Il y a un an aujourd'hui, le premier ministre Jean Charest, fatigué et aigri, affrontait l'électorat, à la tête d'un gouvernement miné par des années de mauvaises décisions et de reculs qui sonnaient presque comme un refrain: écoles juives-Mont Orford-Suroît-alouette
On connaît la suite: le Parti libéral allait survivre de peine et de misère, sauvant juste assez de sièges pour devenir le premier gouvernement minoritaire de l'histoire moderne du Québec.
Les jours de Jean Charest étaient comptés et Mario Dumont, nouveau chef de l'opposition officielle, n'attendait que le bon moment, très prochain, pour le pousser en bas de son fauteuil.
Quant au PQ, il se préparait à vivre un nouveau changement de chef et une longue traversée du désert.
On efface tout et on recommence, ça ne s'est pas passé tout à fait comme cela.
Première constatation, un an plus tard, Jean Charest, sur qui tout collait, semble s'être couvert d'une bonne couche de téflon au cours des derniers mois. Les écoles juives-le mont Orford-le Suroît-alouette, c'est du passé, on n"en parle plus, comme si les électeurs avaient tourné la page. Comme s'ils avaient puni le chef libéral en ne lui laissant qu'un gouvernement minoritaire.
Que l'on ne parle plus des taches du premier mandat, cela s'explique, après tout, on a remis le compteur à zéro dans un tout nouveau contexte, le 26 mars 2007. Ce qui étonne, toutefois, c'est que ce mal aimé de Jean Charest semble jouir maintenant d'un bénéfice du doute, d'une forme de lune de miel à retardement en quelque sorte. Bon, sans parler de lune de miel - après tout, ce n'est pas encore l'amour entre les Québécois et leur premier ministre - M. Charest jouit cette fois d'une tolérance beaucoup plus grande de la part de ses concitoyens.
Prenez le dernier mois: son indemnité salariale et les explications douteuses de l'ancien directeur général du PLQ, la "crise" linguistique balayée sous le tapis par les militants libéraux en conseil général, son ami d'enfance, Bruno Fortier, congédié de son poste de délégué du Québec à New York pour raison de "chaos administratif", un autre ami du Parti libéral, Marc A. Fortier, qui menait grand train à la Société immobilière du Québec (SIQ) aux frais des contribuables, la gabegie à la SODEC Bref, en un mois, il s'est passé plus de choses, et surtout des choses plus troublantes, que dans tout le premier mandat. Pourtant, Jean Charest s'en sort à peu près indemne.
Comment expliquer cela? Par des changements dans la façon d'opérer de Jean Charest, sans aucun doute, notamment cette excellente décision de gouverner avec un cabinet minceur.
Par une nouvelle attitude du premier ministre aussi, plus souriant, plus détendu, moins sur la défensive. Ça ne peut pas nuire. J'ai déjà écrit, et je persiste, d'autant plus que c'est de circonstance: Jean Charest est comme Alexis Kovalev, c'est un des meilleurs de sa génération, mais seulement quand ça lui tente.
Par cette stratégie pas très courageuse, mais néanmoins efficace de repousser les dossiers les plus chauds, comme les rapports Castonguay et Pronovost ou d'y aller du bout des doigts sur la langue ou les personnes âgées. Rien de très audacieux, mais pas de gaffe majeure non plus, ce qui en soi est une nette amélioration avec le premier mandat.
Donnons à Charest II ce qui lui revient: il fait mieux, il est mieux entouré, il contrôle maintenant son message.
Cela dit, le meilleur allié de Jean Charest pour le moment ne siège pas dans son cabinet, il n'est pas dans son parti ni dans son entourage. Il est assis en face de lui à l'Assemblée nationale, dans le fauteuil du chef de l'opposition officielle.
Suffit de regarder, depuis un an, l'évolution des réponses dans les sondages à la question "quel chef ferait le meilleur premier ministre" pour constater que Jean Charest profite de la dégringolade de Mario Dumont.
Arrivé aux portes du pouvoir au terme d'une soirée électorale électrisante, il y a un an ce soir, l'ADQ ne cesse de s'en éloigner depuis, au point de traîner maintenant en troisième place derrière le Parti québécois. L'ADQ, c'est clair, a été desservie par son inexpérience.
Par ailleurs, les libéraux ont aussi profité du désarroi chez les péquistes pendant les six premiers mois de leur mandat.
Jean Charest aurait toutefois tort de se reposer sur ses lauriers. Les choses, pardonnez le cliché, changent vite en politique.
Depuis un an, les deux adversaires des libéraux étaient davantage préoccupés à régler leurs problèmes - de croissance à l'ADQ, de leadership et d'option au PQ - que de jouer les chiens de garde du gouvernement. Les ajustements terminés, les trois véhicules sont maintenant prêts à entreprendre la deuxième année et la distance qui les sépare reste très mince.
Prochaine course sur le circuit accidenté des accommodements raisonnables, d'ici l'été, le terrain de prédilection des deux partis d'opposition. Les libéraux pensent qu'une conduite prudente leur permettra de se faufiler entre les dérapages du PQ et de l'ADQ.
Après un an de gouvernement minoritaire qui devait les achever, les libéraux retrouvent confiance. Assez en tout cas pour que certains parlent ouvertement de la possibilité pour Jean Charest de déclencher des élections dès l'automne prochain si les astres lui sont favorables.
Avant d'aller plus loin, on attend cependant les résultats de la prochaine élection partielle dans Bourget (qui devrait être déclenchée dans deux semaines) pour mesurer les progrès accomplis à Montréal.
Sage précaution.
Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca
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