Au lendemain de la courte victoire du Non de 1995, les ministres du gouvernement Parizeau se questionnaient sur la possibilité que le résultat soit annulé en raison des irrégularités attribuées au camp fédéraliste, et envisageaient un troisième référendum avec enthousiasme.
Les délibérations du Conseil des ministres, récemment rendues publiques, montrent un optimisme certain dans le camp du gouvernement péquiste, après sa défaite référendaire du 30 octobre 1995.
Deux jours plus tard, lors de la réunion du 1er novembre, les ministres réunis autour de la table estimaient que le score de 50,58 % en faveur du Non était de bon augure pour une troisième tentative.
Pauline Marois, alors titulaire du Conseil du trésor, déclare notamment « que les résultats du référendum ne constituent pas une défaite, mais un immense pas en avant ».
Au cours de la rencontre, d’autres ministres n’hésitent pas à appuyer, à leur façon, la déclaration du premier ministre Jacques Parizeau voulant que le Oui ait perdu en raison de l’argent et des « votes ethniques ».
Annuler le résultat ?
Autour de la table, une idée surprenante circule : pourrait-on faire annuler le résultat en raison des soupçons d’irrégularités attribuées au camp fédéraliste ? Le 8 novembre, Jean Garon, alors à l’Éducation, défend l’idée avec vigueur.
La semaine suivante, Guy Chevrette, responsable de la réforme électorale, explique que 24 plaintes ont été déposées par le Directeur général des élections, et qu’une autre, « importante », le sera contre les entreprises qui ont transporté des manifestants au Love-in de Montréal.
« Il faut maintenant se demander si la tenue du référendum sera contestée. Il se peut que *** s’adresse directement à la Cour supérieure pour demander l’annulation du référendum », dit-il, dans un passage caviardé.
Sans prendre position, le premier ministre Jacques Parizeau s’enquiert « si quelqu’un pourrait demander l’annulation du référendum sur la base des allégations faites dans les plaintes déjà déposées ».
Oui, répond M. Chevrette, qui ajoute toutefois que sur le « plan politique » la demande d’annulation ne doit pas venir du camp du Oui ou du gouvernement péquiste.
Long processus
En entrevue, l’ex-ministre affirme que l’idée a fait l’objet d’une discussion « très sérieuse, très solide », mais n’a pas été retenue.
« Monsieur Parizeau n’a pas mis de poids pour dire : on conteste le référendum. Mais il y en avait, parmi les ministres, quelques-uns qui voulaient une révision et une contestation », rapporte Guy Chevrette.
Lui-même peu favorable à cette avenue, il ajoute qu’un processus judiciaire aurait été long. « Qu’est-ce que ça nous donnerait, en bout de course ? » demande-t-il aujourd’hui.
Le chef de cabinet de Jacques Parizeau à l’époque, Jean Royer, a un souvenir différent de l’importance du débat. Il affirme que l’hypothèse d’une annulation du résultat n’a pas fait l’objet d’une « discussion sérieuse ou significative ».
Jean-François Lisée, ex-conseiller des premiers ministres Parizeau et Bouchard, confirme que l’idée n’a pas cheminé longuement au Conseil exécutif.
Laisser les citoyens intervenir
Les mémoires du Conseil des ministres démontrent en effet que Jacques Parizeau comptait plutôt diffuser l’information sur les irrégularités du camp fédéraliste afin de permettre à un tiers parti de contester le résultat.
Le premier ministre « indique que le camp du Oui portera des plaintes au Directeur général des élections et que des documents établissant que le camp du Non a commis des infractions seront remis aux journalistes », rapportent les notes des délibérations du 15 novembre.
« Pour l’instant, le gouvernement ne doit pas prendre la décision de contester le référendum, ajoute le premier ministre. Par ailleurs, il faut laisser aux citoyens le soin d’agir eux-mêmes aux moyens d’autres recours que ceux que possède le camp du Oui ».
Des appuis à la déclaration sur les «votes ethniques»
« Ce qu’a dit le premier ministre le soir du référendum était vrai même si les termes choisis n’étaient peut-être pas les meilleurs. Il faut constater que les gens des communautés culturelles ont voté de façon ethnique. »
– Jacques Brassard, ministre de l’Environnement
« Ce sont les gens des communautés culturelles qui se sont réfugiés dans un vote ethnique. »
– Jeanne Blackburn, ministre de la Sécurité du revenu
Jacques Léonard, aux Transports, « signale que la dernière campagne a permis de gagner la bataille de l’identité des québécois [sic] qui ont voté à 60 % en faveur de la souveraineté ».
Source : Délibérations du Conseil des ministres, 1er novembre 1995
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