CHRONIQUE DE LA CROQUEUSE DE MOTS

Vous avez dit... "Circus quebecus" ?

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Quand j'ai lu le [compte rendu qu'a fait Rima Elkouri de ce livre->12748], j'ai été d'abord absolument offusquée d'un tel titre pour désigner et décrire la Commission Bouchard-Taylor, cet incroyable exercice démocratique qui a permis à tout le monde de s'exprimer sur un sujet très épineux et même délicat, dans certains cas. Tout le monde, c'est-à-dire autant les Québécois de souche que les Néo-Québécois ou les immigrants récents, les représentants de communautés culturelles et de certains lobbies, les hommes tout autant que les femmes, les gens peu ou très instruits, et tout cela, finalement, de façon somme toute très civilisée. Alors, qu'est-ce que c'est, cette idée de désigner la Commission B-T par le mot CIRQUE?
Il faut lire le livre pour le découvrir. Alors, je me le suis payé (22.95$ + taxes = 24.10$) pour en savoir plus. Vous jugerez, suite à mon compte rendu, s'il mérite que vous l'achetiez vous aussi, ou si vous pouvez vous contenter de ma présentation!
Sous-titré "Sous le chapiteau de la commission Bouchard-Taylor", il y est question, comme dans un vrai cirque, des MAÎTRES DE CÉRÉMONIE (les deux co-présidents qui, ouf, ne sont pas ménagés, j'y reviendrai), et des différents numéros qu'on y voit généralement: celui des ILLUSIONNISTES (les médias), celui des DOMPTEURS DE LIONnes (oui-oui! - et encore B et T dans le rôle des dompteurs), celui des ANIMAUX EXOTIQUES (les "hurluberlus"), celui des CLOWNS jovialistes (maires et immigrants assimilés), celui des LANCEURS DE COUTEAUX (les méchants osant critiquer certains accommodements et certains comportements), celui des ÉLÉPHANTS (Drouin et Thompson, évidemment), celui de LA FEMME À BARBE (Sikhs et Hassidims), et, finalement, le numéro des GRANDS MAGICIENS (les partis politiques). Sans compter LA GRANDE ROUE (titre du ch. 3), cette roue qui tourne à répétition et qui offre toujours le même spectacle, même si les personnes qui s'y retrouvent changent d'un tour à l'autre...
A ce stade-ci, laissez-moi vous dire que, loin d'être offusquée, je suis morte de rire!!! - Ma foi, j'étais trop sérieuse... J'ai pris l'événement trop à coeur depuis plus d'un an... - et comme j'aime bien rire au moins une fois par jour, minimum, j'ai adoré ma lecture et c'est en m'éclatant que je croque aujourd'hui les mots "circus quebecus" !
Au fond, Heinrich et Dufour, qui semblent avoir délibérément choisi de taire toutes les interventions et présentations de mémoires favorables aux immigrants (et travaillant pour eux) et d'insister surtout, voire essentiellement, sur les moments BURLESQUES des forums et audiences de la Commission, ne tirent pas la conclusion que ce fut un cirque. D'emblée, dès leur intro qui est le "Roulement de tambour" (cirque oblige), ils reconnaissent que ce fut une grande thérapie collective, un exercice fameux de démocratie, et un témoignage "de la richesse de l'opinion publique au Québec, richesse qui s'est manifestée tout au long de cette tournée", disent-ils (p.10). - Sauf que, de cette belle richesse, ils ne nous en font partager que les pièces sonnantes burlesques, que les titres et sous-titres indiquent fort bien, d'ailleurs. En fait, ils ont été à l'affût des "perles" et c'est ce qui rend leur livre amusant, à défaut d'être un bon reflet de la réalité. "Ce n'était pas le vaudeville tous les jours", admettent-ils (p.19), mais qu'à cela ne tienne, ils nous feront connaître les dessous croustillants de la Commission!
Le titre choisi est accrocheur et vendeur, il faut le dire, et leur compte rendu des travaux de la Commission, qu'ils ont suivis jour après jour, fait preuve d'un humour certain. Mais voilà, alors qu'ils dénoncent à grands cris le rapport statistique qui a été produit sur les types d'interventions classées en 5 catégories, nos deux lurons, eux, les réduisent à deux: 1) les propos intolérants, xénophobes, racistes et critiques, et 2) les propos tolérants, ouverts et flatteurs pour les immigrants! On ne fait pas dans la nuance: selon eux, on est PRO- ou ANTI-immigration, voilà tout! - Ah! J'oubliais: 3) les propos burlesques et ridicules, justement, dont leur livre est farci. Cherchez un relevé de propos de la catégorie 2, niet, vous n'en trouverez aucun, ou alors, on les retrouve dans la catégorie des... CLOWNS JOVIALISTES! Car nos deux lurons veulent tellement qu'on sache qu'il y a vraiment du racisme et de la xénophobie au Québec! Et bien plus qu'on ne le pense ou voudrait le penser! Et pour faire cette démonstration, eux aussi sélectionneront les propos entendus, et ils noirciront le portrait au lieu de le blanchir, comme ils reprochent à messieurs Bouchard et Taylor de l'avoir fait.
Dans leur conclusion, ils prétendent avoir rapporté "aussi fidèlement que nous le pouvions l'opinion des centaines de Québécois qui ont pris la parole." (p.179). Leur SÉLECTION démontre, noir sur blanc, que le portrait qu'ils nous tracent de la réalité de cette consultation est bien loin d'être fidèle. Ils étaient beaucoup plus intéressés à rapporter les "freak shows", ce qui est plus facile et ils l'admettent eux-mêmes: "Ce pot-pourri populaire était d'ailleurs souvent beaucoup plus intéressant que les interventions des divers groupes de pression, des organismes communautaires, des élites locales et des intellectuels experts de telle ou telle question pointue." (p.180). - Justement, un portrait fidèle, monsieur Jeff et madame Valérie, les aurait inclus! - Mais trop d'ouvrage et trop de concentration exigée, sans doute??
Gérard Bouchard a dit, à la fin des travaux de la Commission: "Réjouissons-nous de ce que nous avons fait de très bien." (cité p.46). Or, Heinrich et Dufour n'en ont rien à foutre du bien. Il est plus facile de noter et de rapporter les bouffonneries et de rire, que d'écouter attentivement et de rendre compte de mémoires étoffés et pas mal plus sérieux!
Dans mes prochaines chroniques, je traiterai de certains chapitres particuliers qui, à eux seuls, méritent un examen plus approfondi et critique. Rira bien qui rira la dernière!


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    22 avril 2008

    Doria Ross, Saint-Lambert
    Comme dirait mon grand-père, "W0! les moteurs " madame Saulnier.
    A-t-on perdu le sens de l'humour? Même si tout n'est pas drôle, loufoque et ridicule dans un cirque, il n'était pas nécessaire de raconter les interventions très sérieuses présentées devant la commission B.-T., car les présidents s'en chargeront dans leur rapport.
    Les auteurs de Circus quebecus nous ont présenté une sorte de caricature. Il faut les décoder et interpréter leur livre comme tel.

  • Archives de Vigile Répondre

    20 avril 2008

    Et vous pensez que les cirques n'existent pas ailleurs. Commission inutile. Commission de gaspillage. Mais mettons les choses en perspective. Personne au Québec n'a déclaré la guerre à un pays au nom d'armes de destructions massives inexistantes, raser le pays et tuer 1,2 millions d'Irakiens au nom de...... Je me souviens plus exactement.
    Notre cirque est bien petit et n'a jamais fait de mal contrairement à celui à Washington, qui lui a coûté à date 3000 milliards US. Coût réel sur l'économie mondiale. (Joseph Stiglitz, Prix Nobel Américain)
    Vous voyez ? Un bien petit cirque que le nôtre.Tout petit.
    Un petit cirque bien risible. Le monde est un endroit bien triste et comique à la fois.
    Circus québécus ? Et alors ?
    Pensez au Circus Américanus !
    Nous devons mettre les choses en perspective, moi inclus, malgré ma déprime, mes moments de désespoir. Je devrais plus souvent penser au Circus Américanus pour m'assagir et guérir cette vilaine dépression. Mettre les choses en perspectiv, moi inclus.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 avril 2008

    Étonné je suis de vous lire. Je ne comprends pas votre dernière phrase. Nous sommes donc menacé de rire …en dernier. D’un rire d’une nature nouvelle?
    Pour ma part, ce livre ne m’étonne pas. Il apporte une vision sous-jacente à la nature sérieuse de cette commission. Les dessous et les dessus de ce que nous avons soupçonnés mais que personne n’avait relevé de manière évidente.
    Le sérieux c’est le travail du Devoir, le spectaculaire c’est le travail du Journal de Montréal, le travail de la radio c’est de diffuser les journaux en amplifiant et en ridiculisant les gens de la campagne.
    Vous dites vouloir rire tous les jours mais sans préciser la sorte de rire.
    Moi, face ce livre, je rie jaune de plein cœur, l’absurdité presque Béckettien mêlé a du Ionesco, mais en tenue légère.
    J’ai hâte de rire votre prochaine chronique.
    “Quand celui qui rit le dernier a fini de rire, personne ne rigole plus.”
    Pierre Dac