Scandale municipal - Se tenir debout

Crime organisé et politique - collusion (privatisation de l'État)

Dégoût, confusion, colère étaient au rendez-vous hier à Montréal, dans la foulée des révélations de Benoit Labonté et des réactions politiciennes qui en ont découlé. À une semaine des élections, le premier ministre Jean Charest n'entend-il pas la grogne, ne comprend-il pas que lui seul peut calmer le jeu?

Il n'a pourtant pas manqué de raisons depuis 20 ans pour qu'un gouvernement s'intéresse aux moeurs politiques municipales. À l'époque par exemple de l'assassinat, demeuré irrésolu, du promoteur Henri Paquin, aux liens étroits avec les dirigeants de Ville Saint-Laurent et en contact avec le Parti conservateur et le Parti libéral du Québec de l'époque.
Il était là aussi question d'entreprises de construction, de malversations, de ventes de terrains, et une enquête avait été demandée au gouvernement libéral. Ce qui fut refusé: une enquête policière sur les irrégularités suffirait. L'explosion de la Mercedes de M. Paquin, en 1988, en avait toutefois inquiété plusieurs. Étions-nous dans le Chicago des années 1920?
Ce petit Chicago local a grossi: les irrégularités et la peur font maintenant partie du quotidien de la plus grosse ville du Québec -- ce qui est en soi incroyable --, avec un mot d'ordre tacite: se taire.
Parce que parler de ce que l'on perçoit, c'est soit passer pour un illuminé, comme l'a vécu l'ex-président du comité exécutif de Montréal, Jean Fortier; soit se faire accuser de manque de tonus; soit risquer l'intimidation. Qui a envie de se lancer seul dans une telle aventure?
Avoir des preuves? Ce n'est pas si simple, comme le racontait au Devoir le maire Gérald Tremblay mercredi après-midi (précision importante puisque le maire varie ses propos selon l'heure du jour et avec qui il se trouve). «Il n'y a personne qui veut aller à la police. [...] Les gens qui m'ont donné de l'information me disent: "On a peur, je ne veux pas que vous utilisiez mon nom." La police me demande: "Est-ce qu'on peut interroger la personne?" La personne m'a dit non, alors je fais quoi?»
La réponse: rien. L'élu qui entend parler de choses louches doit attendre que quelqu'un accepte de bouger. Ça arrive parfois, et alors un maire peut se targuer d'alerter la police. Mais pour le reste, il faut laisser aller, fermer les yeux et porter le bonnet d'âne. Ce qui permet aux magouilleurs de rigoler.
Appeler Québec à la rescousse? Cela semble bien inutile. Jean Fortier l'a fait à son époque, mais le gouvernement de Lucien Bouchard ne trouvait rien de tangible à ses craintes. M. Fortier a dû décider seul de mettre des micros dans son bureau.
Le gouvernement Charest qui voit, comme tous les citoyens, que les révélations sur l'administration montréalaise s'empilent depuis des mois, ne bouge pas davantage. Il ne jure que par l'enquête policière, alors que les gens, comme l'a dit le maire Tremblay, ne veulent pas franchir ce pas; alors que le temps que la police règle un dossier, un autre scandale surgit; alors que la gangrène s'étend malgré les arrestations.
Le gouvernement libéral prépare maintenant un projet de loi sur l'ensemble des questions de financement, avec consultation publique. C'est un pas. Mais cela ne dit rien des moeurs, du système, de la peur, comme si on tenait pour acquis que nos élus doivent avoir des tempéraments de super héros.
C'est la démocratie qui est malade, c'est pour elle qu'on doit convoquer une enquête publique. Quand donc Jean Charest se tiendra-t-il debout?


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