Québec -- Insatisfait des réponses de l'ADQ sur l'immigration et vexé que M. Dumont n'ait pas cru bon de répondre personnellement à ses attaques de dimanche, le premier ministre Jean Charest a sommé le chef adéquiste de s'expliquer sur cette question, hier, lors d'un point de presse à la veille du lancement de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables.
«M. Dumont est un spécialiste du langage codé», a déclaré M. Charest lorsque Le Devoir lui a clairement demandé s'il croyait M. Dumont xénophobe. «Quand on met les morceaux les uns à côté des autres, on finit par comprendre ou interpréter ce qu'il veut dire», a-t-il répondu. Selon le premier ministre, le chef adéquiste fait «des déclarations qui prêtent à interprétation». Or, il ne dirige plus un tiers parti, a-t-il fait remarquer, mais il est devenu chef de l'opposition officielle, et son opinion a du poids. «Ce n'est pas vrai qu'on peut dire n'importe quoi en politique sans que personne ne pose des questions [...] Il ne doit pas s'attendre à ce que les autres autour de lui se taisent, au contraire. Qu'il s'explique!»
Rappelons que dimanche, à La Pocatière, le chef libéral avait dénoncé des propos tenus par [M. Dumont lors d'un entretien au journal La Presse->8160]. Au sens du chef adéquiste, le Québec aurait «atteint la limite de sa capacité d'accueil d'immigrants». M. Charest a dénoncé ces propos et a affirmé qu'au contraire, la société québécoise est «suffisamment forte» pour en accueillir davantage. D'ailleurs, M. Charest a annoncé dimanche le début de négociation avec la France pour définir une «entente globale» qui permettrait la reconnaissance réciproque de toutes les compétences. Ainsi, un médecin en France pourrait être médecin au Québec et vice versa.
À la défense de son chef
En matinée hier, c'est un des ténors adéquistes, le leader parlementaire Sébastien Proulx, qui est venu à la défense de son chef. Le bureau de M. Dumont a expliqué que ce dernier passait la journée avec sa famille à Riviève-du-Loup, hier, et n'avait donc aucune activité publique. «Mais il n'est pas en congé», a ajouté son attaché de presse de façon énigmatique.
«Pourquoi il ne s'explique pas aujourd'hui?», s'est questionné M. Charest hier. Dans l'entourage de M. Charest, on ne comprenait pas que l'ADQ ait envoyé un lieutenant pour répondre à des questions sur un sujet aussi névralgique, à quelques heures du début des travaux de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables. À la blague, un élu libéral présent au Hilton (où M. Charest prononçait un discours devant les membres du Council of State Governments) a lancé: «Il est peut-être chez Léo Kolber!» (M. Kolber est ce sénateur à la retraite de Montréal, chez qui M. Dumont avait soupé le soir de la crise budgétaire à Québec, le 31 mai. Une absence qui lui a été vertement reprochée.)
Propos indignes
Quant à M. Proulx, il a jugé que les critiques de M. Charest ne résistent pas à l'analyse et sont indignes de la fonction qu'il occupe: «c'est totalement faux, ça m'apparaît grossier de la part du premier ministre». Ce dernier, estime M. Proulx, a déformé les propos du chef adéquiste. «Ceux qui le connaissent le savent: c'est quelqu'un qui est pour l'intégration, c'est quelqu'un qui veut une intégration responsable, qui veut une intégration équilibrée», a déclaré M. Proulx. Jamais selon lui M. Dumont n'a voulu «mettre un frein à l'immigration pour fermer les frontières de quelconque façon». Le chef adéquiste a voulu simplement souligner que les libéraux, depuis 2003, avaient fait d'importantes compressions dans l'appareil d'intégration québécois, notamment les services à la francisation. Aux yeux de M. Proulx, si l'on continue d'accroître le nombre d'immigrants sans se donner les «outils» pour bien les intégrer, Québec va rendre plus aigus encore les problèmes et tensions qui ont été à la source de la crise des accommodements raisonnables. «Sûrement que M. Dumont fait peur à M. Charest parce que M. Dumont a des idées, M. Dumont les tient debout.»
Par ailleurs, M. Proulx estime que l'idée de M. Charest de conclure un accord de reconnaissance réciproque des compétences professionnelles avec la France est «intéressante», mais pourrait engendrer certains problèmes, notamment une fuite des cerveaux québécois. Ce commentaire a suscité une réplique cinglante du premier ministre pour qui la «mathématique» est assez simple. «Il y a 60 millions d'habitants en France, 7,2 millions au Québec» et le Québec ne risque pas gros sur le plan du bilan migratoire. «Ajoutez ça aux remarques sur l'immigration, les accommodements raisonnables et le reste. Ça vous donne une idée de ce que pense l'ADQ de la société québécoise», a lancé le premier ministre, l'air dépité.
Dumont réagira aujourd'hui
Le chef de l'opposition devrait réagir aujourd'hui aux propos du premier ministre, a fait savoir son entourage en fin de journée hier. Quant à la commission Bouchard-Taylor (ou plutôt la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles (CCPARDC)), elle révélera aujourd'hui à 10 heures au Monument-National le calendrier complet de ses audiences publiques et les «outils de participation créés pour la consultation». Selon nos sources, MM. Taylor et Bouchard ont réuni un important groupe d'experts et d'intellectuels, parmi lesquels le philosophe Daniel Weinstock et la sociologue Marie McAndrew, titulaire de la Chaire en relations ethniques de l'Université de Montréal.
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