Vingt ans après la crise d'Oka - La soeur du caporal Lemay traduit un livre sur les Mohawks de Kanesatake

Crise d'Oka - 20 ans plus tard... et aujourd'hui



Caroline Montpetit - Quatre semaines après la mort de son frère, le caporal Marcel Lemay de la Sûreté du Québec, dans la pinède d'Oka, Francine Lemay, craignant un «bain de sang» s'était présentée aux barricades pour porter elle-même une lettre de pardon aux Mohawks. «Après la mort de mon frère, je faisais des cauchemars, sans doute reliés aux récits que j'avais lus dans ma jeunesse sur les Indiens», raconte-t-elle. Elle rêve que des Amérindiens s'introduisent dans des maisons et agressent les Blancs. On est alors en pleine crise d'Oka, et les policiers interdisent à Francine Lemay l'accès à Kanesatake, mais elle a quand même su, quelques années plus tard, que sa fameuse lettre s'était rendue dans la communauté mohawk.
Vingt ans plus tard, Francine Lemay vient de traduire un livre qui retrace l'ensemble de l'histoire de la communauté mohawk de Kanesatake. À l'orée des bois, une anthologie de l'histoire du peuple de Kanesatake, écrit par Brenda Gabriel et Arlette Kawanatatie Van Den Hende. En faisant connaître cet ouvrage au monde francophone, elle souhaite élargir la compréhension du monde autochtone et le poids de son histoire.
Au moment de la crise d'Oka, dit-elle, «je ne connaissais rien des Mohawks, ni des revendications, ni des autochtones en général. C'était très limité ce que je savais, c'était des souvenirs de jeunesse, à partir de mon livre d'histoire du Canada. C'était les bons Hurons et les méchants Iroquois». En fait, c'est en 2004, après avoir été approchée par des étudiants de McGill pour donner une interview sur la crise d'Oka qu'elle se lance dans diverses lectures, dont At the Wood's Edge, la version anglaise du livre qu'elle vient de traduire. Sa perception des autochtones, et des Mohawks de Kanesatake en particulier, change du tout au tout. Elle découvre les différents sévices que ce peuple a endurés, «les tromperies, l'exploitation, l'injustice et les déplacements forcés». À sa propre douleur s'ajoute la compréhension de celle de l'autre. Au même moment, par hasard, Francine Lemay, qui est aussi membre d'un groupe de chrétiens évangéliques, rencontre un groupe de Mohawks associés à un projet de traduction de la Bible, dont Mavis Étienne de Kanesatake, qui avait été négociatrice durant la crise d'Oka. Francine Lemay se présente à elle comme étant la soeur du caporal Lemay, mort sous les balles à Oka. Étienne invite alors Francine Lemay à venir faire un sentier des prières à Oka, qui mènera Mme Lemay au lieu même où son frère est mort. C'est là qu'elle termine son deuil, dit-elle, de ce jeune frère de 31 ans mort alors que sa femme était enceinte d'un deuxième enfant. C'est aussi là que commence une longue amitié avec le peuple de Kanesatake, dont elle fréquente désormais l'église tous les dimanches. Elle y participait hier au prélancement du livre qu'elle a traduit, À l'orée du bois, qui est vendu au centre culturel de Kanesatake ou en commande par la poste.
Aujourd'hui, on ne sait toujours pas qui a tué le caporal Lemay, au moment de l'échange de 90 balles survenu entre policiers de la SQ et Mohawks.
«Celui qui l'a tué le sait», dit celle qui a encore dans sa famille un grand frère retraité de la Sûreté du Québec. Si on venait à déterminer qui a tiré la balle meurtrière, il serait bon que justice soit rendue, dit-elle. «Mais le pardon et la justice, ce sont deux choses différentes», ajoute-t-elle. Des excuses des Mohawks, elle en a reçu durant tout le long de son cheminement, au nom de la communauté. Reste qu'à Oka-Kanesatake, les blessures liées à la crise d'Oka de l'été 1990 ne sont pas encore refermées, du côté des Blancs comme du côté des Mohawks. Le racisme est toujours présent de part et d'autre, et la crise d'Oka a envenimé les tensions.
«Je ne prends ni pour un camp ni pour l'autre», tient-elle à préciser.
La démarche de Francine Lemay a entre autres été marquée par la lecture du livre Fenêtre d'espoir et de réconciliation, de Donald Gingras, qui traite de la réconciliation entre francophones, anglophones, et autochtones.
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Correctif du 24 juin: ce texte a été révisé, une erreur technique ayant fait disparaître un paragraphe lors de sa première publication sur internet.


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