Le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, refuse de rendre public le mandat qu’il a confié à Claude Béland et à deux autres administrateurs pour la garde de ses actions de contrôle de Québecor, tout comme il refuse de dévoiler « la déclaration sur l’honneur » qu’il promet d’acheminer au Commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale.
C’est sur son compte Facebook que Pierre Karl Péladeau a révélé en matinée jeudi, dans un geste qui apparaissait comme une initiative personnelle, qu’il avait mis en place « un mandat sans droit de regard » pour les actions de Québecor qu’il possède et pour celles que possède Les Placements Péladeau, un holding que contrôle le magnat médiatique. Quelques heures plus tard, le cabinet du chef de l’opposition officielle relayait l’information. On a confirmé au Devoir que ni le mandat ni la déclaration ne seront rendus publics.
Une société constituée jeudi, Placements Saint-Jérôme inc., dont l’actionnaire majoritaire est Fiducie Saint-Jérôme (2015), selon le registre des entreprises, agira comme mandataire. Ses administrateurs sont Claude Béland, président du Mouvement Desjardins de 1987 à 2000, le financier André P. Brosseau, président de Marchés des capitaux Avenue BNB, et James A. Woods, avocat d’affaires chevronné du cabinet montréalais qui porte son nom. L’entrée en vigueur du mandat est conditionnelle à l’approbation du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et d’Industrie Canada, a précisé Pierre Karl Péladeau.
Parmi les faits d’armes de Me Woods figure la poursuite en diffamation de Québecor et Pierre Karl Péladeau contre Radio-Canada, son vice-président Sylvain Lafrance et son président Robert Rabinovitch. Le procès haut en couleur et fort médiatisé a eu lieu à l’automne 2010, mais il s’est conclu le printemps suivant par une entente à l’amiable. En 2007, Sylvain Lafrance avait traité le patron de Québecor de « voyou » parce que le conglomérat avait suspendu ses contributions au Fonds canadien de télévision.
André P. Brosseau est un ancien vice-président de la Banque CIBC. Selon une source, il était l’antenne canadienne du magnat anglais Robert Maxwell, avec qui Pierre Péladeau s’est associé dans les années 80.
Sur Facebook, Pierre Karl Péladeau affirme qu’il a signé « une déclaration sur l’honneur » qui sera remise au Commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale, Jacques Saint-Laurent, déclaration qui stipule « que je n’interviendrais pas, tout comme je ne l’ai jamais fait, dans les choix éditoriaux effectués par les directions de l’information des différents médias qui sont la propriété de Québecor ».
Le chef péquiste estime qu’il remplit ainsi les engagements qu’il a pris le 8 octobre 2014 concernant la constitution d’une fiducie ou la rédaction d’un mandat sans droit de regard, bien que le code d’éthique et de déontologie des élus ne l’y oblige pas, ce qui serait différent s’il était un membre du conseil de direction.
Dénonciation
Jeudi, le Parti libéral, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire ont tous dénoncé le mandat « avec droit de regard » accordé par Pierre Karl Péladeau, une mesure qui ne règle rien, estiment-ils.
« L’initiative de M. Péladeau confirme nos craintes », a-t-on réagi au cabinet du premier ministre, Philippe Couillard. « Plutôt qu’une réelle fiducie sans droit de regard et totalement protégée des risques d’ingérence, M. Péladeau s’est créé un artifice. »
C’est « un écran de fumée », a accusé le leader parlementaire de la CAQ, François Bonnardel, dans un point de presse. Le fait que le mandataire ait reçu la directive de l’actionnaire de contrôle de ne pas vendre ses actions contrevient au principe du « sans droit de regard », comme l’ont déjà signalé Jacques Saint-Laurent et le jurisconsulte de l’Assemblée nationale, Claude Bisson, en commission parlementaire au printemps, notamment.
François Bonnardel estime que Claude Béland a les mains liées. « Si M. Béland vient devant nous, la main sur le coeur, et me dit : « J’ai la possibilité de vendre les actions de Québecor », le dossier est clos. Je le mets au défi », a dit le député.
Pour Françoise David, de Québec solidaire, « un chef de parti qui aspire à gouverner doit choisir entre ses propres intérêts et les intérêts supérieurs du Québec. Pierre Karl Péladeau doit vendre ses actions, un point, c’est tout. »
Au Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, on s’est refusé à tout commentaire. Le centre apporte la dernière touche à une étude sur la situation exceptionnelle de Pierre Karl Péladeau, étude qui soit être rendue publique à la fin de septembre ou au début d’octobre, a précisé son secrétaire général, Daniel Giroux.
Pour la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), les mesures annoncées par le baron médiatique sont aussi « nettement insuffisantes », estime le vice-président de la FPJQ, Jean-Thomas Léveillé. « Il n’y a aucune garantie d’indépendance. Il n’y a aucun mur entre lui et ses médias. Ça met tous les journalistes de ses médias dans une situation intenable. »
De son côté, Michel Nadeau, de l’Institut pour la gouvernance (IGOPP), suggère qu’un comité de surveillance soit constitué afin de garantir l’indépendance journalistique des médias de Québecor.
ACTIONS DE QUÉBECOR
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