Charte: les opposants sur un pied d’alerte

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Les enragés

Motivés par la sortie controversée de Janette Bertrand pour la charte de la laïcité, les opposants à ce projet phare du gouvernement Marois redoublent d’ardeur pour faire sortir le vote.

La charte de la laïcité, reléguée à l’arrière-plan au cours des dernières semaines, est redevenue un enjeu central du scrutin de lundi. Sans faire de bruit, les groupes opposés à la charte se mobilisent comme jamais auparavant pour motiver leurs membres à aller voter. Ce mot d’ordre risque de renforcer les appuis au Parti libéral du Québec (PLQ), indiquent nos sources, même si les opposants à la charte se gardent d’appuyer publiquement un parti.

« Nous n’avons pas été épargnés par les débats publics décevants entourant la controversée charte des valeurs québécoises proposée par le gouvernement que dirige le Parti québécois », indique un courriel interne de la Fédération CJA, l’organisation qui représente les communautés juives de Montréal, obtenu par Le Devoir.

« Nous encourageons les membres de la communauté à faire tout leur possible, le jour des élections, pour aller voter pour le parti de leur choix. Même dans les circonscriptions qui semblent gagnées d’avance, les bulletins ont tous leur importance, car le financement des partis politiques est calculé au prorata du nombre de votes reçus à l’élection précédente. […] En ces jours qui précèdent l’élection, jouez un rôle actif dans notre démocratie et encouragez ceux qui vous entourent à s’exprimer », ajoute le message signé par Susan Laxer, présidente, et Deborah Corber, chef de la direction de la Fédération CJA.

Le Parti québécois misait sur la charte de la laïcité pour faire le plein de votes chez les francophones dans les régions du Québec, en début de campagne. L’irruption de Pierre Karl Péladeau dans la caravane péquiste, le poing brandi en guise d’appui au « pays », a cependant mis le PQ sur la défensive. Des électeurs qui ne veulent pas d’un référendum — qui sont majoritaires — ont déserté le PQ. Depuis, la méfiance semble s’être installée envers le programme identitaire du Parti québécois.

Mercredi, Pauline Marois a dû préciser que personne ne perdrait son emploi bien que la charte interdirait le port de signes religieux ostentatoires aux employés de l’État et d’organisations subventionnées par le gouvernement. En entrevue au 98,5 FM avec Paul Arcand, Mme Marois a indiqué qu’une fois la charte de la laïcité adoptée, l’État pourrait aider un employé du secteur public qui persisterait à vouloir porter un signe religieux ostentatoire à se trouver un autre poste dans le secteur privé.

Congédier des gens, « ce n’est pas notre intention », a répété la chef péquiste. Des phases de transition sont déjà prévues, allant jusqu’à quatre ans dans le réseau de santé, par exemple. Pauline Marois a dit qu’elle était prête à envisager « un prolongement » de cette phase de transition.

Dérapages « xénophobes »

Ces précisions sont loin d’avoir rassuré le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CCRJI). Le Centre condamne le refus de Pauline Marois de prendre ses distances des propos jugés « xénophobes » de la candidate péquiste Louise Mailloux et de Janette Bertrand, venue en renfort de la chef péquiste. Mme Mailloux a dénoncé la soi-disant « taxe cachère », qui augmenterait le prix des aliments, et a décrit la circoncision des juifs et des catholiques comme un « viol ». Quant à Janette Bertrand, elle a laissé entendre sans aucune preuve que les « riches étudiants [musulmans] de McGill » refusent de se baigner dans la même piscine que des femmes.

Le débat sur la charte de la laïcité a ouvert la porte à ce genre de propos « xénophobes », croit Luciano Del Negro, vice-président du CCRJI. « La communauté juive a vécu la charte quasiment comme une remise en question du vouloir vivre ensemble au Québec », dit-il.

La charte est devenue l’enjeu central de la campagne, selon lui. « Les gens sont très motivés à aller voter », dit le représentant de la communauté juive. Il note que plus de 8000 citoyens (environ 15 % des électeurs inscrits) ont voté par anticipation dans la circonscription de D’Arcy-McGee, dans l’ouest de Montréal, où les trois quarts de la population ont une langue maternelle autre que le français.

« La charte est l’enjeu principal du scrutin. Si t’es contre la charte, il faut aller voter », affirme de son côté Sylvia Martin-Laforge, directrice générale du Quebec Community Groups Network, qui regroupe 41 organisations anglophones. Le groupe, qui est non partisan, mène une campagne sur les réseaux sociaux pour inciter les gens à aller voter.

Mme Martin-Laforge estime que la charte de la laïcité motive ses membres à aller voter encore plus que la possibilité d’un référendum sur la souveraineté du Québec.

« Il y a aussi de l’opposition à la charte chez les francophones, à Montréal et à l’extérieur de Montréal », dit Laurent Deslauriers, porte-parole du groupe Québec inclusif, formé dans la foulée de l’annonce du projet de charte par le ministre Bernard Drainville, l’automne dernier. Il estime que les 27 743 signataires du Manifeste pour un Québec inclusif considèrent la charte de la laïcité comme un élément important du programme péquiste, mais ne peut dire dans quelle mesure cela affectera le scrutin. « Les enjeux sont multiples et variés dans une élection générale », dit-il.

Avec Robert Dutrisac


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