardi midi. D’autres débats publics suivront d’ici l’annonce de la ou du vainqueur, le 7 octobre prochain.


Comme premier débat officiel, les candidats «testaient» surtout leurs lignes d’attaque en prévision des prochains.


Et lorsque j’utilise le mot «attaque», c’est bien entendu dans son sens métaphorique. Après tout, sans désaccords, il n’y a pas de débats.


Sur la plupart des thèmes abordés, dont l’éducation, au-delà de quelques différends à la marge, les «convergences» d’idées entre Martine Ouellet, Alexandre Cloutier, Jean-François Lisée et Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) étaient plutôt nombreuses.


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Prochain programme électoral


En fait, sur plusieurs thèmes, le Parti québécois pourrait aisément aligner les propositions des quatre candidats et en faire un programme électoral passablement social-démocrate et imaginatif.


Fait aussi à noter, trois des candidats – Ouellet, Cloutier et Lisée -, ayant été ministres au sein de l’éphémère gouvernement Marois, chacun traîne ses propres casseroles.


Traduction : chacun doit aujourd’hui défendre ses propres contradictions au moment où ils prennent des positions autres que celles qu’ils avaient approuvées au gouvernement par solidarité ministérielle obligée.


Ainsi, on peut s’attendre à ce que dans les débats à venir, lorsque les questions «identitaires» seront abordées, ces trois candidats seront également aux prises avec leur appui passé de la controversée «charte des valeurs».


Chose que le dernier candidat en lice, PPSP, lui-même un ex-orphelin politique et un non élu, prendra sûrement plaisir à leur rappeler.


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Traîner les casseroles de Mme Marois


Ce mardi, il était donc étonnant d’entendre Martine Ouellet s’en prendre à Alexandre Cloutier dans le dossier controversé du pétrole d’Anticosti alors que sous Pauline Marois, Mme Ouellet était elle-même ministre des Ressources naturelles.


Et que, par conséquent, elle avait dû transiger avec le parti-pris pro-pétrole évident de sa première ministre. Tout comme l’ont fait messieurs Lisée et Cloutier et les autres membres du conseil des ministres.


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Une pour, trois contre


Cela dit – et ça ne surprendra personne -, c’est sur la question de la souveraineté que les candidats se démarquent le plus les uns des autres. Une question qui, au Parti québécois, est bien évidemment centrale puisqu’elle constitue, du moins officiellement, sa raison d’être politique.


Sur le sujet, étant la seule des quatre à proposer un référendum au premier mandat si le PQ obtenait une majorité de sièges en 2018 – un très gros «si» pour tous les candidats -, Martine Ouellet a définitivement pris l’offensive.


Cet engagement étant en effet le principal élément la distinguant de ses trois adversaires.


Également troisième dans les sondages, sur le plan strictement tactique, Mme Ouellet doit aussi marquer des points. D’où son choix de confronter directement les autres candidats sur ce terrain névralgique..


Ce qui nous amène, sur le plan strictement analytique, à se pencher plus sérieusement sur les positions des candidats sur cette même question.


Pour Martine Ouellet, encore une fois, sa proposition est claire. Inspirée de celle de Jacques Parizeau à l’élection de 1994, les membres du parti pourront certes être pour ou contre, mais ils ne pourront pas lui trouver de «contradictions» inhérentes.


Elle a également pris l’offensive en tentant de définir ses adversaires comme étant tous des «provincialistes». Une tactique qui, fort possiblement, risque d’être peu appréciée par les militants des trois autres camps. Lorsqu’on cherche à élargir ses appuis, de laisser entendre ainsi que les trois autres candidats seraient peut-être moins souverainistes qu’elle n’est peut-être pas l’approche la plus sage.


Elle a toutefois marqué des points lorsqu’elle a déclaré ceci : «le leadership, ce n’est pas de suivre les sondages, c’est de les faire changer».


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Martine Ouellet reprend la plateforme de Hivon


Ayant aussi annoncé qu’elle adoptait le «programme» de Véronique Hivon – laquelle s’est retirée de la course pour des raisons de santé -, Mme Ouellet se présentait d'ailleurs déjà comme la candidate de la «convergence» des forces souverainistes. Tout comme le faisait aussi Mme Hivon. En cela, elle se distingue également de ses trois adversaires.


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Alexandre Cloutier et l’entonnoir


Pour ce qui est du meneur de la course, Alexandre Cloutier, sa position n’est pas sans failles, ni contradictions.


Il propose en effet de prendre position sur le référendum – oui ou non dans un premier mandat -, mais seulement six mois avant l’élection du 1er octobre 2018. Donc, on présume, quelque part au printemps 2018.


En attendant, s’il devient chef, il mènerait huit chantiers sur l’indépendance,  plancherait sur  un document majeur sur ce que serait un Québec souverain, etc.


Au débat de mardi, M. Cloutier décrivait sa démarche en ses termes : «c’est la démarche écossaise, à visière levée».


Or, en Écosse, la différence majeure était que la «démarche» en question venait aussi avec l’engagement de tenir un référendum sur l’indépendance. Ce que M. Cloutier ne fait pas.


Plus complexe encore pour lui – et son parti, s’il en devient chef -, est l’effet d’entonnoir dans lequel il risque fort de s’engouffrer.


En déclenchant des chantiers sur l’indépendance dès son élection comme chef, si tel est le cas – sans compter toutes ses autres initiatives similaires prévues -, qu’arrivera-t-il si, à six mois de l’élection de 2018, M. Cloutier décide néanmoins que le PQ ne s’engagera pas à tenir un référendum dans un premier mandat ?


Et comment le décidera-t-il ? Sur quels critères se basera-t-il ? Comment entend-il consulter les membres du PQ sur une décision aussi déterminante ?


Que dira-t-il ? Qu’il a échoué dans sa tentative de mobiliser les Québécois ? Comme tremplin pré-électoral, disons que ce serait plutôt faible.


Qui plus est, que fera-t-il du prochain congrès du Parti québécois prévu pour 2017 ? Lequel, doit normalement accoucher d’un nouveau programme – y compris, son fameux «article 1» sur l’indépendance ?


Que dira M. Cloutier à ses membres lors du congrès ? Leur dira-t-il d’attendre 2018 avant de statuer sur l’article 1 ?


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Le boomerang de M. Lisée


Quant à Jean-François Lisée, s’il devient chef, il propose d’aller en élection sur une position claire et opposée à celle de Martine Ouellet.


Soit, pas de référendum dans un premier mandat, ni «démarche souverainiste de gouvernement», ni fonds publics pour promouvoir l’option du Parti québécois, ni convergence avec les autres partis souverainistes – du moins, au mieux, pas avant 2022.

Au débat, entre autres arguments, M. Lisée avançait que les libéraux seraient trop heureux de voir le PQ promettre un référendum à l’élection de 2018 puisqu’ils pourraient le retourner contre lui puisque, répète-t-il souvent, les Québécois ne «veulent pas» d'un référendum.


Donc, pour «battre les libéraux», un PQ sous sa direction, déléguerait la promotion de son option à ses militants sans y investir de fonds publics. Et ce, même s’il est au pouvoir.


Or, M. Lisée propose aussi de remettre à un deuxième mandat péquiste l’engagement à tenir un référendum. Comme effet d’entonnoir politique, il rivalise ici avec Alexandre Cloutier.


Plus qu’un entonnoir, c’est surtout à un effet boomerang qu’une tel plan de match risquerait de soumettre le Parti québécois.


Même s’il la présente comme étant la plus «réaliste» du lot, sa proposition suppose en effet trois éléments qui, dans les faits, la plombent dès le départ.


De un, dans la mesure où M. Lisée promettrait quand même un référendum pour un second mandat, le PLQ ferait de toute évidence campagne contre ce référendum simplement différé dans le temps. Ce faisant, le gouvernement Couillard lui retournerait sa propre proposition tel un boomerang.


De deux, les électeurs qui ne sont pas souverainistes et/ou qui ne veulent pas de référendum sous aucune condition, ne seraient certes pas suffisamment naïfs pour lui donner un premier mandat pouvant possiblement paver la voie à un deuxième.


De trois, supposer un premier mandat péquiste «parfait» avec zéro controverse, zéro mauvaise politique et zéro erreurs, est fort présomptueux de sa part. En d’autres termes, dès que le PQ aurait un premier mandat derrière la cravate, la simple idée de lui en confier un deuxième avec un mandat référendaire comporte en soi un risque politique certain.


S’il était encore vivant, René Lévesque pourrait d’ailleurs en dire long sur sa propre erreur commise en 1980 lorsqu’il avait repoussés la tenue du référendum promis à la fin, ou presque, de son premier mandat. Après presque quatre ans au pouvoir, la question de l’indépendance se confondait aussi avec celle de sa propre gouverne. Alors, imaginez attendre un autre mandat...


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Le registre de PSPP


Quant  à Paul St-Pierre Plamondon, bon dernier dans les sondages, tout comme M. Lisée, il propose de ne pas s’engager à tenir un référendum. À moins que 1,2 million de Québécois, après l’élection d’un gouvernement péquiste, aient signé un registre pour le lui demander et qu’un sondage commandé par l’État ait montré qu’au moins 45% des électeurs voteraient «Oui». Vaste programme...


La première faiblesse de sa proposition étant celle-ci :


Dans notre système parlementaire, les partis politiques se présentent aux électeurs armés, chacun, d’une plateforme électorale. Cette plateforme constitue le «mandat» qu’ils sollicitent des électeurs.


Lorsqu’un parti remporte suffisamment de sièges pour former le gouvernement, il est élu sur la base de ce même mandat. C’est là qu’il puise la légitimité de ses actions et de ses politiques publiques. Nul besoin de registre supplémentaire pour le faire.


En 1994, Jacques Parizeau et le Parti québécois avaient ainsi sollicité le mandat, clair et explicite, de tenir un référendum rapide. Ce qu’ils ont fait une fois élus au gouvernement. Point.


La deuxième faiblesse de la proposition est de se baser également sur un sondage pour prendre une décision aussi importante.


Or, comme je l’ai déjà expliqué ici, non seulement les sondages sont-ils changeants par leur nature même – l’opinion publique, après tout, n’est pas une statue coulée dans le ciment -, il faut surtout comprendre que «les victoires ou les défaites garanties d'avance, ça n'existe pas. À moins d'être en déni ou de chercher un prétexte à ne rien faire.»


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Cloutier vs Lisée


Selon le dernier sondage Léger/Le Journal/Le Devoir, Alexandre Cloutier mènerait toujours auprès des «sympathisants» péquistes, mais pendant l’été, Jean-François Lisée et Martine Ouellet auraient tous deux fait des gains notables.

Même si les sondages ne sont pas menés auprès des membres habilités à voter pour le prochain chef, mais auprès de «sympathisants» péquistes, ils indiquent néanmoins quelques tendances. L’approche prise par Alexandre Cloutier au débat de ce mardi tendrait d’ailleurs à le confirmer.


M. Cloutier s’en est en effet pris à Jean-François Lisée en soulignant certaines de ses positions contradictoires prises au cours des dernières années.


En qualifiant M. Lisée avec ironie de «machine à idées», il ne s’est pas privé de rappeler aux militants qu’à force d’en avoir autant, il finit par se prendre les  pieds dans le tapis de ses propres contradictions.


Ce qui, dans les faits, constitue le véritable talon d’Achille de M. Lisée.


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Les débats changent-ils quelque chose ?


Les désaccords sont maintenant sur la table. Dans les prochains débats, d’autres surgiront, c’est certain. Et normal.


C'est toutefois sur l'option centrale du Parti québécois que les candidats se collatailleront le plus durement.


En cela, bien au-delà des personnalités en lice ou de leurs talents variables de «communicateurs»,  le choix du prochain chef par les membres du PQ sera avant tout un choix déterminant d'orientation sur la raison d'être même de leur parti. 


On dit souvent que dans les courses à la chefferie, tous partis confondus, les débats n’ont que très peu d’incidence sur le résultat final.


Ce qui est vrai, il faut le dire,mais seulement lorsqu’un candidat, pour toutes sortes de raisons, se détache fortement du lot dès le début.


Lorsqu'une course se corse un peu plus, les débats peuvent toutefois avoir une certaine influence. Imprévisible, par définition.


La question ici étant: la présente course au PQ se corse-t-elle vraiment? Ou les dés sont-ils en quelque sorte pipés depuis son lancement par le choix amplement connu de l'establishment?


Réponse de dernière heure: on dirait bien qu'elle se corse en effet. Sur son fil twitter, ma collègue Geneviève Lajoie venant tout juste de rapporter qu'aujourd'hui, 15h00, quatre députés appuieront dorénavant la candidature de Jean-François Lisée. Pour ce dernier, ce seront ses premiers appuis au sein même du caucus péquiste.


Bref, c’est à suivre...



 




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