D'où viens-tu? Quel est ton pays d'origine?
Depuis combien de temps es-tu ici?
Pourquoi as-tu quitté ton pays pour venir t'installer ici?
DES QUESTIONS À DÉMYSTIFIER
Selon certaines interventions entendues à la Commission Bouchard-Taylor, et même selon certains mémoires, un certain nombre d'immigrants, et ce, même de la seconde génération (nés ici), se sentent offusqués lorsqu'on leur pose l'une de ces questions. J'y avais fait allusion dans [ma toute première chronique sur le mot "immigrant"->9424], disant que loin d'être incongrue ou inappropriée (donc à ne jamais poser), cette question de l'origine indique qu'on s'intéresse à l'autre, qu'on cherche à communiquer avec lui et à apprendre un tas de choses sur lui et sur son pays natal, à s'ouvrir à ce qui est différent de nous, à manifester de l'intérêt pour ce qui nous est inconnu ou mal connu. En fait, non seulement est-ce un DROIT de poser cette question, mais c'est aussi un DEVOIR! Un devoir d'ouverture et de rapprochement!
Mais voilà, pour certains, la question est perçue comme MÉPRISANTE à leur égard, comme si on les excluait ipso facto du NOUS québécois, ou comme si nous soupçonnions des raisons douteuses à leur installation ici. C'est le cas d'un citoyen de Bonaventure, en Gaspésie, originaire de Tunisie, qui a mentionné qu'on lui a souvent demandé pourquoi il avait quitté son pays pour venir s'installer ici, au Québec. La seule réponse, selon lui, c'est tout simplement: "Par choix." - Belle façon de clore tout échange, tout rapprochement! Ou alors, il faudrait continuer avec la question: "Et pourquoi avoir choisi le Québec plutôt qu'un autre pays?" Car, diantre, pourquoi les raisons de ce choix devraient-elles être un sujet tabou et rester secrètes?
Il y a là une sensibilité, une susceptibilité, même, qui mérite plus ample réflexion. Qui sait s'il ne s'y cache pas une perception erronée à corriger? Un préjugé (à notre égard)? - Regardons la chose de plus près.
Dans le journal Voir Montréal du 20 décembre 2007, plusieurs personnes sont interrogées par Tristan Malavoy-Racine sur la question des accommodements raisonnables. A deux occasions, cette susceptibilité apparaît. D'abord, Aline Apostolska, écrivaine et journaliste culturelle, née en Macédoine, "traduit" la question sur l'origine comme suit: nous percevrions les immigrants comme des exilés venus ici par nécessité et donc "sauvés" par le Québec... Et s'ils sont venus par désir, comme elle, "ça semble vraiment beaucoup plus dur", dit-elle: "Comme Français, on se fait sans cesse demander "pourquoi t'es venu?" (sous-entendu: es-tu un repris de justice pour avoir quitté Paris?)"
Voilà une déformation de sens difficilement explicable et qu'il faudrait régler une bonne fois pour toutes. La question ne sous-entend rien de tel! Figurez-vous que je m'étonne, moi aussi, que l'on préfère le Québec à PARIS! Mais rêver de Paris et y vivre 365 jours par année, ce n'est peut-être pas si réjouissant que cela? Pourquoi serait-ce mieux ici? J'aimerais bien le savoir! Et puisque j'ai une ressource devant moi, pourquoi ne l'interrogerais-je pas?
La stricte vérité, c'est qu'on veut tout simplement savoir ce qui a attiré cette personne à venir vivre chez nous, point à la ligne! Et si la réponse est que c'est mieux ici qu'en France, vive, alors, le petit velours que ça nous fait, et on est fort intéressé à savoir pourquoi c'est mieux ici! - Mais Madame Apostolska voit les choses autrement. De notre part, ce serait, prétend-elle, "le reflet amer d'une piètre image de soi"... - Elle voit donc les choses de la manière suivante: nous nous trouvons si ordinaires, si peu intéressants qu'on ne peut comprendre comment une ou un Français, une ou un Belge, bref, toute personne venant d'un pays développé peut choisir de venir vivre chez nous sans qu'il cache quelque chose de pas très reluisant... - Avouons qu'il y a de quoi s'étonner d'une telle interprétation!
Naïm Kattan, pour sa part, dit que lorsqu'on lui demande depuis combien de temps il est ici, il répond: "Avant votre naissance". Parce qu'il ne se considère plus comme un "migrant" (arrivé à Montréal en 1954).- Bon. Trait d'esprit et je vous cloue le bec, mais la croqueuse de mots persiste: c'est-à-dire? En quelle année? Et... pourquoi cette réticence à le dire? Je sais bien que vous n'êtes pas un "migrant"! Et si vous êtes ici depuis près de 60 ans maintenant, est-ce faire preuve d'indiscrétion que de vous interroger sur votre cheminement et votre vie, vous qui, de surcroit, êtes un personnage public, pour ne pas dire historique, du Québec?
Les journalistes Heinrich et Dufour, dans leur "Circus quebecus", présentent le témoignage de Mehdi Benhadjoudja, au forum de Drummondville:
"Je m'appelle Mehdi Benhadjoudja, je suis d'origine québécoise, même si ça ne se voit pas. Souvent, les gens me demandent: "Tu viens d'où?" Alors moi je leur réponds: "Je suis d'origine québécoise, je viens de Longueuil". Ils disent: "Oui, mais avant ça, tu venais d'où?" Je réponds: "Bien, je viens du Saguenay-Lac Saint-Jean. Je viens de Jonquière." Ils disent: "Oui, mais avant, d'où?" Je dis: "Mais pourquoi vous voulez savoir? Ma mère fait de la très bonne tourtière. Au lieu de la faire avec du porc, elle la fait avec du mouton. Et moi, ma poutine, je la mange avec des merguez." Donc, je suis québécois et je suis fier d'être québécois. Je suis ici pour bâtir le Québec, pour bâtir cette nation"" (p. 111)
Allons donc, mon cher Mehdi! Si vous êtes né au Québec (encore que ce ne soit pas très clair), nous voulons tout simplement savoir de quel pays viennent vos parents! Où est donc le problème de nous dire que votre famille est d'origine maghrébine et musulmane? Moi, si je portais le nom maternel de Moor plutôt que le nom paternel Saulnier, ça me ferait plaisir de parler de mes origines belges et même de vous expliquer pourquoi mes grands-parents ont "choisi" de venir s'installer dans ce pays de froidure! Alors, c'est quoi, l'affaire, dites-moi donc?
Imaginons, maintenant, que ce soit nous qui ayons déménagé nos pénates en France ou en Belgique, ou même ailleurs, dans un pays en développement, et qu'on nous pose la question "Pourquoi?" Aurions-nous la même réticence? Le même... "réflexe d'assiégé"?? - Loin de le penser, je crois plutôt que nous répondrions avec enthousiasme!
En ce qui concerne les personnes venues par nécessité, pour améliorer leur sort et celui de leur famille, en quoi est-ce si "humiliant" de le dire? Boucar Diouf est le premier à reconnaître que la majorité des immigrants ont quitté leur pays pour cette raison-là, et il fait partie de cette catégorie d'immigrants, et il le dit sans crainte et sans reproche! Alors, pourquoi ça ne lui fait rien, à lui, alors que d'autres en sont si dérangés?
***
24 mars dernier. Je visite un ami à l'hôpital, et c'est l'heure du dîner. La préposée qui apporte le plateau a la peau noire chocolat au lait et un accent qui semble espagnol. Le malade et moi, nous lui demandons spontanément de quel pays elle est originaire, et elle nous demande de deviner. Haïti? - Non, bien que, dit-elle, on le pense toujours! - De la Colombie? (puisqu'il y a, me dis-je, une communauté colombienne assez importante à Victo). - Non plus. Du Pérou. - Et c'est d'elle-même, sans qu'on lui ait posé la question, qu'elle nous raconte que ça fait 38 ans qu'elle est installée au Québec. La conversation aurait pu continuer en d'autres circonstances mais, travail oblige, elle a dû quitter, non sans faire, avant, un joli pas de danse... - Comment ne pas souhaiter la revoir pour causer davantage? Et comment ne pas souhaiter que certains Néo-Québécois cessent de percevoir si mal cette question si riche en échange et en communication?
NOTE: Ce qui m'étonne encore davantage que cette susceptibilité-là, c'est que personne ne l'ait encore relevée... - Que de choses on prend pour argent comptant! - 'tite misère... - et maudite rectitude politique outrancière!
CHRONIQUE DE LA CROQUEUSE DE MOTS
Vous avez demandé: "D'où viens-tu?" ?
Ce qui m'étonne encore davantage que cette susceptibilité-là, c'est que personne ne l'ait encore relevée...
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
9 commentaires
Archives de Vigile Répondre
28 avril 2008Je viens du même endroit que toi, mon frère. Voilà tout. Je suis comme toi. Bienvenue!
Mais ne craches pas sur ma langue et ne viens pas jouer à l'asimilateur anglais arrogant et au colonialiste raciste du West Island. Ce n'est pas ce que le PQ, le Bloc, le PLQ, l'ADQ, le NPD ou Québec Solidaire, ont clairement énoncé. C'est triste. Nous ne demandions qu'à vivre normalement et pacifiquement comme dans un pays normal. Ce n'est pas trop demander. Hélas personne n'a vraiment le courage de le dire. Personne.
Jacques Deschenes Répondre
16 avril 2008Je suis natif de Shawinigan. j'ai vécu près de trente ans au Lac St-Jean. j'ai adoré ce coin de pays autant pour les gens que pour les caractéristiques géographiques de ce coin de la planète.
j'ai bien emprunté quelques expressions du pays des Bleuets mais j'ai tout de même garder l'accent de la Mauricie. Je me suis fait demander plus d'une fois d'où je venais à cause de cet accent que j'avais. Ben , vous savez quoi, j'en étais fier et ceci pour deux raisons:
1) Pour moi un être humain digne de ce nom est un être qui apprend, donc qui explore tout ce que la vie lui amène. Voyager, connaître des mentalités diverses, des façons de faire ou de pensée différentes, voilà ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. Alors , moi un mauricien en pays de bleuets, je démontrais que le simple fait de vivre sur une terre qui ne m'avait pas vu naître était signe d'ouverture.
2)J'étais content et fier d'être à la fois Mauricien et un Bleuet, car les deux identités ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui.
Tant que les questions sont posées avec un brin de sensibilité alors tout devient possible.
Jacques A. Nadeau Répondre
11 avril 2008Perceptions et attitudes
Ayant été immigrant (en Allemangne, avant de revenir au Québec) j'aimerais apporter mon humble, et peut-être banale, contribution au sujet évoqué par Mme Saulnier.
J'ai émigré alors que je n'avais que 23 ans (en 1971), parce que j'étais fasciné par l'héritage culturel allemand, au sens large. J'étais à peu près certain de ne jamais revenir au Québec tellement j'étais heureux d'être là! Karl der Große (Charlemagne pour les francophones), le Saint-Empire romain, la musique classique, les philosophes, la littérature, la république de Weimar et.... la déchéance hitlérienne.
Je n'arrivais pas à comprendre comment un pays, arrivé à ce que l'on considérait à l'époque comme le summum de la civilisation, pouvait avoir élu, démocratiquement, un gouvernement d'extrême droite, le NSDAP.
Sur place, j'ai posé des questions et on m'a aussi posé des questions. Je voulais tellement comprendre. Et surtout, entendre les «vieux» m'expliquer comment cela se passait dans leur quotidien, dans les années '30 et '40.
J'ai compris le rôle de premier plan que pouvait jouer l'émotion dans les choix de société d'un peuple. L'humiliation et la honte induites par la défaite de la guerre de 1914-1918. L'humiliation (imposée par le Traité de Versailles) était clairement le principal catalyseur du nazisme. Le traité de Versailles, avec ses conditions, était le couteau qu'on retournait dans la plaie de la défaite. Dès lors, la raison quitta plus de la moitié de l'électorat allemand.
Plus tard, dans les années '70, j'ai pourtant découvert des hommes et des femmes fragiles, des humains, comme vous et moi. À peu près les mêmes préoccupations qu'au Québec (souveraineté restreinte par l'occupation ), les mêmes espoirs et surtout les mêmes désirs de se faire respecter, de vivre leurs courtes vies en paix, heureux et fiers.
Warum ausgerechnet Deutschland?
LA question qu'on me posa le plus souvent; «pourquoi avoir choisi précisément l'Allemagne?». Cela ressemble pas mal à ce que les immigrants se font poser comme question ici aussi! Et voici comment, moi, en tant qu'immigrant, j'interprétais cette question; «ils sont curieux de savoir pourquoi, moi, qui vient d'un pays jouissant d'une si bonne réputation, et qui semble avoir une si bonne éducation peut s'intéresser à un pays qui, à leurs yeux, a si mauvaise réputation dans le monde et qui est peuplé de quasi ratés.»
J'ai toujours considéré (une intuition, un sentiment, une attitude) que les questions quant à mes origines et quant au choix de leur pays comme pays d'adoption étaient probablement motivées par une combinaison de curiosité face à l'exotisme que je représentais et, de manière indirecte, à un désir de se faire rassurer sur leur réelle valeur.
Il y avait aussi, bien sûr, quelques très rares manifestations de xénophobie dans mes relations avec la population. Je me souviens de m'être fait dire, une seule fois en plus de trois ans, qu'une certaine propriétaire de logement était «allergique aux étrangers». Et alors? On s'en fout! La même proprio était peut-être également allergique aux enfants, ou aux poissons, ou aux étudiants!
Ah oui, j'oubliais presque. À Montréal, où je suis né, il arrive encore qu'on me demande si je suis français! J'aurais, selon certains, un « accent » et j'aurais « l'air étranger ». Et pourtant, mes ancêtres se sont établis à l'Ile d'Orléans en 1648 et à Montréal (côté maternel) en 1647 face à la Place d'Armes (Tessier dit Lavigne)! Suis-je moi aussi condamné à être considéré comme un immigrant, un étranger, jusqu'à la fin de mes jours? Bien sûr que non. Pour certains, je suis différent, je dérange un peu et je suscite la curiosité. C'est comme ça! On vit avec. J'en fais pas de boutons. Autrement, aussi bien creuser moi-même ma tombe tout de suite à Notre-Dame-des-Neiges, énergisé par les mille et une frustrations de la vie.
D'autre part, j'ai constaté que la très grande majorité des immigrés, incluant ma conjointe, ressentent à l'égard du peuple québécois une admiration qui défie mon entendement. Le hic ? Ceux-ci déplorent secrètement le manque d'assurance et de confiance en soi affligeants et caractéristiques des peuples humiliés.
Jacques A Nadeau
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
11 avril 2008Merci au prof des jeunes "canadians"!
J'étais en train de me rendre aux arguments des immigrés fatigués de se le faire demander: coudonc, ils aiment pas!
Mais vous me consolidez dans l'idée que par nature, nous voulons nous intéresser (avec tact c'est encore mieux). Avec l'exemple récent de ces gens qui tenteront toujours de nous coller un caractère d'intolérance quand nous nous affirmons,je reviens à dire: Présent!
Archives de Vigile Répondre
11 avril 2008Quel dommage que cette attitude !
J'avais remarqué depuis plusieurs années que le fait de m'intéresser aux origines d'une personne me rendait souvent suspect de fermeture d'esprit à leurs yeux. Que, ironiquement, vouloir en savoir plus sur ces individus, leur parcours et celui de leurs familles, créait chez eux un doute quant à ma capacité d'accepter leur identité québécoise. Pourtant, je ne suis que curieux. Et surtout, je considère sans réserve comme québécois à part entière quiconque choisit d'élire domicile ici et participe à la culture locale, peu importe d'où il, ou ses ancêtres, proviennent.
Moi qui ai vécu longtemps en Asie, dans un pays où la couleur de ma peau faisait en sorte que, même après 100 ans, mes petits-enfants n'auraient jamais été considérés comme autre chose que des "étrangers", je me suis fait poser la question de mes origines plusieurs fois par jour pendant plusieurs années. On me demandait aussi inlassablement pourquoi j'étais là-bas. Je n'y ai pourtant jamais vu qu'un signe d'intérêt, ainsi surtout qu'un sentiment de fierté chez mes interlocuteurs qui se voyaient flattés que, de tous les endroits sur Terre, j'aie choisi leur pays pour m'installer, travailler et vivre. Fiers aussi de voir que je m'efforçais d'apprendre leur langue et leurs coutumes.
Cela ne m'a jamais insulté. Au contraire, ça m'a permis de démarrer mille et une conversations avec des inconnus, beaucoup plus efficacement que ne l'aurait fait la météo ou le sport.
Alors pourquoi devons-nous marcher sur des oeufs ici ?
Parce que nous sommes sans cesse mesurés à des sociétés, canadienne et états-unienne, où il existe un idéal libéral décrétant que les origines ethniques, origines nationales, l'accent et la couleur de la peau ne comptent pas et devraient donc disparaître du vocabulaire. Seulement, il s'agit d'un idéal très noble, certes, mais trompeur : car ces différences comptent.
Bien sûr, elles ne comptent pas en ce qu'elles devraient servir à juger des qualités d'un individu : ce qui est du racisme.
1) Elles comptent tout d'abord pour ceux qui les intègrent à leur identité : ceux-ci se diront eux-même juifs, musulmans, algériens, noirs, latinos, chinois, autochtones... avant ou en plus de se dire québécois. (L'ironie ici est de percevoir du racisme quand un Québécois "de souche" mentionne ces affiliations ethniques, nationales ou religieuses chez quelqu'un, alors qu'on félicitera ce dernier de s'en réclamer avec fierté !)*
2) Mais elles comptent aussi parce que, là où on n'en parle pas ou peu, à l'ouest comme au sud du Québec, les gens n'en pensent pas moins. Me ferez-vous croire que les États-Unis et le Canada anglais, "terres d'inclusion", connaissent moins de tensions raciales que le Québec ? Laissez-moi rire ! La différence est plutôt qu'on y est beaucoup plus politically correct.
Au Québec, on vous demandera d'où vous venez. Maladroitement peut-être, mais il s'agit de curiosité, d'intérêt. En échange, vous risquerez moins de voir des croix gammées ou des KKK peinturés sur les murs, ou encore de vous faire crier de « retourner chez-vous » dans la rue.
Certes, nous avons encore à nous ajuster à la nouvelle donne de l'immigration massive. Certes, tout n'est pas parfait, et nous sommes même en retard, particulièrement en ce qui a trait à l'accessibilité des minorité au marché du travail. -Il y a des raisons historiques linguistiques à ce retard, mais nous travaillons à y remédier.
Ceci étant dit, ce n'est pas en accusant les « de souche » de racisme primaire qu'on réglera les choses. Surtout si c'est sur la base de conversations anodines où des quidams expriment une curiosité face au parcours d'autrui.
D'ailleurs, le B'nai Brith nous confirme bien le réel état de la situation chaque année, dans ses rapports sur l'antisémitisme au Canada : le Québec se fait chaque fois déclarer plus intolérant que les autres provinces, ceci basé sur des sondages et des opinions, malgré que les actes antisémites violents y soient moins nombreux per capita !!!
Il faut croire que les paroles comptent plus que les actes pour certains...
*NOTE
Une anecdote révélatrice :
J'enseigne à une classe de secondaire où les élèves sont tous nés ici, mais dont les parents sont à 8/10 d'origines étrangères. Il s'agit d'une classe d'étudiants qui parlent essentiellement anglais mais qui ont une très bonne maîtrise du français.
Un peu comme l'exemple cité plus haut, lors d'une discussion en début d'année les jeunes ont commencé à me citer avec fierté les pays d'origines de leurs parents en disant : « Moi je suis argentine », « Moi je suis du Bangladesh », etc. Plusieurs mentionnaient des origines mixtes. J'ai été frappé de voir que personne ne mentionnait « québécois » dans le lot.
J'ai alors répondu en m'adressant à toute la classe de ne pas oublier qu'ils étaient québécois aussi.
Toute la classe s'est alors exclamé en choeur : « Non, nous on est Canadiens ! ».
Archives de Vigile Répondre
11 avril 2008Mme Saulnier,
Comme vous vous sentez que vous avez DEVOIR de poser cette question, moi, comme un immigrant, je me sens que je peux doner une réponse, cela ne veut pas dire que c'est LA réponse, ou qu'il y a juste UNE réponse possible.
Suivez ma logique, s.v.p. Un immigrant vient ici dans trois cas sur quatre pour des raisons économiques, au moins c'est ca que dit la statistique. Trouver de l'emploi, c'est l'enjeu qui détermine si cet immigrant va rester ici, ou repartir vers son pays, ou partir vers d'autres provinces ou d'autres pays. Comme la plupart des immigrants sont des spécialistes dans une domaine ou une autre, c'est pas question qu'ils restent longtemps sur l'aide sociale, c'est très humiliant. Faire des études pour quelques années, oui, mais pas pour toujours. Alors, il arrive un jour ou un immigrant comme moi commence à demander d'emploi. Il ou elle comprendent vite qu'ici il y a un critère bien précis qui détermine qui a le droit de travailler et qui doit attendre. En bref, la "loi" de la société dit qu'un immigrant peut avoir un emploi si et seulement s'il n'y a pas même un Quebécois (avec des compétenses pour ce job, bien evidemment) qui le demande. À la fin, pour simplifier l'argument, être considéré comme Quebecois ou pas, pour plusieur immigrants cela veut dire avoir un emploi ou pas. Dans cette logique, la question "D’où viens-tu ?" dans le cerveux de l'immigrant se traduit comme "Est-ce que tu mérite de travailler ou pas?"
Deux choses pour conclure ce message.
Les immigrant qui vient au Québec, dans quarte cas sur cinq vivent à Montréal. Sauf pour très peu de gens, ils tous demandent la citoyenneté canadienne après 3 ans. Alors, ils vivent au même temps dans trois univers symboliques: Montréal, Québec et Canada. Poser la question d'une manière qui éliminent deux de ces trois univers peut être normal seulement pour quelqu'un pour lequel ces deux univers n'existent pas.
Les mots et les questions n'ont pas de sens en soi. C'est la société qui produit le sens ou les sens. Dans votre cas vous devez essaiez d'accepter le fait que cette question, même si elle a un sens tout à fait neutre pour vous, a un sens tout à fait négatif pour moi. En quelque sorte, l'élimination de cette question est une précondition pour moi de m'intégrer dans votre société.
Archives de Vigile Répondre
11 avril 2008Incroyable de lire un truc pareil.
Vous rendez-vous compte que des gens nés en France qui s'appellent Sarkisian, Kowalczyk, Ponticelli, (donc rien des Dupont qui ont 'fondé' le pays) peuvent vivre en France toute leur vie sans se faire écoeurer une seule fois avec ce 'oh que c'est cute, d'où venez-vous ? C'est votre premier hiver ?'
Que des Hussein, des Wong, des Gretzky peuvent vivre au Canada et aux États-Unis sans se faire écoeurer non plus, même s'ils s'appellent pas Smith ?!
Pourquoi ? La France et les États-Unis sont des républiques d'intégration. Le Québec pense encore en termes d'identité ethnique.
Et c'est bien de se faire écoeurer qu'il s'agit. À tous les jours ou presque, pendant 50 ans (que dis-je, 50 ans, 100 ans en comptant les autres générations), répondre à la même question... Oh, Saulnier. C'est cute. Ça vient d'où Saulnier ? C'est votre premier hiver, Madame Saulnier ? Après 30,000 fois la question, 30,000 fois la même réponse, vous auriez pas le goût de dire : Et ta soeur, c'est son premier hiver, ta soeur ?
Votre waitress péruvienne ou que sais-je, pensez-vous pas qu'elle est écoeurée de répondre à ça tous les jours depuis 38 ans ?! Et que ses enfants vont devoir répondre pareil parce qu'ils ont le malheur de s'appeler Diaz ou Ortiz et d'avoir la peau café ? Et vous pensez qu'ils ont le goût de voter OUI ? C'est à cause de gens 'qui s'intéressent aux autres' comme vous, que les autres ils votent NON.
Ça me fait penser à mon pote de babyfoot, Walid. On pouvait pas finir une game sans qu'il se fasse écoeurer 'gentiment'. Je lui ai dit : dis-leur que tu viens de Gaspésie, le plus sérieusement du monde. Les plus intelligents n'insistaient plus. Le plus nonos étaient tout mélangés...
Il n'y a rien, rien de plus provincial et ringard que de demander aux 'étrangres' d'où ils viennent. Ouverture à l'autre mon oeil. Ostracisme 'gentil' pour des siècles, oui.
Tant que les Canadiens français seront aussi claniques, la République du Québec ne naîtra jamais. Relisez donc le Survenant. Rien a changé !
Nicole Pedneault Répondre
11 avril 2008Mon neveu fréquentait, il y a trois ans, une école primaire multi-ethnique de Montréal. Dans sa classe, chaque élève se faisait un point d'honneur de nommer son lieu d'origine. J'imagine que l'enseignant en profitait pour parler de tous ces pays si différents qui d'ordinaire frappent l'imagination des enfants.
Donc, mon neveu s'était lié d'amitié avec un jeune d'origine vietnamienne. Il en parlait toujours à la maison. Mon ami vietnamien par-ci, mon ami vietnamien par-là. Un jour, mon frère, tout heureux, a eu l'occasion de rencontrer cet ami qui était avec son papa. "Alors, demande mon frère à son fils, voilà donc ton ami vietnamien?" Le papa insulté a répliqué: " Et vous, on vous demande d'où vous sortez?"
Ce fut la fin d'une amitié naissante entre deux enfants. Le papa du jeune d'origine vietnamienne a jugé que mon neveu avait un père raciste et qu'il valait mieux éviter de le côtoyer.
Voilà où nous mène la bêtise de certains
Archives de Vigile Répondre
11 avril 2008J'ai peut-être une réponse à la question que vous posez madame Saulnier et cette réponse je la trouve dans mon propre passé.
Quand j'étais plus jeune, beaucoup plus jeune, il m' arrivait d'aller me promener à New-York. Quand j'y étais, je faisais tout ce que je pouvais pour tenter de passer pour un Américain. J'essayais de parler comme eux et j'essayais de me comporter comme eux. J' ignore si j'y arrivais avec tous les gens que je rencontrais mais je l'espérais.
Pourquoi est-ce que je me comportais de cette façon-là? Pour une raison bien évidente pour moi aujourd'hui mais qui ne l'était pas à l'époque. J'avais tout simplement honte d'être un Canadien français et je ne voulais pas que ça se sache.
J'ai même fait pareil à Paris. J'ai essayé de passer pour un Français. Quand je me remémore tout cela, je ne suis pas très fier de moi mais, heureusement, j'ai changé depuis. Je me suis assumé.
Je me demande donc si les immigrants qui, au Québec, n'aiment pas se faire demander d'où ils viennent, ne le feraient pas pour des raisons semblables.
Ils ou elles n'ont peut-être pas nécessairement honte de leurs origines mais ils essayent peut-être, pour diverses raisons, d'oublier leur passé en tentant de passer pour des Québécois de souche. Ou peut-être y a-t-il de leur part une certaine mauvaise conscience.
Donc, par respect pour eux, je pense que nous ne devrions pas trop leur poser ce genre de questions. Ce serait indiscret de notre part que de trop insister.