Le projet de loi 60 est déposé. Sous une laborieuse appellation de 26 mots. Recommandation de juristes, dit-on. Évidemment. Détestable prose légaliste.
Moi, si peu « juriste », j’aimais bien qu’on parle de la Charte des valeurs québécoises. Elle avait déjà fait sa place dans l’imaginaire collectif et dans l’espace public. Tout en reconnaissant ses vertus de précision, je n’ai par ailleurs aucun attrait pour la nouvelle appellation. Personne ne pourra se l’approprier, comme d’un bien commun. Mais comme le ministre Drainville invite à nommer encore la Charte, entre nous, de son prénom initial, je le ferai avec joie.
Je le ferai d’autant plus qu’un article de Michel Paillé, publié sur Huffington Post, avançait qu’à la lumière des idées d’Albert Jacquard, on pouvait déduire que le philosophe s’inscrivait dans le «concept de valeurs» du projet du gouvernement Marois et qu’il refutait celui de neutralité de l’État, pour affirmer plutôt sa laïcité. « Il s’agit moins pour un État d’être neutre que d’être clair dans la justification des règles de comportement proposées aux citoyens». Ainsi,
«[l]es règles du vivre-ensemble adoptées par une communauté peuvent être qualifiées de laïques si elles ne font référence à aucune foi religieuse. Elles ne peuvent avoir comme source que la recherche de la meilleure lucidité sur la réalité humaine.» – A Jacquard.**
Pour le « vivre-ensemble », une Charte des valeurs, voilà. Valeurs de référence communes. Juste et belle appellation. Plus « fondamentale » que technique…
Cet essentiel sera-t-il sauf pour le vrai débat ? À en juger par les mesures annoncées et les réactions subséquentes, il semble bien que oui. Bravo, donc, pour la fermeté.
Et il fallait les entendre ces réactions. De Philippe Couillard. De Françoise David. De Thomas Mulcair…
Ce dernier, interprétant qu’ « Une femme qui travaille dans une garderie et qui porte un foulard comme signe religieux VA-PER-DRE-SON-EM-PLOI !!! »… Avec tout le martellement des mots et le pathos nécessaire à la démagogie. Et qui répète, tout en flattant les Québécois – « des gens ouverts, inclusifs, généreux », mettez-en – que Pauline Maroios « emprunte une page au livre de Stephen Harper! Plus subtilement démagogique que ça comme propos…
Philippe Couillard, lui, dans un grand élan dramatico-fédéralisant – presque comique à force d’excès – affirme que « c’est un projet de loi impraticable, illégal et inconstitutionnel ».
Quant à Françoise David, faisant chaque fois flèche de tout bois contre le PQ, dans un effort de positionnement de nature bien plus hostile que solidaire, elle a été, dans sa réaction, tout simplement fidèle à elle-même. Dans les deux sens du terme.
Faut-il qu’ils craignent, tous, les projets et les réalisations du gouvernement actuel pour s’affoler ainsi! Ils le sentent bien que, qu’on en soit conscient ou non, ces avancées sont des avancées vers l’indépendance du Québec. Comme dans une partie d’échec; chaque coup compte. Le plus important n’est pas de parler d’indépendance mais d’y aller de fine et patiente stratégie. La joute engagée sera féroce, prévoit-on, car l’enjeu est grand pour le pays.
Et de la crainte actuelle, manifeste, des adversaires à cette indépendance, découle la menace, brandie avec persistance, d’un recours aux tribunaux, incluant le « Suprême », si les lois que nous préparons pour nous, dans NOTRE Assemblée nationale, ne plaisent pas aux « fédérastes » ou n’ont pas l’heur de correspondre à leurs valeurs. N’importe quoi pour empêcher le Québec d’évoluer vers l’accomplissement de lui-même.
Voilà notre lot pour être encore sous la tutelle d’autrui. Dépendants.
Pour ma part, malgré le deuil du nom officiel, j’apprécie de plus en plus que notre gouvernement se soit attaqué à ce problème interculturel, à ce refus d’ « être ensemble » pour de vrai. Problème existentiel qu’il a pris de front. Courageusement. C’est lui qui a fait preuve dans cette démarche d’une préoccupation collective structurante et du souci d’ « inclusivité ». Contrairement à celles et ceux qui, tout en se déclarant « inclusifs », invitent, non pas à la saine et libre « différence » individuelle dans sa propre sphère, mais au morcellement social et à l’exclusion volontaire du « collectif ».
Quant à l’avenue privilégiée pour arrêter le sort du crucifix au Parlement – en confier la démarche au Bureau de l’Assemblée nationale - voilà une habile et sage décision.
Nicole Hébert
__________
* Expression empruntée à Louise Mailloux: http://lautjournal.info/default.aspx?page=3&NewsId=4823
** http://quebec.huffingtonpost.ca/michel-paille/albert-jacquard-et-laicite_b_4175975.html
*** http://www.radio-canada.ca/par4/salon/jacquard_bio.html
Cette « Charte de la nation » *
Ces avancées sont des avancées vers l’indépendance du Québec
Nicole Hébert88 articles
Péquiste. * Car on ne m’a pas démontré qu’il y avait d’autres avenues
pratiquables.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé