(Québec) Si vous avez trouvé l'année politique qui se termine un peu «rock and roll», attachez vos tuques pour 2011. Nous passerons le 8 juin dans la deuxième moitié du mandat de cinq ans donné en 2008 à Jean Charest. Plus on se rapproche des élections, plus ça brasse. L'année 2011 sera l'année des grandes décisions.
Jean Charest sera-t-il encore là dans 12 mois? Pauline Marois aura-t-elle passé avec succès le vote de confiance de ses militants? Gérard Deltell passera-t-il la barre des 15 % dans les sondages? Amir Khadir sera-t-il encore le politicien le plus apprécié dans les sondages? François Legault aura-t-il une influence dans l'alignement des planètes ou n'aura-t-il été qu'une étoile filante? Faites vos jeux!
Jean Charest
L'avenir de Jean Charest sera l'un des points déterminants de l'année 2011. Si le premier ministre ne parvient pas à reprendre l'initiative et à remonter la pente dans l'opinion publique, il sera bien forcé de donner sa chance à un autre. Il entrera dans sa quatrième année de mandat le 8 décembre. S'il devait partir, il devrait le faire au début de 2012 au plus tard, afin de laisser le temps à son parti et à son successeur de préparer les élections qui pourraient se tenir l'automne suivant ou au début de l'année 2013. Mais quoi qu'il arrive, M. Charest devra prendre sa décision en 2011.
Sombres perspectives pour le Parti libéral du Québec
Peu de gens ont élevé la voix en 2010 pour demander le départ de Jean Charest. Comme c'est souvent le cas, c'est vers son entourage immédiat que les critiques à l'interne se sont tournés. Des voix au sein du caucus ont montré du doigt son chef de cabinet, Marc Croteau, en faisant valoir qu'il a tout d'un bon fonctionnaire, mais peu du préfet de discipline requis pour cette fonction.
M. Croteau a probablement déjà compris le message.
Si les demandes de démission à l'interne sont rares, quelques voix se sont fait entendre à l'externe. La plus amusante a probablement été celle d'une columnist du National Post qui a demandé à M. Charest de céder sa place, afin de sauver le Canada du péril souverainiste. C'est un leurre. Parce que si Jean Charest décide de partir, cela signifie que l'avenir ne sera pas rose pour les libéraux.
L'histoire récente nous apprend que les changements de leadership sont toujours très risqués pour les partis au pouvoir. Le départ des leaders a généralement mené à des défaites retentissantes.
Turner, Campbell, Martin, Ryan et Johnson
Quand Pierre Trudeau a quitté la politique, les libéraux fédéraux se sont précipités dans le camp de John Turner. «The king to be», soutenait alors le magazine Maclean's... Turner menait dans les sondages. Il a déclenché les élections et a été écrasé par Brian Mulroney.
Quand Mulroney a constaté que les sondages le menaient vers la défaite, en 1993, il est parti. Les députés conservateurs se sont précipités derrière Kim Campbell, persuadés qu'une femme ferait la différence contre Jean Chrétien. Mme Campbell a connu le même sort que John Turner.
Quand Jean Chrétien est parti à son tour, les libéraux croyaient avoir leur champion en la personne de Paul Martin. Malgré toutes ses belles années aux Finances, M. Martin a échoué lamentablement.
L'histoire est pleine de cas similaires, de leaders qui quittent leur poste après deux ou trois mandats et dont les partis sont automatiquement voués à la défaite. Pierre Marc Johnson a connu le même sort, après avoir remplacé René Lévesque à la direction du Parti québécois (PQ). Même chose pour Claude Ryan, qui a succédé à Robert Bourassa. À Montréal, le parti de Jean Drapeau n'a pas survécu à sa démission.
Les exceptions à cette règle sont rares. Le Progrès civique de Québec a survécu au départ de Gilles Lamontagne, qui avait choisi son dauphin en la personne de Jean Pelletier en 1977. Mais le parti a perdu le pouvoir quand Pelletier s'est retiré en 1989 pour devenir chef de cabinet de Jean Chrétien. Le Rassemblement populaire de Jean-Paul L'Allier s'est alors installé à l'hôtel de ville. Mais quand M. L'Allier est parti, 16 ans plus tard, son parti a été évincé à son tour du pouvoir.
La morale de cette histoire, c'est que si Jean Charest en vient à la conclusion qu'il doit partir, son successeur a toutes les chances au monde de devenir le chef de l'opposition... Est-ce à dire que Charest va rester? Non. Je n'ai jamais vu de leader destiné à la défaite s'accrocher à son poste pour risquer l'humiliation suprême. S'il doit partir, le chef libéral tentera tout au plus de redorer un peu sa cote dans les sondages afin de laisser une chance apparente à son parti de sauver les meubles.
Pauline Marois
Il n'y a pas si longtemps, certains libéraux prédisaient que Pauline Marois ne serait plus chef du PQ à la fin de décembre. Ils ont sous-estimé sa résilience. Même si elle n'a pas encore gagné le coeur d'une majorité de Québécois, Pauline Marois a mené une bataille rangée contre le gouvernement qui lui garantirait le pouvoir s'il y avait des élections aujourd'hui. Dans les circonstances, les militants péquistes qui participeront au vote de confiance à son endroit en avril lui donneront probablement un score très élevé. Pas le 97 % accordé à Gérard Deltell, mais certainement au-dessus de 80 %, peut-être même 85.
Il n'y a rien de tel que la perspective du pouvoir pour ramener la discipline au sein d'un parti, même au PQ. On a beau répéter que six mois en politique, c'est une éternité, le fait demeure qu'il faudrait un miracle pour que les libéraux soient réélus aux prochaines élections. L'obtention par Jean Charest d'un troisième mandat en décembre 2008 était déjà une prouesse. C'est presqu'un automatisme, les Québécois ont l'habitude de changer de gouvernement après deux mandats.
Les défis du PQ
Mais la politique étant ce qu'elle est, l'erreur des péquistes serait de tenir leur victoire pour acquise. Leur premier défi est de maintenir leur avance dans les sondages. Tout comme dans un marathon, il n'y a rien de plus dangereux que de prendre la tête trop tôt dans la course et de s'essouffler dans le dernier droit. À 23 % dans les intentions de vote, les libéraux devraient normalement avoir atteint le fond du baril. S'il fallait qu'ils amorcent une remontée, aussi lente soit-elle, et que l'Action démocratique du Québec (ADQ), à 15 %, continue sur sa lancée, la nervosité gagnerait les militants péquistes. Et des militants nerveux au PQ, ça devient des gérants d'estrades embarrassants pour le chef. Mais jusqu'à preuve du contraire, Pauline Marois a su imposer sa discipline. Elle sera là à la même date l'an prochain.
Le facteur Deltell
Le défi du PQ n'est pas seulement de gagner les prochaines élections, mais surtout de former un gouvernement majoritaire. Sans majorité, un gouvernement souverainiste serait incapable de tenir un référendum et encore moins de faire pression sur Ottawa pour récupérer de nouveaux pouvoirs.
C'est là que l'ADQ et même Québec solidaire sont à surveiller. À 15 % dans les sondages, Gérard Deltell n'est pas une menace. Tout au plus peut-il espérer conserver ses circonscriptions de Québec-Chaudière-Appalaches. Mais s'il parvient à ramener Éric Caire et Marc Picard au bercail et à séduire l'électorat nationaliste de centre droit, il peut espérer faire des gains.
Deltell n'a pas impressionné la galerie pendant sa première année à la tête de l'ADQ. Il manquait d'expérience et a ramassé un parti désabusé et fortement endetté. Mais ses derniers mois ont été meilleurs et lui ont valu un appui de 97 % chez ses militants. Il n'y a pas longtemps, Gérard Deltell songeait à céder sa place à François Legault si ce dernier acceptait de se joindre au parti. Son vote de confiance et sa querelle avec Jean Charest, qu'il a qualifié de parrain, ont totalement changé la donne. Lors de son point de presse de fin de session, il s'est dit prêt à devenir premier ministre du Québec. Il n'est plus question, dans les circonstances, de céder sa place à un autre.
Amir Khadir
Qui aurait pu croire qu'avec un nom aussi éloigné des «pure laine», Amir Khadir pourrait devenir l'un des politiciens les plus respectés du Québec? Malgré quelques erreurs de parcours, le député de Québec solidaire a impressionné tout le monde en 2010, tant sur les questions de fond que par le ton respectueux utilisé envers les gens et les institutions. Son défi n'est plus là : les élections complémentaires dans Kamouraska-Témiscouata ont démontré à quel point son parti est absent à l'extérieur de Montréal. Son premier défi est encore de faire élire un autre député sur l'île de Montréal. Mais plus encore : Québec solidaire n'a pas d'organisation à l'extérieur de la région montréalaise. M. Khadir devra passer un peu moins de temps au Salon bleu de l'Assemblée nationale et prendre la route des régions.
Quant à François Legault? Rien à dire pour le moment. On attend toujours son manifeste, et on verra.
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