CYCLE POLITIQUE

François Legault à l’épreuve du temps

C704ce5fcbee0997f78456a58e8a0dc7

Son «cycle politique» tire à sa fin. Il ne reste plus à sa députation que de lui montrer la porte

Ses adversaires y voient un autre virage qui lui fait perdre de la crédibilité. Après avoir cherché à éloigner le calice de la question nationale, voilà que François Legault entend présenter une position constitutionnelle qui doit conduire à une nouvelle entente avec Ottawa. On peut douter qu’il se voie dans la peau du négociateur qui mènera les pourparlers.

Lors du prochain Conseil général de la Coalition avenir Québec, au début de novembre, les délégués auront quelque chose de substantiel à se mettre sous la dent : ils devront entériner la première position constitutionnelle de leur parti. Cela les changera de leur congrès de l’an dernier, où aucune résolution ne leur avait été soumise.

Au moment de la création de la CAQ en 2011, François Legault s’engageait à mettre la question nationale de côté pendant au moins dix ans, promettant de ne parler ni de souveraineté ni de fédéralisme renouvelé. Le Québec devait rebâtir son économie, faire le ménage dans ses finances et redresser ses services publics. La question nationale divise les Québécois, qui ont d’autres chats à fouetter, répétait-il en substance.

Dans son livre sur le Projet Saint-Laurent, François Legault évoquait la possibilité de proposer un « compromis historique » à Ottawa afin que le Québec obtienne des pouvoirs en matière de langue et de culture. Le programme électoral de la CAQ de 2012 contenait une référence à des pourparlers avec le gouvernement fédéral afin de rapatrier certains pouvoirs en matière d’immigration, de culture et d’environnement, grâce à des ententes administratives. Or, la position, qui sera soumise aux membres de la CAQ en novembre, se voudra complète, détaillée et de nature constitutionnelle.

Il y a un an

Lors du congrès de novembre l’an dernier, François Legault affirmait que le Québec n’était pas à la veille de participer à des négociations constitutionnelles desquelles il pourrait sortir la tête haute. Il exhortait Philippe Couillard à ne pas se lancer dans cette voie tant que le Québec touche des milliards en péréquation et que l’écart de richesse de 25 % entre le Québec et le reste du Canada subsiste. « Éliminer un écart de 25 %, on parle de 10, 15, 20 ans. […] Moi, je ne serai plus en politique quand on va être rendus là », avait-il déclaré, sourire en coin.

À la CAQ, on affirme que le point de vue de François Legault reste le même. « Le redressement économique, ça fait partie du plan de match », certifie-t-on dans son entourage. Il n’est pas question de se lancer dans des négociations constitutionnelles sans les associer à un véritable redressement économique. « Ça va main dans la main. Ç’a aussi une influence sur notre rapport de force », indique-t-on.

Si tel est le plan, il pourrait s’écouler une décennie avant qu’un gouvernement dirigé par la CAQ ne soit disposé à entamer des négociations constitutionnelles avec Ottawa. Pas dans un premier mandat assurément, ni peut-être dans un deuxième. La CAQ se dotera d’une position constitutionnelle, certes, mais les négociations sont renvoyées aux calendes grecques. François Legault n’aura jamais à jouer au négociateur en chef.

En marge du caucus présessionnel de ses députés, François Legault a insisté, mardi, sur le fait qu’il demeurera à la CAQ même si son parti est battu lors des prochaines élections en 2018. « J’ai revu ma position à la demande, entre autres, de certains députés, a-t-il affirmé. Je suis là pour de nombreuses années. »

Coalition

En fait, l’ambition de François Legault, c’est de faire de la CAQ un parti pérenne, qui survivra à son départ. « Il faut penser à ce que François Legault va léguer », avance-t-on, c’est-à-dire un parti qui rassemble une coalition nationaliste capable de rivaliser avec les libéraux. Au-delà des prochaines élections.

Au moment de sa création, l’objectif de la CAQ était de rassembler les fédéralistes dégoûtés de la corruption libérale et les souverainistes qui ne croient plus à la possibilité de réaliser l’indépendance. Depuis, bon nombre de ces libéraux sont retournés au bercail tandis que la CAQ n’a pu faire de percée significative chez les néo-Québécois qui s’agglutinent au Parti libéral, a-t-on constaté.

À la CAQ, on est convaincu que s’amorce « un nouveau cycle politique » qui n’est pas favorable au mouvement indépendantiste. En 2011, une vague orange a déferlé sur le Québec ; le même phénomène risque de se répéter cette année et pourrait emporter le Bloc québécois. Il ne s’agit pas d’une mode, croit François Legault, mais d’une tendance lourde. Qui plus est, une majorité de Québécois a choisi en 2011 un parti qui, comme le Bloc, était voué à l’opposition ; ils voteront cette fois-ci pour un parti qui aspire à former le gouvernement fédéral.

Même si les souverainistes parviennent à former une coalition, ils ne pourront pas déloger les libéraux du pouvoir, prédit-on à la CAQ. « Même au PQ, il y a de plus en plus de gens qui voient que la stratégie du “coûte que coûte” de Pierre Karl Péladeau, c’est un passeport pour la défaite », soutient-on. La seule façon de battre les libéraux, c’est de réunir des nationalistes autour d’un projet autre que la souveraineté. De là l’idée pour la CAQ de sortir des limbes en ce qui a trait à la question nationale et de proposer un projet de changement constitutionnel. Bref, de compléter son offre politique.

Voué à l’échec?

Pour Pierre Karl Péladeau, la position constitutionnelle de la CAQ est vouée à l’échec, aucune modification à la Constitution n’étant envisageable pour le Québec. Jean-François Lisée juge que François Legault « est passé complètement du côté fédéraliste de la Force ». Les souverainistes au sein de la CAQ sont désormais « orphelins » et reviendront au PQ.

Dans les rangs libéraux, on relève le manque de constance de la CAQ, un parti qui se cherche et qui change de stratégie et de message au gré de l’actualité. Les libéraux se réjouissent du pronostic de François Legault, qui les voit au pouvoir « pour une période infinie » à moins d’une percée caquiste qu’ils ne redoutent aucunement. Tant qu’à avoir une copie, pourquoi ne pas choisir l’original ?

L’ancien ministre péquiste croit que nombre de souverainistes, parmi les pragmatiques — les réalistes, dont il se réclame —, ont fait leur deuil de la souveraineté et qu’il faut leur fournir une « porte de sortie », un « nouveau nationalisme ». François Legault, lui, s’est résigné : la souveraineté n’arrivera jamais, pas dans son « cycle politique » à lui, en tout cas. Et au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable, comme l’écrivait Gary.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->