Une tempête. C’est ce que s’attendent à traverser les libéraux lors de la session parlementaire cet automne. Plein effet des coupes dans les grands réseaux de la santé et de l’éducation, négociations et risque d’affrontement avec les employés de l’État, création d’emplois famélique, l’opposition affûte ses lances. Philippe Couillard reste imperturbable ; il suit son plan de match.
Qu’on l’appelle rigueur ou austérité : ses effets se font maintenant pleinement sentir. On en a beaucoup parlé, c’est maintenant le temps d’y goûter.
La protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain, en a fait le constat : les dernières coupes, qui s’ajoutent aux compressions passées, frappent de plein fouet les personnes vulnérables, notamment dans le secteur de la santé. Il ne pourrait pas en être autrement : pour l’essentiel, les services de santé sont destinés à des gens malades, souvent âgés et vulnérables.
Dans son discours d’ouverture en mai 2014, le premier ministre Philippe Couillard avait pourtant donné l’assurance qu’une « attention particulière » serait accordée aux « services destinés aux personnes les plus vulnérables de notre société ».
À l’école, les coupes affectent les services. L’aide aux devoirs est remplacée par de la « récupération » visant une faiblesse particulière dans une discipline, a expliqué le ministre de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, François Blais. Plus efficace, a-t-il soutenu. Mais aussi moins cher. Les psychoéducateurs et les orthophonistes se font rares, dénoncent l’opposition. Ce ne sont pas les premiers de classe qui écopent, mais bien les élèves en difficulté.
À la rentrée scolaire, les parents furent informés que le tarif des services de garde à l’école avait augmenté. Quelques mois plus tôt, c’est l’augmentation de leur compte de taxes scolaires qu’ils ont constatée. Témoins des compressions, les parents et les enseignants en négociation sont devenus des alliés objectifs, concède-t-on au gouvernement.
Les effets sur les services
Dans la partie de bras de fer qui s’amorce avec le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, les syndicats ont déjà entrepris de documenter les effets de l’austérité sur les services publics. La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) a mis sur pied une ligne téléphonique et un site Internet, invitant la population à lui faire part des « situations inacceptables » dans le réseau de la santé. De même, les autres syndicats du secteur public pourraient dévoiler de ces situations inacceptables dans l’appareil de l’État et dans le réseau de l’éducation. L’opposition officielle compte bien s’alimenter de ces sources syndicales afin d’embarrasser le gouvernement Couillard, a-t-on signalé.
Tout comme le ministre de la Santé et des Service sociaux, François Blais sera au centre de la tempête. On entendra forcément parler de lui. Le nouveau critique de l’opposition officielle en matière d’éducation, Alexandre Cloutier, l’attend de pied ferme, tandis que son pendant de la Coalition avenir Québec, Jean-François Roberge, un enseignant, ne laisse pas sa place.
La réforme
Non seulement le ministre devra se dépêtrer avec les conséquences néfastes des coupes, mais il présidera cet automne à une réforme majeure du réseau : le transfert d’une partie des pouvoirs des commissions scolaires vers les écoles et les parents. François Blais, qui ne cherche pas aveuglément le trouble, a écarté les fusions à grande échelle des commissions scolaires, qui seraient passées de 72 à 46, un projet que caressait son prédécesseur, Yves Bolduc, mais que décriaient les députés libéraux eux-mêmes.
De son côté, Gaétan Barrette est confronté aux effets d’un financement trop juste, pour employer un euphémisme, du réseau de la santé. Il s’attend à une année « infernale », a-t-il dit au Devoir ce printemps. L’opposition le tiendra occupé.
Au Parti québécois, on veut mettre de l’avant le profil économique du chef en s’attaquant au bilan du gouvernement Couillard en matière de création d’emplois. La croissance économique est poussive et les libéraux n’ont pas de plan économique, accuse-t-on. Pierre Karl Péladeau se posera en chevalier de l’économie.
La neutralité
Le gouvernement Couillard veut régler une fois pour toutes la question identitaire de la neutralité religieuse de l’État, avec le projet de loi 62 que défendra la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, alors que le projet de loi 59 sur les discours haineux, qui l’a occupée ces dernières semaines, doit être revu en profondeur.
François Legault voudra attaquer Pierre Karl Péladeau en réclamant que comparaissent en commission parlementaire les trois mandataires, dont Claude Béland, à qui le magnat médiatique a confié la gestion de ses actions de contrôle de Québecor. La CAQ projette de présenter une motion en ce sens la semaine prochaine. Au début d’octobre, le Centre d’études sur les médias de l’Université Laval doit rendre publique son analyse de la situation exceptionnelle du chef de l’opposition officielle. On s’attend à ce que les auteurs de cette étude soient invités en commission parlementaire. Le chef caquiste insiste pour que le chef péquiste vende ses actions, mais les libéraux croient que jamais Pierre Karl Péladeau n’acceptera de le faire. Et c’est peut-être mieux ainsi : le supplice de la goutte est préférable à l’exécution sommaire.
Les finances
Sur le terrain de l’économie, le gouvernement Couillard veut parer les salves de l’opposition péquiste. Et la meilleure défensive, c’est l’offensive. Du côté des finances publiques, il n’y aura pas de mauvaises surprises, avance-t-on. Le prévisionniste Carlos Leitão ne s’est pas fourvoyé ; même si la croissance est plus lente que prévu, les revenus de l’État sont légèrement supérieurs aux prévisions et les dépenses sont comprimées par la poigne de fer du président du Conseil du trésor.
Mais les libéraux caressent de plus grandes ambitions. On se croise les doigts pour que le marché de l’emploi se raffermisse d’ici la fin de l’année. Lors de la mise à jour économique et financière que le ministre des Finances doit dévoiler fin novembre ou début décembre, Carlos Leitão voudrait bien pointer à l’horizon les « vallées verdoyantes » de la vraie relance et faire miroiter des baisses d’impôt.
Pour le gouvernement, la présente session sera sa plus difficile, prévoit-on dans l’entourage du premier ministre. Mais on juge ne pas s’en tirer trop mal dans les circonstances. Le Parti libéral tient son bout dans les sondages — premier avec 33 % dans le dernier CROP — et le taux d’insatisfaction — élevé, à 65 % — n’a rien à voir avec les sommets atteints par Jean Charest au début de son premier mandat.
La population souscrit à l’objectif général du gouvernement d’assainir les finances publiques, soutient-on, sondages à l’appui. Qui plus est, la rigueur a « une date de péremption ». Philippe Couillard a évoqué un réinvestissement en éducation. Et des baisses d’impôt. À temps pour les prochaines élections. La politique, c’est aussi une question de timing.
QUÉBEC
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