Depuis longtemps, je rêve d’un ministre de l’éducation qui aura été enseignant. Qui connaît les réalités de nos écoles, comprend ce que les enseignants vivent.
J’ai lu dernièrement qu’Hélène David avait dit « le français est une langue difficile.» Depuis ce temps, j’espère aussi un ministre de la langue qui aura une connaissance minimale de la linguistique.
On se pense souvent spécialiste d’une langue parce qu’on la parle. Faux ! La langue est un objet d’étude comme les autres, la linguistique, une science. « Le français est difficile » est un mythe linguistique. Lorsqu’on est ministre, on a un devoir de s’informer sur les sujets que nous représentons avant de faire des déclarations officielles. Colporter ces mythes populaires n’aide ni le nouvel arrivant à faire des efforts pour apprendre notre langue, ni le francophone à améliorer sa maîtrise du code écrit. En entendant la ministre, ils peuvent croire — à tort — que ce qu’ils apprennent est difficile, et se tourner vers l’anglais, qui n’est pas plus facile que le français, malgré le mythe. Pour ce qui est de la composante orale, le français n’est pas plus difficile qu’une autre langue. Bien sûr, sa composante écrite n’est pas toujours évidente, mais ce sont deux volets différents. Même chose pour ceux qui disent « qu’avant de défendre une langue, on devrait bien l’écrire. » Nous devrions bien sur tous faire l’effort, mais l’oral et l’écrit ont deux buts différents, et on peut défendre sa langue même si on fait certaines erreurs.
De plus, sous quels prétextes le français serait plus « difficile » que l’arabe, le mandarin ou le suédois ? Par sa phonétique ? Sa syntaxe ? Sa grammaire ? Toutes les langues du monde s’équivalent : elles ont toutes leurs difficultés. Le français n’y fait pas exception, et n’est pas plus ardu que le hongrois, le finnois ou le tamoul.
Il y a d’autres mythes linguistiques auxquels nous accordons crédit. Avez-vous déjà entendu « les enfants sont des éponges » et qu’ils apprenaient une langue « plus vite » que les adultes ? Biologiquement parlant, un enfant apprend naturellement et spontanément sa langue maternelle. Les enfants sont des génies de la grammaire. C’est différent pour une langue seconde. Plusieurs facteurs influent sur l’apprentissage d’une langue. Un des plus importants est la langue source. Un Péruvien aura plus de facilité à apprendre le français que le Turc, dont la langue est plus éloignée du français, puisque ce ne sont pas des langues de même famille, alors que c’est le cas pour l’espagnol et le français. Le taux d’exposition à la langue cible est important : plus on entend une langue plus on peut la reproduire. Sur le terrain, dans les classes de francisation, on remarque que ceux qui écoutent la télévision en français, vivent dans des quartiers francophones ou travaillent en français feront des progrès plus rapidement que ceux qui n’écoutent pas la télé, habitent un quartier multilingue ou ne sont pas exposés au français à l’extérieur de la classe. Un autre facteur à ne pas négliger est la motivation : plus vous voulez apprendre, plus vous apprendrez. Que vous vouliez vous intégrez à un groupe linguistique, ayez besoin d’une langue pour le travail ou encore vouliez « ajouter » la dimension « parle la langue X » à votre idéal de vous-même, plus vous apprendrez. C’est psychologique et la dimension affective est importante : un enfant va s’exprimer plus naturellement, sans « peur » d’être jugé alors que l’adulte peut être plus réticent.
J’allais oublier le fameux « Je ne parle pas anglais parce que je n’ai pas le don des langues » très « mythique » comme excuse. En fait, le monolinguisme, soit le fait de ne parler qu’une seule langue, est plutôt rare à travers la planète. Donc dans les pays où c’est une nécessité, on parle d’autres langues que la langue maternelle. Est-ce que toute la population d’un pays aurait alors «un don» pour les langues ? Pas du tout, c’est la nécessité qui fait que nous apprenons (ou pas !) une langue. Et vous, aimiez-vous l’anglais ? Exposé à la langue ? Motivé à l’apprendre ? Quels genres d’efforts avez-vous faits ? En aviez-vous besoin pour le travail ou vous intégrez à un peuple ? Vous visualisiez-vous, dans votre idéal, comme parlant anglais ? Si vous avez répondu « non » à plusieurs de ses réponses, ce n’est pas parce que vous n’avez pas un « don » pour les langues que vous parlez moins bien anglais que votre voisin ;)
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