Crise de confiance envers le Plan Nord

Industriels et écologistes se méfient des priorités de Québec

Plan nord




Le Plan Nord du gouvernement Charest vit une crise de confiance, autant de la part de ceux qui appuient son Plan Nord que des écologistes qui entretiennent des doutes majeurs sur la manière de le concevoir et de le gérer.
Lors de la consultation publique d'hier soir à Montréal, qui devait clore les deux mois de tournée provinciale du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), le Conseil patronal de l'environnement du Québec a dit craindre que le ministère mette trop l'accent à déterminer les zones écologiques sensibles pour les protéger avant d'avoir établi tout le potentiel économique qu'on pourrait y exploiter. Pour la présidente du CPEQ, Hélène Lauzon, ce projet fait preuve de «vision» même s'il prévoit «soustraire arbitrairement» les zones sensibles aux industriels des mines, de la forêt et de l'énergie.
Les écologistes présents craignent exactement le contraire. À leur avis, Québec laisse les forces économiques s'installer en priorité là où elles le veulent, les laisse dicter leurs priorités de développement, qu'il s'agisse de mines ou de forces hydrauliques notamment, pour finalement protéger ce qui restera. Comme on a toujours fait dans le sud du Québec.
Quant au titulaire ministériel du MDDEP, Pierre Arcand, tout en soutenant chercher un «équilibre» entre la protection de l'environnement, les impératifs économiques et sociaux, il a clairement attisé les craintes des écologistes. Il précise avoir demandé à Hydro-Québec quels sont ses plans afin de ne pas se retrouver avec des projets de barrage dans des aires protégées nouvellement créées. Et les travaux d'inventaires des autres ressources se poursuivent, a-t-il dit, en même temps que s'élabore la stratégie de protection gouvernementale.
Ce qui a fait dire à Nicolas Mainville, de Greenpeace, que Québec procède à l'envers des véritables modèles de développement durable: ce qu'il faut, a-t-il dit, «c'est de protéger ce qui est précieux et de développer autour ensuite».
Devant l'évolution du dossier, Greenpeace réclame un «gel de tout projet de développement industriel» dans le cadre du Plan Nord, lequel devrait «être mis au rancart jusqu'à ce qu'une stratégie de conservation soit mise en place». Greenpeace réclame que le gouvernement Charest respecte sa promesse de protéger véritablement 50 % des territoires nordiques et que dans ces aires protégées, aucune activité industrielle ne puisse s'y tenir, pour qu'elles correspondent aux normes internationales. Et le choix des aires protégées devrait se faire en priorisant les zones les plus menacées ou les plus sensibles de cette région afin d'en préserver les principaux écosystèmes.
Le porte-parole de Greenpeace a d'ailleurs évoqué la «campagne à la sauce verte» que mènerait présentement le premier ministre Charest en Europe pour «vendre» les ressources nordiques. Greenpeace a laissé entendre que sa section québécoise pourrait bien mobiliser ses forces européennes pour désamorcer ce que Nicolas Mainville qualifie de «désinformation» gouvernementale.
Mais pour le ministre Arcand, la réalité qu'on lui a exprimée en région est différente: le ministre dit avoir entendu des syndicats, des maires et des entreprises lui dire que ses projets de classification écologique pouvaient véritablement compromettre des secteurs économiques vitaux et des emplois dans ces régions éloignées, des préoccupations difficiles à arrimer avec les préoccupations des écologistes.
Glissement de sens
De leur côté, la Société pour la nature et les parcs du Québec (SNAP) et Nature Québec ont qualifié le Plan Nord dans sa version actuelle de «poudre aux yeux». Chiffres à l'appui, ils démontrent que Québec n'entend protéger par un statut d'aires protégées que 12 % de cet immense territoire, laissant le reste ouvert aux promoteurs, soit 88 % au lieu des 50 % initialement concédés aux industriels.
Québec confirme que c'est effectivement son intention, mais qu'il entend ajouter d'ici 2020 des «réserves de terres du capital nature». Ce statut, qui ne correspond à aucune norme internationale selon Nature Québec, permettrait dans ces réserves «l'acquisition de connaissances», c'est-à-dire de faire de la prospection minière pour déterminer ce potentiel, et de la coupe forestière allégée. Les coupes autorisées copieraient en somme les mécanismes de régénération naturelle comme les incendies ou les épidémies d'insectes, de sorte qu'il s'agirait toujours, pour Québec, de territoires où le capital naturel demeurerait intact.
Christian Simard de Nature Québec ne voit pas comment Québec pourra s'assurer que ces activités ne nuisent pas à la biodiversité de ces «réserves». Sûrement pas, dit-il, avec les lois faiblardes qu'on applique dans le sud du Québec et qui ont handicapé la majeure partie du système forestier. D'autre part, il se surprend de constater que Québec n'entend même pas limiter l'utilisation des «claims» miniers dans ces réserves de capital nature. Il n'a même pas, dit-il, pensé à cesser de délivrer de nouveaux «claims» miniers dans ces territoires dont il dit vouloir préserver l'intégrité.
«Il faut appeler un chat, un chat», a-t-il dit au ministre: en plus du 50 % octroyé d'emblée au développement industriel, minier, hydroélectrique et forestier, c'est 38 % de plus que Québec offre aux entreprises avec possibilité de remanier les zones malencontreusement protégées si on y découvrait des ressources majeures.
Enfin, ajoute Nature Québec, «il y a pire», soit de voir la partie de la forêt boréale en dehors de la zone d'exploitation actuelle faire l'objet de contrats d'exploitation, car une fois les routes construites à travers les dernières forêts des caribous forestiers, «la tentation sera grande pour les exploitants et pour Québec d'autoriser la coupe de ces forêts», qui prennent 120 ans au moins à se régénérer.


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