Ils ont bien raison, les partis d'opposition et les citoyens qui se manifestent, de crier à la diversion dans ce qu'il faut appeler «l'affaire Sylvie Roy». Les libéraux sont bien prompts à protéger les privilèges des élus, mais que font-ils pour préserver la démocratie, dont les rouages craquent de partout?
L'affaire est tellement ridicule qu'on n'a pas envie de s'y éterniser. Jeudi dernier, la députée adéquiste Sylvie Roy, alors chef parlementaire, a eu le malheur de poser une question à l'Assemblée nationale, question qui a piqué au vif le premier ministre, qui a pourtant été en mesure d'y répondre très clairement quelques heures plus tard, ce qui démontrait que Mme Roy, vouée aux gémonies du côté libéral, n'avait pas vraiment erré.
Oui, Jean Charest avait su que des allégations de promenade sur le bateau de Tony Accurso avaient touché trois de ses ministres, dont il a lui-même donné les noms à la télévision. Vérifications faites, a-t-il précisé, ces séjours n'avaient pas eu lieu. Fin de l'histoire.
Mais le gouvernement libéral, lui, a décidé d'éterniser l'affaire, de faire monter les enchères, d'y aller à coup de mise en demeure, jusqu'à la résidence de madame Roy, qui tient pourtant bureau à l'Assemblée nationale, et de déposer une motion de blâme des plus inusitées. On saura aujourd'hui si la motion suivra son cours, auquel cas ce sera le fouillis chez les parlementaires, vu l'absence de précédent et la partisanerie.
Que d'énergie perdue! Que d'indignation mal ciblée!
Pendant ce temps, les médias continuent de s'en donner à coeur joie. Puisque le gouvernement Charest ne veut pas d'enquête publique, les gens se tournent vers eux pour les mettre sur des pistes à suivre. Une escouade spéciale a beau avoir été créée, chacun sait bien que tout ne relève pas d'enquêtes policières.
Quand les gens voient du copinage à l'oeuvre -- le fait que des élus assistent à des matchs du Canadien dans les loges d'entrepreneurs n'aurait pas d'incidence?; des contrats sont drôlement attribués: les tours de bateaux semblent favoriser les affaires, de Montréal à Mascouche; l'incursion toujours plus grande du privé dans la gestion des affaires publiques (même pour repeindre la croix du mont Royal); la grande difficulté à trouver les instances où dénoncer de façon efficace -- comme on le vit présentement à Saint-Donat, ce n'est pas la police qu'ils vont appeler, ni le numéro «1 800» de l'opération Marteau! Bonjour, salle de rédaction? Pourrais-je parler à un journaliste?
Même pas besoin de l'implication du monde interlope, même si elle est parfois présente, pour que tous comprennent qu'il y a quelque chose de très, très pourri dans notre petite démocratie. Il ne s'agit pas d'être naïf: le Québec peut supporter un scandale de-ci, de-là, mais certainement pas que cet oubli du bien public, auquel se résume ce qui éclate présentement, devienne systématique.
La tempête ne s'apaisera pas au lendemain des élections de dimanche. Si c'est le souhait secret de Jean Charest, il n'y a qu'un conseil à lui donner: qu'il vienne passer un après-midi à nos côtés, constater que les médias ne manquent pas de matière à fouiller, fournie par ceux qui les écoutent ou les lisent.
Et qu'il laisse donc tranquille l'ADQ. Forte du mauvais tandem Gilles Taillon-Éric Caire, celle-ci saura très bien se déchirer toute seule.
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jboileau@ledevoir.com
Blâme contre Sylvie Roy - Diversion
Que d'énergie perdue! Que d'indignation mal ciblée!
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