CHEFFERIE DU PQ

Au Parti Québécois, quel chef pour la langue?

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Une analyse détaillée des propositions des candidats sur la langue

Sylvain Gaudreault


Le meneur de la course, Sylvain Gaudreault n’avait pas, à l’heure de mettre sous presse, de section spécifique traitant de la question linguistique sur son site web. Il y avait, par contre, une section traitant de l’immigration, question connexe à la question linguistique.


Une proposition majeure de M. Gaudreault est celle de « dépolitiser » les seuils d’immigration en confiant la tâche à un « observatoire indépendant » qui conseillerait le gouvernement sur le seuil à favoriser, recyclant ainsi une idée qui apparaissait déjà dans la plateforme de Jean-François Lisée en 2018.


Disons-le simplement, cette idée était mauvaise il y a deux ans et elle est toujours mauvaise aujourd’hui. La tentation de repousser la question radioactive de l’immigration hors du domaine politique et dans la cour des soi-disant « experts » relève, à mon avis, d’une abdication de leadership.


M. Gaudreault prend soin de spécifier que c’est bien l’Assemblée nationale qui déciderait et non les « experts ». Salutaire nuance. Mais il faut reconnaitre qu’il existe un risque réel que les « experts », la plupart bénéficiant probablement de chaires de recherche du Canada ou de fonds fédéraux, orientent le débat dans un sens qui n’est pas celui des intérêts du Québec.


En dernière analyse, la question de l’immigration ne peut être tranchée de façon « objective »; il ne s’agit pas d’une équation à résoudre ou d’un problème mathématique admettant une solution unique. Il s’agit d’une équation mal posée admettant un ensemble de solutions possibles, dépendant des orientations et des choix qu’une société veut faire. Ce qui manque ici, c’est le signal politique que les volumes d’immigration sont excessifs et que cette politique, héritage du PLQ, ne sert pas les intérêts du Québec. Nul besoin d’experts pour le savoir. Cette proposition de M. Lisée est une des raisons, à mon avis, de l’échec retentissant du PQ aux élections de 2018.


Une proposition ciblant clairement le français est celle de l’exigence de la maitrise du français comme condition d’admission pour l’immigration au Québec. C’est une autre proposition recyclée de la plateforme de M. Lisée. Cette idée est intéressante. Elle est cependant à double tranchant : d’un côté elle séduit car alors, la francisation des allophones serait largement réalisée avant leur venue au Québec, diminuant peut-être l’anglicisation de ceux-ci (ce n’est pas certain car l’anglicisation s’effectuerait probablement quand même de par les contraintes du marché du travail de Montréal, un marché du travail anglicisant).


De l’autre, cette idée est également un aveu d’échec et une admission que la vitalité du français au Québec n’est pas suffisante pour intégrer les immigrants allophones au Québec français. Si cela est le cas, ne devrions-nous pas nous pencher d’abord sur les causes de cette incapacité du français à s’imposer en sol québécois? En nous demandant, par exemple, si le bilinguisme quasi intégral de l’État québécois n’est pas une source du problème? Ou si la Loi sur les langues officielles fédérale, qui met le français sur un pied d’égalité avec l’anglais, au mépris de la réalité du rapport de force favorable à l’anglais, ne constitue pas une façon d’assurer hypocritement, en pratique, l’anglais comme « langue commune » au Canada?


Deuxièmement, l’exigence de la connaissance du français avant la venue assume que la question de l’intégration des immigrants se réduit essentiellement à la langue. Or, c’est faux. D’autres facteurs, culturels, entrent en compte. L’intégration linguistique tient aussi aux contraintes du milieu (langue des études et du travail, par exemple) et à un désir de s’intégrer.


Il est connu, par exemple, que les immigrants hispanophones s’intègrent bien (à hauteur de 75% vers le français), même s’ils ne connaissent pas tous le français à l’arrivée. Cela tient à une certaine proximité culturelle. Il semble contreproductif de cesser de les sélectionner sous prétexte d’une absence de connaissance du français. De plus, l’exigence de la connaissance du français provoquerait probablement une chute radicale du nombre d’immigrants admis étant donné que les candidats éduqués, maitrisant le français, ne sont pas en nombre illimité. Est-ce là une astuce pour diminuer les seuils sans avoir l’air d’y toucher? Il serait préférable d’être transparent.


Joint par téléphone, M. Gaudreault a expliqué qu’il allait dévoiler le détail de ses propositions linguistiques dans une partie ultérieure de la course et que la question linguistique ne le laissait pas indifférent. Il se dit « extrêmement préoccupé » par l’anglicisation de la région de Montréal et par l’ampleur des transferts linguistiques des allophones qui vont vers l’anglais. Il dit vouloir une « réécriture de la loi 101 » pour l’adapter à l’évolution du monde depuis l’adoption de la loi 101 en 1977. Il souhaiterait également donner un caractère « supralégislatif » à la loi 101, afin de véritablement en faire une Charte et lui donner un poids juridique plus important (une proposition que fait Éric Poirier dans son livre « La Charte de la langue française : ce qu’il reste de la loi 101 quarante ans après son adoption »).


M. Gaudreault confirme également ce qu’un article de La Presse avançait, soit que celui-ci voudrait « réduire le financement des cégeps anglophones au poids de la minorité historique anglophone du Québec » et affirme qu’il souhaite que Montréal soit « aussi français que Toronto est anglais » en contraignant le Ville de Montréal à faire la promotion du français. La première proposition le place certainement dans le camp de ceux que l’on appelait autrefois les « purs et durs ».



Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP)


PSPP est clairement le candidat qui se démarque côté langue. Il faut reconnaitre qu’il a certainement réfléchi à cette question en profondeur. Sur son site de campagne, il affirme proposer des « mesures musclées pour la langue française ». Le diagnostic qu’il établit est accablant (et juste). Les mesures proposées sont en conséquence:


1) Revoir le financement des cégeps et des universités et octroyer au postsecondaire anglophone un financement proportionnel au poids démographique de la « minorité historique anglophone »;


2) Imposer une proportion maximale de cours en anglais pour les universités et cégeps de langue française;


3) Imposer l’unilinguisme français pour les communications entre l’État et les personnes morales;


4) Appliquer la loi 101 aux entreprises à charte fédérale, notamment les aéroports et les banques;


5) Élargir l’application de la loi 101 aux entreprises de 25 à 50 employés;


6) Resserrer les critères qui permettent aux entreprises d’exiger l’anglais à l’embauche.


Le premier volet de la première proposition rejoint celle de M. Gaudreault. Le deuxième volet (les universités) est d’une audace considérable. Ensemble, ces deux volets auraient très certainement un immense impact sur la vitalité du français au Québec. L’opposition à ces mesures de la part de ceux qui profitent du statu quo serait également considérable. PSPP ferait face à une opposition d’une ampleur supérieure à celle qui a accueilli la loi 101 en 1977. Aurait-il le cran d’affronter cette tempête?


PSPP s’inquiète aussi du bilinguisme-à-la-demande des services de l’État québécois, bilinguisme qui nuit considérablement à l’intégration des allophones. Il souhaite conserver des services en anglais pour la « minorité historique anglophone » (qu’il faudrait cependant définir… sont-ce les « ayants droits de la Charte?) tout en imposant l’unilinguisme français dans les interactions entre les allophones et l’État. Mais signe que le désir d’imposer l’unilinguisme français à certaines catégories de citoyens tout en maintenant des services bilingues pour les autres relève de la quadrature du cercle, PSPP n’a pas de solution claire à mettre de l’avant et propose simplement de « lancer une réflexion » sur ce sujet.


En Ontario, par exemple, grâce à la Loi sur les services en français, les services du gouvernement sont théoriquement « bilingues », donc offerts en français et en anglais. Mais, comme la maitrise du français en Ontario est chose relativement rare, les services du gouvernement ontarien sont en réalité, à toutes fins pratiques, unilingues anglais.


Au Québec, comme le bilinguisme est rendu la norme, surtout chez les jeunes, toute tentative de restreindre l’usage de l’anglais, du moins à l’oral, dans les services gouvernementaux me semble vouée à l’échec. Les Québécois, peuple vaincu, ne sont pas du genre à refuser de parler anglais, même s’ils sabotent ainsi l’intégration des allophones. Par exemple, Montréal est une ville de langue française selon la loi, ce qui n’empêche par la mairesse de Montréal d’émettre des communiqués en bilingue ou même « d’oublier » de parler français à certaines occasions. La loi est une chose, le rapport de force réel entre les langues en est une autre. Pour atteindre le but désiré, la loi doit absolument tenir compte du contexte sociologique et du rapport de force entre les langues.


Comment imposer le français dans les services gouvernementaux alors que l’immense majorité des québécois se fait une joie et un devoir de parler anglais dès qu’ils détectent la moindre trace d’accent chez leur interlocuteur (un trait culturel condamnable, qui s’explique par la trop longue infériorisation de la langue française au Canada, infériorisation qui a été intériorisée par les francophones)?


La seule façon d’imposer le français dans les interactions entre l’État et les allophones serait probablement de décréter l’unilinguisme français des services de l’État. Cela n’empêcherait pas, à mon avis, une large utilisation de l’anglais dans les services à l’oral comme c’est le cas actuellement, par exemple, dans les hôpitaux et dans à peu près tous les services gouvernementaux. Ainsi, les services en anglais sont offerts spontanément sur demande, même si aucune loi ne force le bilinguisme dans certains centres hospitaliers régionaux (par exemple). Ceci est facilité par le très haut niveau de bilinguisme au Québec, ainsi que par le désir qu’ont plusieurs de « pratiquer leur anglais ». Il est à noter que cette situation serait exactement le contraire de celle de l’Ontario; alors qu’il règne un bilinguisme de façade et un unilinguisme de fait en Ontario, il y aurait alors au Québec, si l’unilinguisme des services était déclaré, un unilinguisme officiel et un bilinguisme de fait. Cependant, l’unilinguisme officiel serait probablement utile pour limiter l’offre de services en anglais à l’écrit pour les allophones et favoriser ainsi leur intégration au Québec français.


L’autre voie possible pour limiter l’offre de services en anglais aux allophones serait de territorialiser soigneusement les services en anglais, qui ne seraient accessibles qu’à certains endroits bien précis, là où le nombre d’anglophones le justifie. Cette politique est celle du gouvernement du Canada (pour le français). Bien sûr, cette mesure va totalement à l’encontre des tendances à l’informatisation, à la numérisation et à l’offre de services en ligne, choses qui sont le contraire du principe de territorialité et qui facilitent l’accès aux services en anglais pour tous au Québec.


PSPP a aussi annoncé qu’il souhaitait une réduction des seuils d’immigration (à 30 000 par année environ) donnant par là un signal qu’il souhaite rompre avec la politique migratoire du PLQ.



Frédéric Bastien


La question linguistique semble intéresser assez peu Frédéric Bastien. M. Bastien se concentre plutôt sur deux propositions: la réduction des seuils d’immigration (à 25 ou 30 000 par année) et la défense de la laïcité face à Ottawa. Lui aussi souhaite que le Québec sélectionne (seulement?) des immigrants déjà francisés. À l’heure de mettre sous presse, son site de campagne ne contenait aucune proposition concernant la langue spécifiquement.


Mentionnons, parce que cela est pertinent, que M. Bastien est professeur à Dawson College, le plus gros cégep au Québec (anglophone). Cela semble teinter sa vision de la question linguistique, par exemple, la question de la loi 101 au cégep. Par le passé, il s’est opposé à deux reprises, via des lettres ouvertes, à l’extension des clauses scolaires de la Charte au niveau collégial. Une première fois en 2012 alors que Pierre Curzi avait réussi à faire adopter l’extension de la loi 101 au cégep dans le programme péquiste.


Cette lettre de 2012, publiée par la Presse, est particulièrement surréaliste. Dans cette lettre, M. Bastien accuse les « purs et durs » de propager une « vision alarmiste » en affirmant que les cégeps anglais sont des machines à assimiler (ce qui est vrai), que les étudiants qui fréquentent le collégial anglais s’inscriront ensuite à l’université en anglais (ce qui est vrai pour 90% d’entre eux) et que le cégep anglais contribue à l’anglicisation du marché du travail à Montréal (ce qui est vrai). Cette lettre se lit comme un communiqué de la Fédération des cégeps.


On peut imaginer que M. Bastien ait pu évoluer sur la question depuis, mais seulement, en 2017, alors que M. Lisée était en difficulté avec ses propositions farfelues sur la langue, M. Bastien s’est fendu d’une nouvelle lettre ouverte, cette fois dans le Devoir, pour encore une fois s’opposer à la loi 101 au cégep et prétendre que celle-ci « aurait un impact limité sur la situation du français ».


Disons que je ne partage pas du tout cet avis. La loi 101 au cégep aurait un impact majeur sur la vitalité du français au Québec. Et c’est bien pour cela que cette mesure est si décriée et combattue par nos frileuses élites depuis plus de deux décennies; elle mènerait à une profonde modification des rapports de force entre les langues au collégial, modification qui percolerait ensuite dans le reste de la société.


Cependant, le rôle fait l’homme et il est possible que M. Bastien ait cheminé depuis.  Dans une vidéo mis en ligne sur sa page Facebook, M. Bastien propose  une mesure novatrice ciblant les cégeps, soit que ceux qui n’ont pas fait 11 années de scolarité en français au Québec n’aient pas accès aux cégeps anglais. Car ceux qui ont fait 11 années de scolarité en français maitrisent déjà le français et on ne gagnera rien à leur imposer le cégep français, affirme-t-il. Cette proposition est une évolution par rapport à ses affirmations antérieures. Mais qui est insuffisante.


M. Bastien verse ici dans la confusion, fréquente, entre la « connaissance » d’une langue et son usage. C’est l’usage d’une langue qui détermine sa vitalité et non pas sa simple connaissance. Imposer les clauses scolaires de la Charte au collégial est une politique qui vise deux axes principaux :


1) le premier est de non pas seulement développer la « connaissance » du français, mais de soutenir et imposer son usage au postsecondaire. C’est cette augmentation de l’usage du français par les allophones et francophones qui viendra augmenter la part des substitutions linguistiques que les allophones réalisent vers le français (55% en 2016) et qui enrayera l’assimilation croissante des jeunes francophones à l’anglais à Montréal;


2) Le deuxième axe est culturel : c’est au cégep que les jeunes sont mis véritablement en contact avec la « culture », avec la philosophie, la littérature, le cinéma, la science aussi. Si cette immersion culturelle se fait dans l’univers anglophone, le résultat sera de détourner les jeunes de la culture québécoise et de la culture de langue française pour de bon (pour une majorité d’entre eux). La proposition de M. Bastien sur les cégeps vise donc l’accessoire et non l’essentiel. Elle est inadéquate.



Guy Nantel


Guy Nantel propose, sur sa plateforme, de donner à la langue anglaise, dans un futur Québec indépendant, un statut de « langue nationale minoritaire ». Ceci pour signaler, affirme-t-il, que les anglophones ne perdront pas leurs acquis dans un Québec indépendant « unilingue français ».


L’intention de M. Nantel me semble louable. Mais le diable est dans les détails. Si l’anglais est déclaré comme « langue nationale », même « minoritaire », je ne vois pas comment le Québec pourrait être « unilingue français » s’il est doté, de façon effective, de ce qui revient à deux langues officielles (quelle est la différence entre une « langue officielle » et une « langue nationale »?).


M. Nantel me semble tomber ici dans le panneau de la « prédominance », astuce inventée par le Cour suprême du Canada pour nous faire avaler le retour du bilinguisme dans l’affichage. L’affichage en bilingue ne portera pas atteinte au statut du français nous susurrait la Cour suprême en autant que le français soit « prédominant » sur les affiches. Comme si le fait d’avoir le texte en français en plus gros caractère et le texte en anglais en plus petits caractères signifiait que le rapport de force des langues était en proportion directe de la grosseur des polices de caractères utilisées!


L’indépendance du Québec est, à mon avis, la seule façon de garantir un statut clair et sans équivoque au français au Québec. Cependant, même indépendant, un Québec souverain serait toujours situé en Amérique du nord, cube de sucre dans un océan anglophone. La plus grande vigilance serait requise pour garantir le maintien de la vitalité du français.


Ceci dit, je suis d’accord avec M. Nantel qu’un Québec indépendant, assuré de son existence, pourrait se montrer généreux et accorder des droits aux anglophones. Notons qu’à l’heure actuelle, à cause de la démolition de la Charte de la langue française par Ottawa depuis 1979, le Québec est un État intégralement bilingue et qui finance de façon excessive le réseau institutionnel anglophone. Ces droits accordés aux anglophones dans un Québec indépendant ne pourraient donc qu’être un recul par rapport à leurs « droits » actuels. Formulons-le ainsi : dans un Québec indépendant, ils auraient des droits et cesseraient d’avoir des privilèges.


M. Nantel, il faut le saluer, est le seul candidat à proposer clairement l’extension des clauses scolaires de la Charte au cégep, soit la fameuse « loi 101 » au cégep. Bravo!


Comme quatrième proposition sur la langue, M. Nantel suggère que les entreprises dont « la marque de commerce comporte des mots empruntés à d’autres langues que le français » paient un pourcentage d’impôt supplémentaire (2 ou 3%) sur leurs profits annuels, somme qui serait reversée au programme de francisation des nouveaux arrivants!


On sombre ici dans le loufoque. Avec cette proposition, une entreprise utilisant un mot italien dans sa marque, par exemple, se verrait imposer des impôts supplémentaires. On imagine d’ici les cris d’orfraie qui fuseraient. M. Nantel n’a-t-il rien retenu du « Pastagate »? Les mesures visant à hausser le statut du français doivent être structurantes et ne pas s’enfarger dans le cosmétique. M. Nantel exige aussi que « toutes les communications gouvernementales avec les nouveaux arrivants soient faites exclusivement en français ». Je ferai ici la même remarque que plus haut : comment fait-on pour appliquer une telle mesure dans la pratique? Et qu’est-ce qu’un « nouvel arrivant »?



Conclusion


Saluons d’abord le fait que les candidats à la chefferie du PQ, pour la plupart, rompent clairement avec l’immobilisme qui a caractérisé ce parti depuis 1996 sur la question linguistique. Il s’agit là d’une salutaire évolution. La raclée historique de 2018 semble conduire à certaines remises en question.


De tous les candidats, PSPP me semble nettement sortir du lot pour le sérieux de son analyse et de sa plateforme sur la langue.


Cependant, soulignons qu’aucun candidat ne propose une plateforme linguistique parfaitement cohérente. Par exemple, les propositions ciblant la réduction des seuils d’immigration ou leur détermination par l’Assemblée nationale suite à la consultation « d’experts » fleurent bon le pays des licornes; dans les faits, c’est Ottawa qui contrôle la politique d’immigration au Canada (et au Québec) et pas le gouvernement du Québec.


De par l’entente Gagnon-Tremblay-McDougall de 1991, le Québec « s’engage à poursuivre une politique d’immigration dont l’objectif est de lui permettre de recevoir un pourcentage du total des immigrants reçus au Canada égal au pourcentage de sa population par rapport à la population totale du Canada ». C’est Ottawa qui fixe les seuils d’immigration. Québec doit appliquer ce qu’Ottawa décide pour nous. Il y a un prix (exorbitant!) à payer pour être une « province ». C’est la raison pour laquelle la CAQ, après deux années de diminution temporaire des volumes (avec l’accord d’Ottawa) vient de reconduire la politique d’immigration du PLQ, c’est-à-dire la politique d’immigration d’Ottawa.


Le Québec ne peut que « fournir son avis » sur les seuils fixés par le Canada. Toute modification à la baisse des seuils nécessitera l’accord d’Ottawa. Comment les candidats de la course à la chefferie, devenus premier ministre du Québec, obtiendront-ils une réduction majeure des seuils d’immigration pour le Québec, sachant qu’un volume d’immigration démesurée est dans les intérêts d’Ottawa car il permet d’affaiblir directement la vitalité du français au Québec et permet de multiplier les comtés protégés pour le PLQ?


Notons également que les propositions de réduire le financement des institutions postsecondaires anglophones proportionnellement au poids démographique des anglophones posent problème; simplement proportionner le financement au poids démographique des anglophones, sans attacher le droit de fréquenter une institution anglophone aux personnes (les « ayants droits » de la Charte de la langue française) pourrait conduire à la situation, pas du tout hypothétique, où les anglophones moins forts, ayant une moyenne générale plus faible au secondaire, pourraient être chassés des cégeps anglais à cause de l’intense compétition pour les places d’études qui résulterait d’un simple contingentement des places.


Il est à noter que certains échos laissent entendre que cela est déjà le cas actuellement, alors que les cégeps anglais sont dimensionnés  au près du triple du poids démographique des anglophones (langue maternelle). Le phénomène serait grandement exacerbé par un contingentement des places plus rigoureux que celui qui est appliqué actuellement (indirectement par le manque de places dans les cégeps anglais). Voilà pourquoi les concepteurs de la Charte en étaient venus à concevoir les clauses scolaires de la Charte, attachant ainsi le droit à l’instruction en anglais aux individus émanant de la minorité anglophone. En réalité, aucune autre solution équitable n’existe à part une loi modelée sur la loi 101.


Finalement, rappelons que Simon Jolin-Barrette et la CAQ s’apprêtent à déposer un projet de loi sur la langue. Tout indique que ce projet sera « costaud ». La question de la langue n’appartient plus au seul PQ. Il existe, pour le PQ, un réel risque que la CAQ le déclasse sur cette question. Si cela était le cas, le PQ, qui s’est montré mièvre, hésitant et peu convaincant sur cette question fondamentale depuis plus de deux décennies pourrait se voir brutalement dépouillé d’un de ses axes majeurs de mobilisation et d’un des principaux moteurs du mouvement indépendantiste. M. Legault a sans nul doute un double objectif en déposant un projet de loi « costaud » sur la langue : tenter de sauver les meubles pour le Québec français et liquider ce qui reste du PQ.


Le Québec français peut-il survivre en restant membre du Canada? C’est le pari de la CAQ.


S’il veut survivre, le PQ doit démontrer que la CAQ se trompe.